Non, je ne comparerai pas Cross Vault à Warning. Ce ne serait pas juste.
Certes, les créateurs de
Watching From A Distance sont le mètre-étalon du doom qui montre son visage le plus humain, mais Cross Vault, au-delà des questions de qualité – dont on va essayer d'éviter les podiums, un disque d'homme ouvrant grand son cœur méritant un peu plus qu'un classement –, se situe de toute façon ailleurs : le doom aux voix fières et guitares rustres bien que mélodiques, où épandre ses rêves de Moyen Âge vécu la mystique au bout de sa lame.
Donc non, pas de comparaison avec les Anglais. Car Cross Vault est Allemand et cela fait ici toute la différence. Comme son frère Latitude Egress, il aime donner des allures de bataille à ses tourments, des proportions épiques se retrouvant dans les formats des titres ainsi qu'un chant flirtant avec celui du leader de Primordial lors des passages les plus bourrus de
The All-Consuming (sur « Revocable loss » par exemple). Mais là où
To Take Up The Cross préfère s'enivrer de vin de messe dans un cloître, le trio exprime sa peine au grand air, trouvant dans les paysages germaniques une divinité à laquelle se confesser. Ayant grandi dans des décors similaires – la Lorraine –, je ne peux qu'être touché par un morceau comme « Amber nights » et ses guitares folk dessinant les forêts vallonnées de mes origines.
Allemand, Cross Vault l'est de bout en bout, des références historiques parsemant les paroles de
The All-Consuming à cette absence de finesse quand il s'agit de tout déballer. Direct, voire grossier selon les instants (j'ai pour ma part du mal à écouter le morceau-titre et ses riffs avançant la bedaine dehors sans un haut-le-cœur), il s'avère constamment vrai, marchant avec la maladresse d'un homme en armure. S'il demande parfois de la patience pour se révéler, il est capable d'assez de coups d'éclats pour transmettre sa douleur de chevalier teutonique en croisade et sa paix ressentie à l'évocation de ses terres natales (la magnifique « Simple marksman in the pines »).
Fier, grossier, vrai, maladroit... Y a-t-il besoin de préciser que
The All-Consuming se destine en premier lieu à ceux qui ne vont pas écouter un disque pour le cataloguer, disséquer et ranger jusqu'à la prochaine découverte, mais qui tendent l'oreille avec attention quand quelqu'un se met à nu ? Qu'il est pour ceux reconnaissant un peu de tout le monde en eux, ses imperfections, réussites et tragédies personnelles ? L'extérieur change, l'intérieur reste le même : Cross Vault, derrière ses images médiévales, derrière son arrogance d'Allemand lui faisant parfois entrer de plain-pied dans le mauvais goût, parvient à toucher, durablement, faire sonner cette corde sensible où l'on se retrouve homme parmi les hommes. Et cela suffit.
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