Sixième album de Type O Negative,
Life Is Killing Me voit le jour en juin 2003 sur Roadrunner Records. Celui-ci fait suite au très sombre
World Coming Down paru quatre ans auparavant et ne laisse à priori présager aucun changement particulier puisque tout ce qui caractérise le groupe new-yorkais est une fois encore de la partie, à commencer bien évidemment par tous ces éléments graphiques contribuant à définir l’identité visuelle de Type O Negative depuis maintenant plus de dix ans.
C’est en plongeant dans l’écoute de ce nouvel album et ses soixante-quatorze minutes que l’on peut s’apercevoir d’un très léger changement opéré par Type O Negative. D’ailleurs, plutôt que de changement il semble plus approprié de parler d’évolution tant la musique des new-yorkais reste la même. Mais alors, de quoi parle-t-on exactement si rien n’a fondamentalement changé? Et bien tout simplement d’une approche beaucoup plus pop et légère qu’auparavant faisant de
Life Is Killing Me l’album le plus mélodique dans la discographie des Américains après
Dead Again, dernier témoignage du groupe sorti en 2007.
Une évolution pleinement assumée par Type O Negative à en juger par le seul et unique single tiré de de ce nouvel album, l’efficace et ultra-entêtant "I Don’t Wanna Be Me". Un titre simple et rock’n’roll (il y a même un solo à 2:29) particulièrement catchy dont le refrain continue de résonner dans nos têtes après toutes ces années. Comme moi, beaucoup doivent d’ailleurs se souvenir du clip qui accompagne ce titre où l’on y voit ce que l’on imagine être un employé de bureau bien sous tous rapport rentrer chez lui pour laisser libre court à ses instincts les plus inavouables et ainsi se travestir en de multiples personnages (Marylin Monroe, Michael Jackson, Eminem, Britney Spears...). Et ce titre qui ouvre l’album (enfin après cette lourde introduction tout en riffs saturés qu’est "Thir13teen") est loin d’être un cas isolé. En effet, Type O Negative n’est pas sans récidiver avec quelques morceaux venus rappeler son passé Punk/Hardcore. On notera par exemple le très drôle "I Like Goils" prononcé "I Like Girls" par un Peter Steele bien en verve, expliquant à qui veut bien l’entendre qu’il n’est pas spécialement partant pour se faire enfiler par ce que l’on imagine être un de ses admirateurs secrets :
"Forget the jar of Vaseline. Hey rich-bitch boy I'm not gonna be your queen",
"I'm quite flattered that you think I'm cute but I don't deal well with compacted poop",
"To make it clear that you can't bone me. My tattooed ass reads "exit only"". Même chose avec le titre "Angry Inch" qui n’est autre qu’une reprise tirée de la célèbre comédie musicale Hedwig And The Angry Inch relatant l’histoire d’un homme ayant décidé de changer de sexe et dont malheureusement l’opération se déroule mal. Enfin, on peut également y ajouter d’autres titres tels que "Todd’s Ship Gods (Above All Things)" ou "Life Is Killing Me" aux rythmes certes moins enlevés mais dont le refrain reste particulièrement accrocheur.
De l’autre côté, et sans jamais ressentir un quelconque déséquilibre, que ce soit en terme de dynamique ou même d’atmosphère, on retrouve ces titres qui ont fait la force et l’identité de Type O Negative. Des titres plus sombres et plus complexes qui conservent cet esprit quelque peu fourre-tout tout en étant pourtant extrêmement cohérents et dont les mélodies parfois kitschs (les lignes de clavier de Josh Silver sur "I Like Goils" figurent très certainement parmi les plus remarquables) mais toujours irrésistibles viennent nous ensorceler dès les premières écoutes pour ne plus jamais nous lâcher. Et si l’auditeur sera bien entendu séduit et bousculé par les quelques titres les plus vifs de l’album, il semble également bien difficile d’opposer une quelconque résistance face à ces nouveaux hymnes Gothico-Doom que sont les excellents "Less Than Zero (<0)" et cette fameuse sitar que l’on n’avait plus entendu depuis "Can’t Lose You", "...A Dish Best Served Coldly" et son break aux riffs sabbathien, "How Could She?" sa sitar dont le thème n’est pas sans rappeler celui de "Less Than Zero (<0)", son solo psychédélique et surtout cette transition complètement schizophrène sur laquelle tout s’accélère, "Life Is Killing Me" ses riffs écrasants et ce clavier 80’s incroyable à la John Carpenter, "Nettie" et son atmosphère romantico-religieuse poussiéreuse (merci le clavecin), "(We Were) Electrocute" cette balade claironnante où transpire la douceur (relative) d’un Peter Steele excellant une fois de plus dans l’art de la comparaison :
"Even though I still miss your lips. You're about as real as your tits", etc…
Mais une fois encore, ces morceaux ne seraient pas grand-chose sans quelques éléments clefs propre cette fois-ci à l’identité sonore de Type O Negative. Le premier et le plus important reste assurément la voix suave et imposante d’un Peter Steele toujours aussi délicieux. Un magnétisme animal passant par des lignes de chants plus variées qu’on ne le pense. Alors qu’avec "Nettie" ce géant tout en muscles nous fait goûter à la profondeur de son organe, on le trouve faire preuve de bien plus de douceur sur des titres comme "Todd’s Ship Gods (Above All Things)" ou "(We Were) Electrocute". A l’inverse, Steele se plie également à la cadence de titres tels que "I Like Goils" ou "Angry Intch" et laisse alors de côté cette nature sensuelle pour quelque chose de plus brut, arraché et tout en urgence.
Le second, déjà évoquée ici et là, concerne l’importance du travail de Josh Silver sur l’élaboration des atmosphères de ce nouvel album. Celui-ci a toujours su apporter des sonorités très différentes passant ainsi d’atmosphères orientales dépaysantes ("Less Than Zero (<0)", "How Could She?", "(We Were) Electrocute") à des ambiances kitschs et désuètes assez différentes les unes des autres (le clavier presque clownesque de "...A Dish Best Served Coldly" à 3:40, celui ultra retro de "Life Is Killing Me", le clavecin rappelant l’atmosphère piano/bar du début du siècle précédent sur "Nettie", l’accordéon bien frenchy de "Drunk In Paris"...) sans oublier également l’aspect plus religieux de certaines séquences comme sur "Nettie" à 2:43.
Enfin il y a cette production toujours aussi particulière mettant en lumière un son puissant et synthétique tout en saturation. Une marque de fabrique que le groupe, en tant qu’auto-producteur, continue de dérouler sur chacun de ses albums,
Life Is Killing Me ne faisant heureusement pas exception à la règle.
Ainsi, si Type O Negative donne le sentiment de revenir vers des titres plus simples et bas du front rappelant dans la forme les excellents "Kill All The White People" ou "We Hate Everyone", il le fait d’une manière inattendue grâce à des compositions plus mélodiques et plus légères qu’auparavant, renouant par ailleurs avec un humour toujours aussi noir et incisif qui l’avait semble-t-il quitté sur
World Coming Down. Il s’agit là également d’un avant-goût de ce que nous réservera Type O Negative quelques années plus tard avec
Dead Again, son album le plus mélodique mais aussi le plus étrange (mais nous y reviendrons) jamais sorti. Quoi qu’il en soit, les new-yorkais continuent leur sans-faute avec un album non pas surprenant au sens strict mais offrant quelques moments véritablement inattendus. Pour le reste c’est du Type O Negative comme on l’aime: sexuel, romantique, torturé, écrasant et mélodique. Allez, encore deux…
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