Avec un nom pareil, j’imagine vite une bande de gros barbus écrémer les caves à whisky, avoir leurs entrées dans de beaux fumoirs à cigares et bricoler leurs bécanes le weekend, entourés de quelques pépées, sosies de l’à jamais dans nos cœurs Daisy Duke. Que la vision soit juste ou fantasmée, les cinq protagonistes ne trichent pas sur la musique, ni sur le style
lazy : «
Clans of the Alphane Moon » nous renvoie plusieurs décennies en arrière, le cul sur le siège passager d’une moto chopper. Sauf que leurs bécanes, elles vont dans l’espace, le concept (de la pochette ultra
cool aux titres des chansons) étant bien plus redevable à la science-fiction de jadis qu’à
Sons of Anarchy. C’est tant mieux, j’ai davantage d’intérêt culturel pour
Metal Hurlant que pour les gilets en cuir et les coupes Franck Provost.
Comme je le soupçonnais aussi un peu, les musiciens sont tous de vieux briscards, dont des membres de
PULMONARY FIBROSIS et du grand
ANGMAR. Cela n’est d’aucune façon une garantie de réussite mais cela limite tout de même très sérieusement les risques de déception, d’autant que les deux LP précédents («
Blood for the Bloodking » en 2008, «
Lost n’ Drunk » en 2015) avaient reçu un bel accueil tant de la presse que du public. Quant au style, le logo ne trompera personne :
REVEREND BIZARRE est une influence forte du quintette, de même que
LORD VICAR,
PENTAGRAM,
SAINT VITUS et
tutti quanti mais avec le son des
BONGZILLA ou autre
EYEHATEGOD. Autrement dit, l’esprit
roots des anciens, arrosé de la sueur des moins anciens. Nous pourrions certes parler d’hommage, de parenthèse ludique pour ces quelques messieurs trop tranquilles au sein de leurs autres obligations, il demeure que l’on ne compose pas un LP de soixante-dix minutes juste pour le
fun. Le besoin est certainement autre, ardent dans son désir de s’exposer au grand jour, de développer ses circonvolutions psychédéliques au rythme du pachyderme repu.
À titre personnel, j’ai notamment un gros faible pour la voix de
Bottleben, qui trouve le parfait équilibre entre la grandiloquence habituelle du
heavy doom et des intonations plus bestiales, sinuant sur des mélodies rampantes, coulantes, trainantes, insaisissables. Gros accomplissement également au niveau des guitares, surtout lorsqu’elles partent en total lâcher-prise (l’introduction de « Crawling End », « Castle Made of Corpses »), riches en larsens, bavardes, ce qui casse parfaitement la monotonie des riffs cycliques du
doom. J’ai dit « cyclique », pas « ennuyeux » : la différence est parfois inexistante, ici elle l’est, les sept compositions contenant chacune suffisamment de particularités pour ne pas les indifférencier.
Évidemment, du côté de la rythmique, nous sommes assis sur des blocs de béton. On cause
doom là, pas variété. Donc bien sûr que ça pulse, mais lentement, sans stress, car l’intérêt de cette musique n’est pas dans la démonstration, ni de technique, ni de vitesse, mais dans sa capacité à faire vire une lenteur sans lassitude. Imaginez : vous contemplez une marre de boue pendant plus d’une heure, à moins d’être fondamentalement neurasthénique, tout le monde se fait chier. Sauf que là, des bulles méphitiques remontent à la surface, des batraciens mutants traversent, des insectes aux formes non euclidiennes coupent ton champ de vision, des plantes psychotropes éclosent, d’une
Color Out of Space si tu apprécies
Lovecraft et plus l’album déploie son énergie, plus ton gosier s’assèche, tu as soif, très soif, soif de salsepareille (oui, tu tournes Schtroumpf), soif de malt, de houblon, soif d’huile de vidange pour lubrifier tes articulations de vieillards en devenir, tu veux crever mais pas avant de savoir s’il existe d’autres formes d’intelligence dans l’univers, des intelligences qui se piquent, qui picolent, qui bricolent des
Rat’s Bike, tu as envie d’une confirmation avant de redevenir poussière, c’est bien légitime.
THE BOTTLE DOOM LAZY BAND a l’avantage de te faire goûter à tout cela de ton vivant. Nul besoin de se faire cryogéniser, le futur est là, à portée de main, il n’y aura pas de vaisseaux spatiaux, de voyages intergalactiques, juste des mollusques bipèdes gavés de feuilles de coca tripant pendant des heures sur des coquillages Nautilus, le
regressus ultime, et merci bien. Car qui en veut de cette sur-technologie hein ? Ces mecs sont là pour essayer de te réapprendre à utiliser un silex, il sera toujours temps de fabriquer des fusées permettant de visiter d’autres univers quand nous aurons appris à connaître le nôtre.
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