Cathedral - Statik Majik
Chronique
Cathedral Statik Majik (EP)
Battre le fer tant qu’il est encore chaud est un adage des plus courants, et c’est sans doute ce qu’ont du se dire les membres de Cathedral. À peine six mois après la sortie de The Ethereal Mirror, Cathedral s’enfermait de nouveau en studio pour enregistrer trois nouvelles compositions, continuant ainsi l’alternance entre albums et EP comme ce fut le cas depuis leurs débuts. Remettre le couvert aussi peu de temps après un album de la trempe de The Ethereal Mirror, pour lequel les Anglais avaient bénéficié de moyens conséquents, pouvait nous faire craindre le pire au niveau de la qualité des titres. Et pourtant c’est le contraire auquel nous avons le droit sur le présent Statik Majik, uniquement destiné au marché européen car sorti chez Earache Records, une autre version de cet EP sera commercialisée sur le marché américain sous le nom de Cosmic Requiem. Cathedral allait-il perdre sa verve en étant aussi prolifique?
La réponse est évidemment non, car les Anglais avaient de la ressource et surtout de quoi nous surprendre tout le long de cet enregistrement long d’une quarantaine de minutes. L’entrée des débats est on ne peut plus dantesque puisque le groupe nous ressert le classique Midnight Mountain, présent sur The Ethereal Mirror. Que dire de plus sur ce titre qui est sans doute le plus groovy du groupe, avec à la clef un clip inénarrable et tellement kitsch au possible avec notamment un Lee Dorrian en costume disco et maître de cérémonie. Pour autant, ce titre aux riffs imparables et au rythme enjoué est une pure merveille, et le maître étalon de ce que l’on nommera une dizaine d’années plus tard le disco doom metal. Quelle est loin l’ambiance dépressive de Forest of Equilibrium mais j’ai rarement entendu titre aussi entraînant chez la formation; et pour ce qui est des autres suiveurs, l’on peut dire qu’ils sont loin derrière. Place donc à ces trois nouvelles compositions qui n’ont pas le même type de production aussi éclatante que sur The Ethereal Mirror mais qui a un cachet assez antique et qui nous renvoie tout droit aux années soixante dix. D’ailleurs, le titre Hypnos 164 nous rappelle aisément l’influence de toujours, à savoir Black Sabbath, notamment pour ce qui est de ses titres les plus véloces, le rythme étant ici bien plus rapide que de coutume pour la bande de Lee Dorian. Mais pour autant, il y a tout de même cette constante: un enchaînement de riffs vraiment inspirés de la part de Gaz Jennings et de Adam Lehan, et ce groove de rhinocéros en rut qui fonce tête baissée. L’on y retrouve quelques claviers sur le final, avec un riff un peu plus empreint de nostalgie mais qui rend très bien, en raison notamment de ces très belles leads.
L’on poursuit ensuite avec l’une de mes compositions favorites de Cathedral: l’excellent Cosmic Funeral. Le rythme y est plus lent sur sa première partie avec d’ailleurs un orgue qui rend l’ensemble bien plus solennel. Là encore, le riff principal est tout bonnement entêtant et peut être même ultime en son genre. Mais tout ceci va s’emballer par la suite avec une accélération, relative pour Cathedral, et l’entrée en scène du mellotron pour donner à tout ceci une ambiance seventies avant que n’intervienne ce fameux break un peu plus funky et cette mythique punchline que je me dois de vous retranscrire:
« Ooh Disco Supernova
Do the Martian Bossanova!
Can ya dig it?
Let’s Groove - Sonic Muthafucka !!!! »
Et là, l’on ne peut qu’avoir un sourire béat d’admiration devant ce passage tellement génial, - oui car à ce niveau, c’est tout bonnement du génie - avant que tout ne s’emballe de nouveau pour un final bien sabbathique quoique légèrement décousu et absurde, comme si les Monthy Python s’étaient invités dans cette danse de saltimbanques. Bref, en sept minutes, l’on a une sorte de kaléidoscope d’émotions et de sensations et c’est aussi cela qu’il faut retenir du quatuor. C’est aussi pour cela que je le vénère toujours autant.
Cet EP se clôt par l’un de titres les moins connus du groupe mais pourtant l’un des plus passionnants: le fameux The Voyage of the Homeless Sapien et ces quelques vingt deux minutes. On le sentait venir au fur et à mesure des sorties discographiques et aussi par l’intermédiaire des groupes cités dans les remerciements, mais ici Cathedral navigue en territoires purement progressifs. Mais ne vous attendez aucunement ici à un enchaînement de démonstration technique et de juxtaposition de choses incongrues et rébarbatives, vous n’êtes pas en train d’écouter Dream Theater, mais bel et bien Cathedral. L’on nous renvoie ici aux groupes progressifs des années soixante dix avec un titre chapitré en huit parties et avec très peu de structures récurrentes, un peu comme ces longues pièces de groupes comme Genesis ou Yes qui occupaient une face de vinyle. L’on va donc alterner avec des passages plus posés et calmes, avec pas mal d’instruments typés progressifs comme le mellotron ou la flute traversière et qui vont donner un aspect assez fantasmagorique à l’ensemble, comme sur la première partie, la troisième et la sixième, avec d’ailleurs pas mal d’arpèges et d’accords en sons clairs. Mais tout ceci va évidemment alterner avec des riffs typiquement doom metal, car il ne faut pas oublier qui signe cette composition et que forcément, de ce point de vue, c’est toujours aussi bon d’autant que Gaz Jennings était divinement inspiré. Et comme le groupe ne fait pas comme tout le monde, il est aussi capable d’insérer des interludes totalement délirants comme sur la fin de la troisième partie et au milieu de la quatrième et de la cinquième.
C’est d’ailleurs très cohérent entre les paroles et les sous titres de chaque partie. Il faut parfois s’accrocher car les transitions sont abruptes mais servent bien la narration de cette histoire, et j’y retrouve bien ce côté conteur que pouvait avoir le Genesis de Peter Gabriel. Si l’ambiance est parfois joviale, il y a des moments plus nostalgiques et mêmes plus aériens comme sur la sixième partie. Il va sans dire que ce titre n’est pas des plus simples à digérer mais prouve bien que le groupe était alors en pleine bourre créative et ne se donnait pas de limites. Et puis les riffs des passages purement doom metal sont vraiment excellents, je pense notamment à celui de la septième partie, quasiment instrumentale, avant que tout ceci ne se termine d’une manière un peu absurde avec le monologue d’une personne alcoolisée qui n’a aucun sens, avec qu’il ne tire la chasse d’eau des toilettes en guise de conclusion. Sans doute fallait-il y voir une sorte de pied de nez à la major Columbia qui ne devait pas s’attendre à ce qu’un de ses poulains se permette autant de libertés. Même si cette créativité pourrait effrayer avec un titre aussi long, tout s’enchaine très bien en fait, il faut juste prendre le temps d’assimiler cette excellente composition. Il faudra attendre une dizaine d’années avant que le groupe ne se permette d’explorer pleinement ces territoires, notamment avec le titre The Garden sur The Garden of Unearthly Delights, et, bien évidemment sur l’épatant The Guessing Game.
Au final, ce Statik Magik est une très belle réalisation montrant toute la créativité d’un groupe qui ne se fixait aucune limite et qui était capable de s’ouvrir à d’autres choses que ses influences purement doom metal, sans pour autant perdre sa personnalité. Car même si l’on a l’impression que les Anglais s’éparpillent parfois, l’on reconnait aisément que c’est Cathedral qui est l’auteur de ces quatre compositions. Comme c’est l’une des premières réalisations que j’ai acquis de ce groupe, elle conserve pour ma part une aura particulière, mais elle peut aussi être une belle porte d’entrée pour pas mal de personne, ne serait-ce que dans la mise en avant des influences des années soixante dix, parfaitement assimilées, de la part de musiciens honnêtes et inspirés et qui n’avaient cure des carcans dans lesquels l’on pouvait les enfermer. D’ailleurs, si l’on se replace dans le contexte de l’époque, à part Revelation, il n’y avait pas grande monde pour se permettre d’associer le doom metal avec des influences plus progressives. Et puis, Cathedral n’avait pas besoin d’en faire des caisses pour montrer à tout le monde qu’ils étaient déjà complètement hors du temps, sa musique suffisait amplement. Cet EP marque aussi la fin d’une période pour Cathedral, puisque leur contrat avec Columbia fut rompu quelques temps après, pour ce qui est du marché outre Atlantique, le groupe restant fidèle pour un bon moment avec Earache. C’est aussi le dernier enregistrement avec Mark Wharton et surtout Adam Lehan, qui, lassé par l’intensité des tournées, lâcha l’affaire, laissant Gaz Jennings et Lee Dorrian dans une période d’incertitude pendant quelques mois.
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