Parmi les lacunes à combler que compte Thrashocore, la discographie des new-yorkais de Type O Negative figure probablement en haut de la liste de mes priorités. Il faut dire que le célèbre groupe de Brighton Beach n’est représenté en ces pages que par un seul album, son premier.
Slow, Deep And Hard paru en 1991 présentait alors à la face du monde un groupe unique et totalement novateur ayant réussi à faire cohabiter Thrash/Hardcore (Rappelons que Peter Steele a évolué auparavant au sein de Carnivore) et Doom mélodique dans des ambiances autant industrielles que gothiques.
Encore à la recherche de son identité, ce premier album n’est pas tout à fait représentatif de la discographie des Américains qui seront appelés à évoluer vers une musique moins frontale, plus sensuelle… presque sexuelle. Aussi, après deux albums sur Roadracer (
Slow, Deep And Hard et
The Origin Of The Feces (Not Live At Brighton Beach)), Type O Negative sort en 1993 son troisième album sur le fraîchement renommé Roadrunner Records.
Bloody Kisses marque alors l’entrée par la grande porte dans le monde du Metal pour Type O Negative en offrant notamment au label de Monte Corner ses deux premières certifications "Gold" (500000 exemplaires) et "Platinum" (1000000 d’exemplaires). Un exploit incroyable pour un disque de Metal affichant tout de même plus de soixante dix minutes au compteur.
Depuis 1991, chaque sortie de Type O Negative fait appel à quelques détails devenus depuis sa véritable marque de fabrique. On retrouve donc comme pour chaque albums passés et à venir le nom du groupe dans un coin et le titre de l’album dans un autre. De même, ce sont le vert et le noir qui dominent une fois de plus, de cette pochette libidineuse en passant par l’intérieur du livret et même du CD. Ou encore cette fameuse appellation "Product Of Vinnland" au dos de (presque) chaque disque etc… Une image maîtrisée sur le bout des doigts qui affirme encore un peu davantage toute la personnalité de Type O Negative.
Comme on est jamais mieux servi que par soi même, ce nouvel album est une fois de plus produit par le groupe himself. Un choix que Type O Negative se plaît à suivre depuis ses débuts, ceci dans l’idée de demeurer le seul maître à bord. De fait,
Bloody Kisses reprend sans surprise ce son de guitare et de basse si personnel. Un son extrêmement saturé rapidement devenu la marque de fabrique des new-yorkais. Un son chaud et pourtant synthétique qui n’en finit pas de vous envouter, écoutes après écoutes. Là encore, par cette identité sonore totalement affirmée, Type O Negative se démarque aisément du reste de la scène Metal. Un parti pris qui ne manque pas d’audace pour l’époque mais qui se montrera payant puisque vingt ans plus tard, Type O Negative n’en demeure pas moins toujours aussi unique en son genre.
D’un point de vue strictement musical,
Bloody Kisses marque une avancée toute particulière pour le groupe qui, à l’exception de "Kill All The White People" et "We Hate Everyone", tend à délaisser petit à petit ses sonorités Hardcore au profit d’une approche moins frontale. Un choix qui lui sera reproché par quelques fans ici et là mais qui au final va être très largement compris et approuvé. Ainsi, sur "Kill All The White People" (sur lequel quelques membres de Life Of Agony viennent poser leurs voix) et dans une moindre mesure "We Hate Everyone" (au moins sur la première partie), le groupe présente un visage beaucoup plus radical et bas du front. Un mélange de Thrash/Hardcore à l’ancienne joué pied au plancher et tête baissée. Deux titres qui viennent alléger
Bloody Kisses et ses fameuses compositions à tiroir.
Car comme le précisait déjà Häxan lors de sa chronique de
Slow, Deep And Hard, l’une des caractéristiques majeures de Type O Negative est de proposer de longues compositions où se succède une multitude de plans et d’idées pas toujours évident à appréhender.
Bloody Kisses montre toutefois un groupe plus à l’aise dans ses transitions et dans la construction de ses morceaux. Moins bancals, mieux construits, ils deviennent tout de suite plus faciles à apprivoiser et donc à mémoriser. Pourtant, on ne peut pas dire que Type O Negative cherche à nous faciliter le travail. Il suffit de prendre l’exemple du superbe "Christian Woman" qui du haut de ses neuf minutes ne cesse d’évoluer au fil du temps et qui malgré cette multiplicité d’idées n’en reste pas moins homogène. Si cet exemple est donc criant de vérité il est aussi tout à fait approprié au reste de l’album.
Des idées et des styles qui se mélangent au gré des envies de Type O Negative. Un héritage Doom qui emprunte énormément à Black Sabbath dans sa lourdeur mais aussi dans ses ambiances : le break halluciné de "Kill All The White People" ou encore les premiers riffs de l’excellent "Summer Breeze" pour ne citer que ces deux exemples. Des passages féroces ("Kill All The White People", "We Hate Everyone") et d’autres plus en finesses (le passage acoustique de "Christian Woman" à 4:21 avec le gazouillis des oiseaux en arrière plan), le délicieux "Summer Breeze", le tubesque et très ensoleillé "Set Me On Fire" avec cette fameuse pédale wah-wah, le break de "Blood & Fire", "Can’t Lose You" et sa sitar pour des sonorités plus orientales etc…
Mais ce n’est pas tout, deux points importants demeurent à la bonne compréhension de cet album. Tout d’abord l’énorme travail de Josh Silver au synthétiseur. Plus ou moins discret en fonction des morceaux, sa contribution est cependant d’une importance capitale à l’atmosphère qui se dégage de
Bloody Kisses et plus généralement à l’identité sonore de Type O Negative. Des arrangements, des samples et des sonorités qui pointent essentiellement vers des atmosphères tristes et mélancoliques (le scandaleux "Christian Woman", le vampirique "Black No. 1 (Little Miss Scare-All)", le funéraire "Bloody Kisses (A Death In The Family)") voire désuètes (le clavier façon Adams Family sur "Black No. 1 (Little Miss Scare-All)"). Un travail énorme qui saute parfois aux oreilles mais qui sait aussi s’effacer pour mieux accompagner le reste des musiciens.
Le second point concerne bien évidemment Peter Steele. Ce grand bonhomme musclé à l’humour ravageur fait preuve, grâce à son organe vocal, d’une sensualité exagérée. Un chant grave et profond qui, j’en suis certain, a du faire douter plus d’un auditeur sur sa virilité et son orientation sexuelle. Une sexualité débordante, décomplexée, ambivalente qui transparaît sur n’importe quelle ligne de chant, aussi bien celles où Steele se veut plus agressif que celles où il se montre plus aguicheur. Une voix hors du commun, véritable force de Type O Negative au milieu pourtant d’éléments déjà très marqués. Notons tout de même que Peter Steele est épaulé par le guitariste Kenny Hickey venu ici lui prêter main forte de manière quasi constante. C’est d’ailleurs lui qui prend les reines sur ce tube qu’est "Set Me On Fire".
Voilà un tour d’horizon plus ou moins complet sur ce que j’estime être l’un des albums majeurs de Type O Negative. Bien sur, j’aurai pu vous parler des quelques interludes que l’on retrouve toujours chez les new-yorkais mais personnellement, j’y accorde peu de crédit de part leur utilité toute relative. Pour le reste
Bloody Kisses est un album tout simplement incroyable de part ce qu’il a représenté à une certaine époque mais aussi de part ce qu’il continue d’être aujourd’hui, à savoir un album qui à d’abord révolutionné le petit monde du Metal mais aussi un album qui demeure vingt ans après sa sortie une référence majeure toujours inégalé et qui surtout n’a pas pris une seule ride. L’adhésion à la musique de Type O Negative ne peut être que totale. Pas de demi mesure pour cette musique intense, sexuelle, pleine d’humour (certes noir et cynique) et pourtant si mélancolique. On aime radicalement ou alors on déteste purement et simplement. La demie mesure ne peut être en ces lieux.
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