Le nembutal, nom commercial du pentobarbital, est un barbiturique qui fut utilisé en anesthésie ou comme somnifère avant la fin de sa commercialisation, en vertu de ses propriétés hypnotiques induisant somnolence et engourdissement. La forte dépendance qu’il créé a poussé à l’abandonner au profit d’autres anesthésiques, mais il trouva une nouvelle utilisation comme médicament permettant la mort, soit lors d’exécutions (aux États-Unis), soit lors de suicides ou euthanasies. Le nembutal donne aussi son nom au nouvel album d’Opium Warlords et, évidemment, ce n’est pas un hasard.
Qui a déjà rencontré ce projet de Sami Albert Hynninen ne sera pas étonné, le goût pour la provocation et les comportements négatifs ayant toujours marqué ses œuvres. Il saura aussi que l’on est en droit de n’attendre rien d’autre que l’excellence dans ce doom metal intransigeant et extraterrestre, à la fois austère et personnel, où la retenue devient une force. Qu’il ne soit pas inquiété sur ce point :
Nembutal est une nouvelle preuve du talent rare du Monsieur, dépliant sur soixante-treize minutes une diversité de styles liés entre eux par une exécution méticuleuse, magnanime, et des ambiances où la dépression règne dans tout ce qu’elle peut contenir de nuances, défaitisme, contemplation, mélancolie, neurasthénie, poésie de l’horizontalité. Clairement, l’oblomovisme de la pochette n’est pas volée, l’album débutant par un « A Heavy Heart » poussant à s’allonger et laisser errer son esprit en son sein, le chant clair et hédonistique du Finlandais nous guidant vers une terre intérieure faite de blancheur inatteignable, d’une félicité qui est d’autant plus douloureuse qu’elle paraît inaccessible. Un morceau impérial, évoquant Reverend Bizarre et Cathedral (cf. ces intonations à la Lee Dorrian au centre du titre) et qui ne laisse aucun doute sur la nécessité à écouter une nouvelle œuvre d’Opium Warlords.
Car après le culte
Live at Colonia Dignidad, l’excellence doom de
Taste My Sword of Understanding, les expérimentations entre drone et néofolk de
Droner, on peut légitimement se demander si voir Sami Hynninen nous offrir un album-somme compilant les excursions de ses œuvres précédentes est bien nécessaire.
Nembutal paraît en effet être un concentré des différentes lubies de son créateur, une impression de parcourir plusieurs cycles s’inscrivant de plus en plus au fur et à mesure des écoutes. A ce titre, il est taillé pour le format vinyle, chaque face contenant une cohérence propre, une logique musicale, à l’image du trio « Sarah Was Nineteen Years Old / Solar Anus / Early in the Morning the Body of the Girl Was Found » marchant bien comme un triptyque, une avancée vers de plus en plus de clarté paradoxalement froide, une lumière laissant esseulé et sec, où la beauté des leads de « Early in the Morning... » rend étrangement mort et absent au monde. C’est bien l’originalité de ce disque, qui propose différentes parties fonctionnant en elles-mêmes aussi bien qu’ensemble. Un travail fait dans la dentelle, alternant morceaux de doom metal austère (« A Heavy Heart » et « Xanadu », bouclant la boucle), compositions frôlant le black metal ambient et le drone (« Threshold of Your Womb » et « The Destroyer of Filth ») ou encore la trilogie détaillée plus haut, décidément le moment le plus prenant de ce longue-durée.
Nembutal ne proposera donc rien de nouveau pour l’amateur de longue date, excepté un travail d’orfèvre encore plus poussé qu’auparavant. Sami Hynninen donne à chaque œuvre d’Opium Warlords – l’expérimental
We Medidate Under the Pussy in the Sky mis à part – l’impression de chercher la présentation la plus parfaite de sa vision du doom metal et il s’en approche sans doute le plus ici. Pour autant, ce nouveau longue-durée n’est pas l’égal de
Live at Colonia Dignidad ou
Taste My Sword of Understanding, son envie d’exhaustivité le rendant moins radical et enveloppant que ces derniers. Il reste d’indéniables grands moments ainsi qu’une atmosphère de dépression finlandaise, à la fois terne et lumineuse, sévère et folle, qui continue de rendre ce projet unique en son genre. Pas de quoi éteindre l’admiration que j’ai pour l’homme qui en est à l’origine, dont les créations sont encore bien trop méconnues.
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