Forcément, étant donné l'actualité du groupe (qui n'est plus, ce dernier s'étant séparé peu de temps avant la sortie de cet album, posthume sans avoir été conçu comme tel), on peut difficilement échapper au passage Nèg' Marrons concernant cette chronique de The Wounded Kings. Et si je devais résumer en un mot la carrière des Anglais, « chaotique » est sans doute celui que j'emploierais. Passer de chef-de-file après deux albums cultes pour beaucoup (
Embrace of the Narrow House et
The Shadow over Atlantis) à entité cherchant un second souffle après une rénovation complète (qu'on appellera simplement « période Sharie Neyland » mais qu'on pourrait très bien nommer « époque mi-figue, mi-raisin » si l'on veut être juste sur les qualités de
In the Chapel of the Black Hand et
Consolamentum) pour mieux revenir, en apparence du moins, à ses origines (comme le retour du chanteur George Birch le laisse penser, on y reviendra)... Tout cela donne l'impression qu'il y a de quoi écrire un livre sur les rois blessés, dont le découpage en chapitres ne parviendrait pas à passer sous silence les détours, déroutes et autres casseroles qu'a subi Steve Mills, seul membre à avoir tenu à flot, bon an mal an, la barque du début à la fin.
Pourtant, difficile de ne pas voir
Visions in Bone comme un disque préparé comme un baroud d'honneur au départ, tant il semble construit de bric et broc pris dans la discographie de The Wounded Kings durant les premières écoutes. Le plaisir de retrouver cette voix (qui est, encore et toujours, « la » voix : autant dire que Sharie Neyland s'oublie bien vite quand déboulent les premières lignes vocales de George Birch sur « Beast ») laisse en effet place à un avis mitigé sur ces autres instruments, au son à la fois atmosphérique et concret, aux mélodies longilignes et explosives, filant des morceaux variés et cependant sobres dans leurs effets. Pris entre le souvenir des ambiances de
Embrace of the Narrow House et les dernières œuvres, plus modernes, des Anglais, ce cinquième longue-durée paraît couper la poire en deux, tenant maladroitement sur deux jambes dépareillées.
Faire un effort. Effacer le passé, les attentes. Plonger dans la musique sans a priori et laisser « les choses se faire ». Voilà ce que demande
Visions in Bone. Une fois cela effectué (ce qui ne sera pas du goût de tout le monde, j'en conviens, encore que je suis de ceux pensant que les grands disques ne s'offrent pas sans un minimum de travail de la part de l'auditeur), le charme opère. Ni retour, ni sommaire présentant des créations passées,
Visions in Bone est une nouvelle ère pour The Wounded Kings. Musicalement, une ère de maîtrise, de ceux qui savent faire beaucoup avec peu (« Beast » est un monde à lui seul, constitué de nuits, rues, romantisme et meurtres) et qui, subtilement (le maître-mot ici, au final), vous retourne comme une crêpe, par un arpège emmenant vers le vide (« Vultures ») ou un refrain cisaillant le corps aussi fluidement que l'air (« Bleeding Sky »). Sur le plan des sentiments, une ère où les Rois délaissent l'occulte, se font affreusement proches, sensibles, tout en donnant à leur proximité une profondeur de roman noir et délicieux. Exit les cimetières, exit les candélabres, bienvenue à la ville, endroit où faire son
From Hell personnel : par une production faite en granit, par des effluves qui finissent par assujettir le nez, par des élévations douceâtres où le soir n'est plus un lit mais un terrain de jeu de choix, par cette voix (cette voix !) qui nous emmène dans une escapade urbaine comme on ouvre des rideaux cachant un endroit inédit... Le charme opère, oui, d'une façon semblable à ce que l'on pratique sur une table de chirurgien, transmettant ses amours victoriens avec une telle acuité qu'il ne donne envie que de s'excuser de ne pas l'avoir ressenti plus tôt.
Réussir à changer une nouvelle fois sa recette et parvenir à se hisser aussi haut après des années de déboires en tous genres (qui, a posteriori, se ressentent dans les coups de mou
In the Chapel of the Black Hand et
Consolamentum) n'est pas donné à tout le monde. Et si
Visions in Bone y arrive, cela ne veut pas dire qu'il est exempt de toutes critiques. Au-delà de soucis extérieurs à la musique (une campagne des labels désastreuse, pour un album annoncé depuis des mois et sorti comme on jette un bébé avec l'eau du bain, ainsi qu'un digipack chiche en contenu), son caractère étrangement difficile d'accès continue de me désarçonner parfois. Par exemple, un titre comme « Kingdom » peut faire mouche de belle manière comme s'enfuir sans réussir à m'agripper selon les moments. Une attention à la mesure de celle qu'a apporté The Wounded Kings à son œuvre est clairement requise pour plonger dans ces quarante-sept minutes. Mais, en bon fan de la formation, je ne vois aucun problème à aller vers ce dernier tour, de force bien entendu, comme j'ouvre un livre d'images semblant éparpillées jusqu'à ce qu'elles m'éclairent de leur sens. Oubliez votre cerveau et faites ici confiance à vos os. D'eux, naîtra la vision.
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