Hellvetron - Trident Of Tartarean Gateways
Chronique
Hellvetron Trident Of Tartarean Gateways
Bien cachées parmi la litanie de sorties qui inondent un marché saturé et mondialisé, il existe des galettes surprenantes et marquantes de par leur originalité ou leur concept, et à ce titre la nouvelle livraison du duo d’El Paso fait totalement partie de cette catégorie vu qu’elle est une expérience sensorielle qui ne laisse pas indemne. Si jusqu’au présent celui-ci n’avait pas tellement fait parler de lui il le doit tout autant à sa discographie réduite au minimum (à peine une Démo et un album – avant ce successeur, en quinze années d’existence) que par sa faculté à rester dans l’ombre et l’obscurité afin de peaufiner son style au maximum, ce qui demande une sacrée habileté pour ne pas tomber dans le ridicule et/ou le n’importe quoi. En effet le binôme a poussé nettement plus loin son concept musical vu que son Black/Doom occulte et oppressant est une vraie messe noire au sens pur et propre du terme, porté par des ambiances omniprésentes qui remplacent une violence presque absente. Pendant presque une heure les texans vont emmener leur auditoire vers les abîmes et les ténèbres où le feu et la chaleur règnent en maître autour du diable et de ses légions (on peut facilement imaginer qu’elle serve de bande son à la « Divine Comédie » de Dante), à travers une musique hermétique et minimaliste d’où rien ne semble pouvoir s’échapper, et où la folie n’est jamais très loin tout comme le bûcher qui semble déjà prêt à accueillir ses victimes. Il est évident en effet que ce genre de disque n’est pas à mettre entre toutes les oreilles et qu’à une certaine époque le simple fait de le posséder aurait valu cette sanction à son propriétaire comme à ses créateurs, qui auraient été considérés comme des hérétiques en puissance.
Nul passage par le purgatoire vu que l’on plonge directement vers les flammes éternelles, c’est d’ailleurs comme cela que s’ouvre cet opus (via « I. Opening – Queen Of The Void ») avec un clavier particulièrement angoissant où se mêle au loin le bruit du vent et des loups, histoire de signifier qu’une personne vient de passer de vie à trépas et qu’une cérémonie sataniste se prépare quelque part. Quand elle démarre c’est à un voile de guitare tout en reverb’ et opaque auquel on a affaire, ainsi qu’à un chant possédé qui donne la sensation de débiter des incantations au fond d’une grotte enfumée, le tout avec un rythme majoritairement lent mais suffisamment habile pour proposer de légères variations afin de ne pas risquer de s’endormir. Car avec des morceaux qui pour la plupart s’étirent de façon très (voire trop) prolongée le risque est grand de piquer un roupillon, même si on n’est pas dans du Funeral Doom et que le côté très cru de l’ensemble ajoute du charme aux compos, comme avec « II. Initiation – Lustful Witchcraft » qui se montre encore plus dépouillée. Ici ça crépite lors de l’introduction afin de mieux faire ressentir la damnation éternelle même si on a l’impression qu’au niveau des riffs comme de la batterie que cela ressemble étrangement à ce qui a été proposé auparavant. Ce point de vue va d’ailleurs être une constante, d’où la difficulté à faire ressortir de cette masse grouillante un passage ou un titre complet plus qu’un autre, mais heureusement les gars ont là-aussi ajouté quelques petites subtilités pour de ne pas tomber dans la redondance. On peut entendre notamment quelques chœurs religieux sur le stable et homogène « III. Blessing – Anointed Under A Burning Throne » ou des voix féminines inquiétantes sur « VI. Offering – Solar Dark God » qui semblent préparer à l’instant crucial du sacrifice, tout en conservant une rythmique bridée et un côté hallucinatoire.
Cependant quand les texans se décident à raccourcir leur propos curieusement le tempo va avoir tendance à légèrement s’emballer et à se laisser aller, comme sur la fin de « IV. Evocation – King Of Thaumiel » où ça tabasse modérément tout en restant relativement sobre (on n’est pas non plus dans du Death Brutal). Cela s’entend également durant les moments hypnotiques de « V. Prayer – Draconian Witchblood » qui sont complétés par un riffing froid et coupant et à l’énergie contagieuse, dont semblent s’imprégner les disciples participants aux rituels. Avec des plages certes ressemblantes mais séparées et nommées tels les chapitres d’un vieux grimoire et indépendants les uns des autres, les américains ont pris le parti de jouer sur la chronologie des évènements jusqu’à son aboutissement final. Cela intervient via le surprenant et apaisant « IX. Transformation – Altar Of Scorpions », où les nappes de synthétiques portent l’ensemble et amènent un côté apaisant comme pour montrer que tout est terminé, et que le processus est arrivé à son terme.
Malgré toute la meilleure volonté de ses créateurs il va falloir du temps et de la patience pour appréhender leur œuvre, vu que tout écouter d’une seule traite est particulièrement éprouvant à la fois pour les oreilles comme pour la tête, tant le minimalisme assumé et répétitif est sur certains aspects particulièrement déroutant et difficile à appréhender. Si à une époque pas si lointaine on brûlait les disques de Rock’N Roll nul doute que la possession de ce « Trident Of Tartarean Gateways » aurait valu les mêmes ennuis à celui qui le possède, et qu’il risque de faire causer encore aujourd’hui dans l’Etat d’origine de ses géniteurs. En tout cas grâce à eux il est prouvé que le Diable existe toujours et qu’il a de beaux jours devant lui tant l’écoute de cette galette inclassable permet de vivre une expérience sensorielle et psychologique unique, et dont on ne ressort pas indemne. Cependant pas besoin ici de paradis artificiels ni de sociétés secrètes pour être emmené très loin dans l’esprit et le religieux, même si l’imperméabilité de cette torture auditive rendra difficile le retour à la réalité vu qu’on aura eu fortement l’impression d’avoir vécu une épreuve à mi-chemin entre la vie et la mort, corporelle comme spirituelle, mais dans tous les cas authentique à 100 %.
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