Sans doute l'ai-je déjà dit dans une autre chronique mais comme vous n'êtes probablement pas du genre à mémoriser voire encadrer le moindre de mes textes (et vous avez bien raison), autant le répéter : le doom a, pour moi, ceci de particulier qu'il fait qu'on s'attache, plus qu'à des groupes, à des personnes dont on prend plaisir à écouter les états d'âme. Le doom, un refuge pour hommes en ayant parfois gros et qui se reconnaissent entre hommes en ayant parfois gros.
Karl Simon en a gros, au point d'en devenir attachant. Quiconque l'ayant entendu chanter dans The Gates of Slumber pourra le dire. Si gros qu'il a par ailleurs créé une nouvelle formation où s'épandre : Wretch, dont le nom fait référence au dernier longue-durée des créateurs de
Suffer No Guilt. Avec deux de ses anciens partenaires morts – Jason McCash et Jerry Clyde Paradis (ce dernier nous a quitté juste avant la sortie de l'album nous intéressant aujourd'hui) –, autant dire que le rescapé a des choses lourdes à transmettre. Et lourdes, les compositions de Wretch le sont, Karl Simon continuant de délaisser les démons de livres de heroic fantasy pour s'occuper de ceux le grignotant de l'intérieur.
Des tourments qu'il combat avec une ferveur pour le doom canal historique. Comme le dit lui-même l'intéressé, plus de métaphores, plus de légendes de guerrier musculeux face à des monstres mythologiques. Wretch parle de réalité, de cruelle réalité, avec cette âpreté, à la fois concrète et sensuelle, qui fait le genre dans ce qu'il a de plus traditionnel. La triplette ouvrant le disque est exemplaire à ce sujet, l'entame sauvage de « Running Out of Days » (dédiée à Jason McCash), la menaçante « Rest in Peace » ainsi que « Bloodfinger » et ses atours de jam psychédélique mettant directement dans le bain.
Toujours la même histoire. Bien qu'on trouve ici quelques éléments propres aux Ricains montrant qu'ils n'ont pas fait que compulser les œuvres de The Obsessed et Saint Vitus (ces soli lorgnant vers le heavy metal ainsi qu'une production garage prouvant que la signature chez Bad Omen Records – label de Clayton Burgess, tête-pensante de Satan's Satyrs et bassiste de Electric Wizard – n'est pas due au hasard), c'est une nouvelle plongée dans l'ancien qui se pratique ici. À chacun de voir si entendre des riffs écrivant continuellement en quatre notes les quatre lettres du mot « doom » est encore à son goût ; j'y trouve pour ma part une satisfaction confortable qui n'empêche pas les calbotes au cœur, des titres comme « Rest in Peace » ou encore « Icebound » me touchant à chaque fois. Certes, la durée courte (en trente-trois minutes, pas le temps de niaiser !) oblige autant à taper directement dans le vif du sujet qu'au sans-faute, et il y a quelques remplissages dans ce qui est autrement une collection de petites tueries certifiées AOC (« Winter », reprise un peu plate de Judas Priest par exemple), mais c'est toujours avec une envie de retourner vers ce chant à la fois plaintif et charnel que je quitte la bien-nommée « Drown ».
Comme je l'ai dit plus haut, Wretch est, de façon assumée, une suite directe à ce retour vers le traditionnel qu'était l'album
The Wretch de The Gates of Slumber. Forcément, malgré un line up différent, la comparaison entre l'ancienne et la nouvelle mouture s'impose. Et si
Wretch a pour défaut de ne pas avoir le caractère épique que conservait mine de rien
The Wretch, se contentant d'être simplement un album de doom, il a la qualité d'être, simplement, un album de doom – vous la sentez, l'argumentation bon/mauvais chasseur ? – dans tout ce que le style peut avoir de rock, érotique, tranquille et enfiévré à la fois, craquant les murs par le son jusqu'à flirter avec l'air. Le contexte englobant la sortie de ce disque est clairement pour quelque chose dans cette aura à la fois mortuaire et victorieuse « malgré tout » qui entoure ce premier disque, mais, même pris seul, on tient là une bonne surprise de cette rentrée, définitivement placée sous le signe du lent !
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