Giallo.
Il n’y a pas à se trifouiller la cervelle très longtemps pour trouver l’image forte qu’appelle cet album de The Wounded Kings, ni même accoler tout ce qu’on veut d’entêtant et ce qu’on souhaite de macabre dans un pénible exercice de recherche d’adjectifs – vous y aurez tout de même droit ; c’est qu’on est payé à la ligne ici – :
Embrace of the Narrow House est giallo, point barre.
Et, si vous me permettez de développer davantage cette analogie, c’est plus particulièrement à
Dellamorte, Dellamore que je pense lors de l’écoute d’
Embrace of the Narrow House, ce long-métrage de Michele Soavi synthétisant ce qui fait la particularité des films d’horreur italiens jusqu’à l’absurde, mettant en scène ses personnages déprimés et romantiques dans un cimetière de carton-pâte, enveloppé d’un brouillard défiant tous changements climatiques, peuplé de zombies et d’histoires d’adultères, la Mort et la pleine lune comme résidents permanents. Des clichés, mais des clichés dans tout ce qu’ils ont d’évidence, de constructions proches des vérités et possédant ici la force de cette ambivalence entre attraction et crainte de l’impalpable.
Ce lieu commun du funèbre et capiteux, autrefois balayé par Goblin ou Morte Macabre (auxquels The Wounded Kings fait autant penser ici qu’aux sempiternels Black Sabbath et Electric Wizard),
Embrace of the Narrow House lui donne une patine marquant les effets du temps : la basse et les guitares sont poussiéreuses, la production paraît tousser les instruments et les expulser loin dans la brume de claviers aux notes sans contours, quant à la batterie… sans doute en est-ce une, le sfumato modelant l’album lui donne des airs de chaînes s’entrechoquant à la manière du
Black Masses des sorciers électriques.
Il est clair que ce n’est pas sur le terrain du doom « catchy » ou « crushing » que les Anglais cherchent à avoir la mainmise. Ce doom-ci est squelettique, doté d’un groove dont a été enlevée toute chair, un ossuaire qui est un dédale et non une simple accumulation de compositions. À l’image d’une tracklist pleine de sous-parties, les sept chapitres de l’essai s’abordent dans une envie de s’égarer au sein du même mystère que les films d’horreur italiens et leur parfum particulier, à la fois daté et sans âge, où l’on se trouve captivé par une atmosphère en suspension, viciée mais irrésistible.
Tout ou presque a déjà été dit sur George Birch, de ses lignes menaçantes et frissonnantes à la manière dont elles sont mixées, en retrait, ajoutant une allure fantomatique au sinistre de l’ensemble. L’ancien chanteur du groupe redonne aux tourments des héros de romans gothiques ce pouvoir qu’ils ont pu perdre dans les manières et larmichettes d’autres formations (pas de noms, il y en a trop !). Une voix modeste, éthérée (à peine note-t-on l’esquisse d’un refrain sur « The Private Labyrinth »), transie et perdue par ce qui lui arrive.
Réédité au format vinyle en 2011 par High Roller Records (puis quelques mois plus tard en CD par Eyes Like Snow) avec une pochette différente, plus occulte et colorée mais moins marquante que celle originale,
Embrace of the Narrow House reste la meilleure sortie des Anglais à ce jour, talonnée de près par
The Shadow over Atlantis, davantage sépulcral mais moins vénéneux que son ainé. Assez tourné autour du pot, on parle de surnaturel ainsi que de sexe ici et puisque bavarder sur ces choses-là est toujours ridicule (et inutile – le bon doom, c’est toujours un peu du sexe, non ?), je vais couper court en disant que ce premier longue-durée peut d’ailleurs se voir comme la version nocturne et morbide du
disque sans-titre de Jex Thoth, un doom personnel dont l’indolence fait avancer amoureusement vers la Mort.
Indispensable, évidemment.
La pochette de la réédition
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