Cross Vault - As Strangers We Depart
Chronique
Cross Vault As Strangers We Depart
Le doom metal comme musique de pénitence, de souffrances et de regrets, c’est un créneau que peu de formations ont su prendre en en faisant une musique de qualité, car si les clichés de misérabilisme sont souvent de mises dans ce courant musical, peu de formations savent finalement le faire avec goût. C’est un peu dans cette veine qu’évoluent les Allemands de Cross Vault, dont la genèse remonte à l’année deux mille treize. As Strangers We Depart est leur troisième album, qui fait suite à un mini, Miles to Take, sorti il y a cinq ans déjà. Le quintet s’était fait bien discret, au point de se faire oublier, mais c’était sans oublier que leur chanteur joue dans Horn et que la cellule rythmique joue dans Angel of Damnation qui ont du les accaparer entre temps. Mais ce laps de temps a surtout permis de faire venir à maturation les compositions de ce nouvel album, - sorti chez Iron Bonehead, ce qui a de quoi étonner au vu du roster du label teuton -, car l’on est assez surpris par la très bonne qualité de cet album, comme quoi les clichés du troisième album comme étant celui de la maturité ne sont pas forcément surfaits.
Cross Vault dévoile ici donc son doom metal aux influences certaines et reconnaissables, et à l’instar de mon illustre confrère Ikea, je ne puis m’empêcher de faire référence à Warning, mais également à Fall of the Idols ou aux débuts de Pallbearer. Vous commencez à cerner de ce dont il s’agit: d’un doom metal qui se met à nu, qui s’épanche sur ses douleurs et ses fêlures mais qui sonne terriblement humain. Il y a effectivement de la misère qui s’exprime sur ces sept titres, - dont deux sont des instrumentaux -, dans ce côté austère de leur musique, où l’on sent que derrière chaque accord plaqué, il y a comme tout le poids d’une tristesse profonde ou de regrets du passé qu’il faut décharger et communiquer à son auditoire. Après tout ne sont-ils pas originaires d’outre-Rhin? Mais définir Cross Vault comme une simple resucée des références susnommées serait leur faire injure, car, avec les années, la personnalité du quintet s’est affirmée. J’en veux pour preuve ces incursions un peu plus modernes pour le doom metal, où l’on ne se met pas forcément de barrières et où l’on fait montre d’autres influences au détour d’une accélération, comme ces intonations black metal dans le riffing sur Golden Mending. La fiche promo du label évoque des influences viking et parle même de viking doom metal, même si je ne suis pas trop d’accord avec cette appellation car l’on n’est pas dans un registre proche de Scald ou des deux premiers Ereb Altor. Toutefois, il y a tout de même des relents épiques derrière ceci, mais pas dans ce côté où l’on souhaite rejoindre le combat, mais plutôt dans cette faculté à dépeindre la tragédie de l’humanité, où l’on honore ceux tombés sur les champs de batailles.
C’est donc avec une facette moins grossière et beaucoup plus polie que le quintet nous dévoile ses compositions dans une album qui s’enchaîne très bien. L’on sent d’ailleurs qu’il y a une très belle cohésion au sein du groupe qui a eu le temps de peaufiner sa musique, nous donnant des compositions bien ficelées et loin d’être linéaires. Évidemment, tout ceci fait la part belle à une certaine lenteur, inhérente au genre, mais l’on sait parfois accélérer de manière furtive pour mettre tout ceci en valeur. L’on sait aussi faire la part belle à des moments sans chant et où les leads, pleureuses comme l’on pouvait s’y attendre, prennent le temps d’épancher leur spleen et nous arracher une larme. L’on soulignera aussi une belle utilisation des acoustiques, qui viennent rendre la chose plus intimiste et ne sont pas utilisées comme un accessoire ou un passage obligé. Les riffs sont aussi simples qu’efficaces et viennent nous rappeler ô combien que ce groupe sait nous emmener avec lui dans ces instants où il semble creuser son sillon dans cette tourbe, en dépit des obstacles qui viennent barrer la route, comme si rien ne devait être facile. Dans tous les cas, la dualité entre riffs pesants et aspérités mélodiques du quintet est bien maîtrisée et déclinée sur l’entièreté de cet album. Il y a aussi une patte un peu folk dans la manière de jouer les guitares, lentement évidemment, mais je pense notamment au riff principal de The Unknown Rewinds, où l’une des guitares joue des arpèges saturés, comme s’il s’agissait d’une acoustique, pour le plus bel effet, comme si l’on devait trouver son chemin dans une sorte de brouillard.
C’est tout ceci que l’on retrouve sur cet album, mais ce qui fait aussi tout son charme, c’est évidemment son chanteur Niklas. Et il joue à merveille son rôle de conteur des temps passés, des tragédies, des malheurs de ce monde. Il a un chant qui va nous rappeler celui d’Allan Averil Nemtheanga, quand il se met à éructer ses peines avec émotion, avec un chant clair un peu granuleux, qui avait fait merveille à l’époque sur l’unique album de Latitude Egress. L’on retrouve d’ailleurs pas mal de moments qui nous font penser à cette formation, et ce n’est pas pour me déplaire, mais pas seulement dans le chant, mais aussi quand le groupe se permet de faire monter l’intensité sur ses titres, comme sur Golden Mending. D’ailleurs, il ne faut pas s’y tromper, Niklas le dit d’entrée de jeu sur le titre Golden Mending: « I carry a burden ». C’est bien cela que l’on ressent au travers de son chant: la mise à nue et sans fard de ses émotions, de ses regrets et de ses chagrins. Et le fait qu’il sache mettre de l’intensité dans son interprétation rend ces compositions toutes sauf linéaires. C’est d’ailleurs ce qui fait l’intérêt de cette réalisation, à savoir ce savant mélange de tous les éléments énumérés pour en faire une musique assez touchante et qui exprime bien ce côté à la fois solitaire et éploré d’un être en proie à ses regrets, à ses souffrances, et qui n’a pas eu d’autres solutions que de choisir celle de l’exil permanent, au sens propre comme au sens figuré, afin de ne pas trop s’attacher aux autres et ne plus nourrir de regrets supplémentaires.
Vous l’aurez compris, As Strangers We Depart est ainsi une belle réalisation d’un doom metal tout sauf joyeux et qui n’a pas besoin de beaucoup d’artifices pour émouvoir son auditoire et nous faire penser à notre condition d’humain dans ce monde post-moderne. Cross Vault n’en finit pas de progresser et a bien fait de prendre son temps pour peaufiner ce nouvel album, qui bénéficie d’une belle production, en ayant d’ailleurs gommé les défauts du précédent album et ce son de basse horripilant à l’époque. Cette réalisation est donc une très belle réussite d’un groupe que l’on n’attendait pas dans une aussi belle forme et qui devrait plaire aux amateurs des références citées ci-dessus, et qui, en tout cas, s’inscrit dans cette liste de très bons albums de doom metal sortis cette année, aux côtés des Carcolh, Dread Sovereign et Wheel. Si vous cherchez un album de doom metal honnête dans ses sentiments et dans sa propension à décliner une certaine forme de mélancolie, sans se départir d’une certaine beauté, nul doute que ce As Strangers We Depart devrait vous ravir.
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