Je ne sais pas si c’est l’année qui est décevante ou moi qui ne sais plus chercher, trop pris par d’autres activités, mais j’ai du mal à trouver mon compte lors de cette première moitié de 2019. Possédant certes quelques belles œuvres et découvertes, elle ne m’offre que trop rarement ce plaisir particulier qu’il y a à se lancer en avant dans un disque, le faire tourner régulièrement, un peu obsédé par lui, que j’apprécie retrouver.
Heureusement, il y a le doom et ce nouvel album de Lord Vicar ! N’ayant pourtant aucune attente à son endroit, je me suis étonnamment retrouvé happé par
The Black Powder, surpris au point de chercher sur le net d’autres avis que le mien pour voir si je n’étais pas le seul à être particulièrement charmé par ce qu’a créé ici la bande à Chritus. Résultat : les critiques sont unanimes, applaudissant l’effort que semble être ce longue-durée !
Il faut dire que Lord Vicar développe ici un talent particulier, l’appliquant à son doom metal hors du temps à chaque instant. Plus d’une heure de musique passéiste, dépourvue d’expérimentations, habitée uniquement par la force du genre qu’elle glorifie : on ne fait pas plus casse-gueule comme exercice – et difficilement plus délicieux quand il est bien mené.
The Black Powder n’est rien de moins que soixante-dix minutes d’un doom offrant tout ce qu’il peut d’essence du style, austère, varié sans sortir du cadre, « soul » et fervent sur chaque morceau. Un régal !
Certes, on pourra rétorquer ici que c’est justement le pain béni de Lord Vicar, déclinant le long de sa discographie sa religion doom avec le minimum d’évolution. Cependant,
The Black Powder le montre autant expert qu’emporté par sa foi comme on ne l’a pas entendu auparavant ! Commençant par l’ambitieux « Sulphur, Charcoal and Saltpetre » et ses dix-sept minutes, le groupe affiche directement son intention de s’affranchir de toutes limites afin de mieux toucher au cœur. Une décision judicieuse, tant la variété des sonorités – calme, lourdeur et groove se répondant continuellement lors de ce longue-durée – contrebalance la rigueur générale, quelques éléments forts permettant de suivre sans forcer les crapahutages des musiciens. Certainement, Chritus, sa voix, ses paroles aussi naïves que convaincantes dans leur cafard, est l’élément central à partir duquel se repérer en cas de perte mais impossible de passer sous silence les autres membres, chacun s’engageant totalement dans la démarche, à la manière de Kimi Kärki et ses riffs tutélaires, moelleux, enveloppants, comme des appels à les rejoindre, à s’élever, le doom comme réponse à tous les problèmes, chaque moment passé à confesse n’oubliant pas la fessée.
Cette dernière est d’ailleurs multiple ici, que ce soit lors de « Impact » et ses trois minutes secouant la cervelle pour mieux replonger que la magnifique « Nightmare », recueillie et mélancolique. Les exemples de moments étincelants ne manquent pas, un refrain (le fédérateur « World Encircled »), un démarrage (« Descent », renvoyant aussi bien à Reverend Bizarre qu’aux lévitations d’Opium Warlords, ou encore le bouton turbo appuyé sur « The Temple in the Bedrock ») nous envahissant l’esprit régulièrement, jusqu’à la conclusion « A Second Chance » aussi classique que classe, alliant inspirations progressives et élans combatifs, derniers sursauts contre la morosité. Le doom comme musique de vie, ses bas mais aussi ses combats.
Comme pour
Gates of Flesh, difficile donc de trouver de quoi pinailler ici. Constant, intègre, si convaincu de son doom qu’il en devient convaincant,
The Black Powder reste un album qui prend toute sa saveur lorsque l’on se sent ouvert à son discours archaïque. C’est qu’une fois l’obsession passée, les retours vers lui se font plus occasionnels, l’exigence dont il fait preuve ne s’acceptant que sous certaines conditions, à commencer par celle d’avoir envie de vivre, plus d’une heure durant, au ralenti, lové et ouvert à la fois, disponible entièrement à la cause de Lord Vicar. En somme, un album majeur de doom metal de cette année mais qui, par son intransigeance, ne s’adresse pas à tout le monde. Tant pis pour eux !
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