Deumus - Oyer and Terminer
Chronique
Deumus Oyer and Terminer
Le coup du doom metal occulte, il y a de grandes chances que l’on vous l’ait déjà fait depuis une bonne dizaine d’années. Et avouez le, cela a souvent tourné vers quelques choses un poil décevant ou en dessous des attentes que vous pouviez en avoir. Il y a souvent eu des formations s’annonçant comme occultes ou processionnelles, mais où le décorum prit souvent le pas sur le rendu musical, à coup de candélabres, mises en scènes et autres maquillages macabres. De là, une certaine réticence à donner crédit à des formations qui, pour la plupart, ne font que singer ou bien un Black Widow ou un Coven, avec des moyens plus modernes. Et malheureusement, le raccourci est quelque peu grossier, mais l’on a souvent ces images lorsque l’on parle de ce type de doom metal, quand nous n’avons pas de mauvais clones de Electric Wizard, ou des formations fleurtant avec le gothique, ou bien encore des groupes de pop un poil plus musclés. Vous pouvez oublier tout ceci avec ce premier album de Deumus, Oyer and Terminer. Si la fondation du groupe remonte à deux mille dix-sept, peu d’informations circulent sur le quintet, si ce n’est un parcours classique parsemé de deux démos, From the Void et First Ritual, qui était une captation de leur premier concert, et aussi une reprise du Bewitched de Candlemass. Et pourtant, ce premier album des Autrichiens, - une contrée que l’on aborde que très rarement pour ce genre musical -, risque toutefois de faire parler de lui.
Que nous propose donc le quintet ? Et bien un doom metal qui, par certains aspects, est, somme toute, assez classique, basé sur des riffs bien pesants et bien prenants, et surtout très inspirés. L’on a aussi pas mal de leads et d’harmonisations, ainsi que quelques soli, venant étoffer ces titres. Il y a également une très belle et très intéressante utilisation des acoustiques, aussi bien sur l’introduction de Nemesis, qu’en filigrane sur le titre Alter Ego. Et dans ses instants les plus lents, l’on retrouve bien ce côté désespéré inhérent au genre. Mais voilà, Deumus a décidé de ne pas faire forcément dans le classique et encore moins dans le conventionnel. Vous pouvez oublier aussi le type de formation très scolaire qui va respecter les dogmes du genre à la lettre, car il se passe pas mal de choses sur ces trente huit minutes. En premier lieu, il n’y a rien de linéaire dans la musique des Autrichiens et ils se permettent de temps à autres quelques accélérations, comme sur le titre Doom. Ce qui va surprendre sur cette accélération, c’est qu’elle sonne quasiment black metal, mais plutôt dans son obédience crue et sale, et l’on n’est pas loin de penser à des groupes de la première vague, ou bien encore à Darkthrone. Ce n’est d’ailleurs pas le seul emprunt à ce registre musical, puisque l’on retrouve des trémolos de guitares dès le titre suivant, Die With Me. Des trémolos qui vont intervenir à plusieurs reprises en alternance avec des passages plus euclidiens pour le genre. L’on a une autre accélération saisissante sur le final de Nemesis, avec des patterns de batterie qui vont plutôt nous rappeler ce que l’on trouve dans le thrash metal, avec des « touka touka» à la batterie.
Old-school allez-vous dire ? L’on est bien dans cette forme de propos musical, avec, en sus, une grande puissance qui se dégage de tout ceci. Ce, d’autant plus, que cela sonne assez cru et sale, l’on a presque l’impression que c’est un enregistrement live, - on entend même le métronome sur la toute fin de Alter Ego. En tout cas cela nous donne certaines audaces qui sont assez saisissantes et qui ne seront peut-être pas du goût de tout le monde. C’est pourtant ce qui va donner un côté assez original au doom metal prodigué par Deumus. L’on a d’ailleurs des compositions qui suivent ce même trajet non rectiligne, si je puis dire, tant les compositions ne répondent pas non plus à des schémas traditionnels, avec toujours des parties ou des ponts assez surprenants venant casser le rythme. L’on peut ainsi retrouver un passage bien plus calme avant que le groupe ne reparte de plus bel sur quelque chose de plus soutenu, à l’instar de ce qu’il propose sur Die With Me. Il maîtrise très bien cette faculté à faire monter l’intensité au sein de ses titres, autre élément clairement appréciable. Dans les faits, il en découle quelque chose d’assez bouillant, comme si les feux des Enfers venaient se déverser sur vous à chaque moment. Le rendu est effectivement assez vicieux, et si des mélodies pointent souvent sur chaque titre, elles n’ont rien de faciles. Il y a même ce côté processionnel qui ressort pas mal de certains riffs et des patterns du batteur. Comme quoi, la période de gestation de cet album, depuis la création du groupe, a permis à ce dernier de peaufiner ses compositions.
Néanmoins, ce n’est aucunement ceci que l’on va retenir de la part de Deumus, qui, pour le coup pourrait se rapprocher des Français de Dionysiaque. C’est bien le chant de Philipp Prenttenthaler qui risque d’en marquer plus d’un. Et sans doute que vous ne serez pas prêts à ce que vous allez entendre ici au niveau du chant. Démoniaque, incantatoire, halluciné, frénétique ou bien encore véhément, ce sont les mots qui me viennent à l’esprit pour évoquer cette voix. Une voix qui n’est comme nulle autre et qui n’a rien à voir avec du chant clair classique. Non, le frontman affiche ici une forme de folie et qu’il est difficile de raccrocher avec d’autres chanteurs de doom metal, si ce n’est dans les moments les plus fous de Scott Reagers, - LE chanteur de Saint Vitus -. Et si je devais faire une comparaison, je citerais volontiers Mark of the Devil de Cultes des Ghoules, bien plus que Saibot de Head of the Demon. Le chant n’est pas similaire, mais il y a quelque chose qui s’en rapproche dans la démarche et dans le rendu: on l’imagine assez facilement avec la bave aux lèvres dans une transe, déclament des phrases plus impies les unes que les autres. Je pense parfois à un Nattram, - Silencer -, sur l’excellent Alter Ego, tant il se dégage une certaine forme d’hystérie dans ses lignes de chant, sans être aussi aigües que chez le dérangé suédois. Autant dire que ce ne sera pas du goût de tout le monde, toutefois, c’est ce qui fait toute l’originalité de la formation. Et surtout, c’est vraiment bien maîtrisé, même si l’on a l’impression qu’il est parfois sur la brèche. Et cela marche de manière incroyable, tant il impressionne vraiment sur l’entièreté de cet album.
Autant dire que nous avons là une combinaison qui prend réellement tout son sens entre ces lignes de chants totalement dérangées et ce côté vraiment maléfique qui se dégage de la musique du groupe. Les exemples sont nombreux pour rendre justice à ce côté purement occulte. Je citerais ces guitares acoustiques un peu dissonantes sur le titre éponyme, ou bien encore ces chœurs incantatoires sur cette même composition. Deumus a même le petit truc qui fait la différence parmi la floppée de formations qui s’essaient à ce type de rendu: c’est qu’ici on y croit vraiment. Ici, il n’y a rien de surfait, rien qui ne sonne en plastique, rien de superflu. Il y a là quelque chose d’assez fiévreux et de fervent dans ces six titres, une ambiance quasiment médiévale, dans ce que cette époque nous renvoie d’occulte et de sale dans l’imaginaire collectif, et qui colle complètement avec la pochette de l’album, avec l’iconographie adéquate. C’est dans ce genre de détails et dans tout ce qui ressort de ces trente huit minutes, que l’on ressent clairement cet occultisme, ce côté très païen pour ainsi dire, d’hommes ayant pactisé avec le Diable, sans craindre les anathèmes des hommes du Dieu unique. Il y a clairement de tout cela sur ces six titres, quelque chose de palpable assez aisément au fil des minutes et qui ne sonne pas comme de la pacotille ou du grand guignol.
Oyer and Terminer, c’est le genre de belles surprises que l’underground sait encore nous proposer de nos jours, et c’est toujours plaisant de tomber sur de telles pépites. Deumus est parvenu à réaliser ici quelque chose que peu de groupes ont clairement exploré, à part quelques formations italiennes, dont Abysmal Grief, et va même bien plus loin dans cette exploration que Head of the Demon, - à un tel point que les Suédois apparaissent comme bien gentillets à côté du quintet. Mais ici cela sonne clairement bien plus maléfique. Si les premières lignes de chant, incantations serait d’ailleurs le terme le plus adéquats, pourraient faire sourire de part leur originalité, l’on a rapidement envie de retirer ce sourire moqueur pour réellement profiter de cette réalisation haute en couleurs et en sensation. Clairement, cet album et surtout le chant ne seront pas pour tout le monde, pourtant, les Autrichiens méritent amplement le détour, car il y a quelque chose de très jubilatoire dans cette réalisation. Nous avons clairement ici un groupe sur lequel il faudra compter dans les années à venir, s’il ne se plante pas, bien évidemment, et ce Oyer and Terminer mérite clairement que l’on s’y attarde et qu’il sorte du quasi anonymat dans lequel il est sorti.
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