« Doom divin » : peut-être pensez-vous, à la lecture de cette expression, aux quelques disques de doom metal que vous considérez comme parfaits. Peut-être prenez-vous l’expression au pied de la lettre et avez-vous en tête la lenteur voluptueuse, altière, d’une formation comme Revelation par exemple. Ou encore des noms de figures tutélaires vous viennent en tête, les classiques qui ont influencé le genre...
Pour moi, cette expression restera à jamais attachée à WarHorse. Le groupe du Massachusetts n’est pourtant pas le plus connu, ni un de ceux ayant laissé, a priori, une marque indélébile sur la scène, encore que l’on puisse voir en lui un de ceux ayant pavé la voie du doom metal dans sa version moderne avec Yob ou encore Electric Wizard. Certainement, des groupes comme Conan, Black Pyramid, Hymn ou Slomatics ont dû beaucoup écouter ce projet et son unique album
As Heaven Turns to Ash...., tant il a marqué, derrière son allure classique, une nouvelle façon de transmettre la lourdeur.
Une lourdeur qui, presque vingt ans après, n’a rien perdu de son implacabilité. WarHorse manie en effet les alternances entre pauses tendues et puissance monolithique comme peu y arrivent et ce, dès l’entame « Dusk » malaxant la nuque avant que « Doom’s Bride » la brise. Ce groove-ci n’a en effet rien de relaxant, ni rien d’un mauvais trip : il est ce qui s’approche le plus possible d’un écrasement venu d’en haut, une voix rocailleuse frôlant le guttural appuyant davantage cette impression d’être sous le joug d’un maître de la pesanteur. Ce climat orageux, porté par des guitares d’un blues électrique, un blues qui louvoie sans laisser une chance de s’échapper (ces éclairs qui naissent sur « Lysergic Communion »...), ne suggère que ce qu’il réalise à chaque fois, comme une fatalité s’abattant sur nous. Malgré les rotations, les montées de ton de « Black Acid Prophecy », « Scrape » ou encore « Every Flower Dies No Matter the Thorns (Wither) » restent d’une force que le temps n’a pas émoussé.
Vous voyez sans doute où je veux en venir.
As Heaven Turns to Ash.... ne transmet pas un doom d’humain trop humain ou cherchant à ouvrir les portes de la perception comme on peut en avoir l’habitude, mais un doom d’un ciel tombant sur notre tête, œuvre d’un dieu cruel et inévitable. C’est bien cela qui ressort de ce cahier des charges où tout est respecté (groove, feeling, lenteur...) et pourtant sonne et tonne d’une façon originale. Cela tient certes à un son cru, ample et lisible (pas pour rien que le groupe a été signé sur Southern Lord), mais surtout à des compositions utilisant le contraste de manière experte et efficace. Chaque titre contient son lot de riffs tueurs mais semble également préparer le terrain pour ce qui le suit, à l’image des interludes instrumentaux « Dusk », « Amber Vial » et « Dawn » où leurs faux-airs apaisés rendent encore plus impitoyables les morceaux qu’ils introduisent. Plus que des endroits permettant de respirer, ils peignent de leurs rythmes tribaux ou de leurs mélodies acoustiques un paradis auquel nous n’avons pas droit, l’enivrement s’arrêtant brusquement par l’arrivée du châtiment.
Tirant ses influences du space rock, du stoner, du blues et, bien sûr, du doom, WarHorse emploie ces différents genres pour les réunir sous la houlette d’un psychédélisme distant et hostile, à l’image de cette voix pleine d’âme et pourtant indifférente au sort de l’humanité, un monstre dictant les sentences s’abattant sur nous.
As Heaven Turns to Ash.... est définitivement un album qui mérite d’être (re)considéré tant il a fait date pour les amateurs comme un exemple de la façon de jouer un doom metal moderne sans pervertir le style. Une œuvre tirant clairement son attrait de son jusqu’au-boutisme à écraser, jusqu’à un artwork gris signé Stephen O'Malley pleinement adapté à cette musique qui n’a que la couleur d’une colère froide et incompréhensible, à l’écoute de laquelle on finit nécessairement à genoux quand arrive « ...and the Angels Begin to Weep... ». Ses cinquante-six minutes expriment toujours une sorte de perfection mais continuent de demander certaines dispositions pour s’apprécier pleinement, preuve que ce qu’elles ont entraîné n’a pas entaché leur personnalité. Le groupe sortira par la suite un EP (
I Am Dying, réuni au présent longue-durée par la réédition de 2015) puis ne donnera plus signe de vie jusqu’à récemment, retournant aux affaires avec un line-up remanié comptant notamment dans ses rangs un certain Terry Savastano (ancien
Grief et actuel
Come to Grief). Autant dire que j’ai hâte d’entendre ce que cela va donner !
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