Warning - The Strength to Dream
Chronique
Warning The Strength to Dream
Si Warning, le groupe anglais de doom metal, n’a pas eu une discographie prolifique, avec seulement deux démos, deux albums et un EP, il aura toutefois marqué à jamais la scène doom metal. Et pour cause, car rarement une formation aura déployée une musique aussi touchante et triste que celle pratiquée par le trio, et je pèse mes mots en tenant cette assertion. Dans tous les cas, l’appellation doom metal, dans toute son acception d’être condamné, prend réellement sens avec cette formation. Formée en mille neuf cent quatre vingt quatorze à Harlow, dans le comté de l’Essex, par le chanteur guitariste Patrick Walker, - et acteur de théâtre à ses heures perdues - et du batteur Stuart Springthorpe, Warning est désormais considéré comme étant une formation culte. Comme souvent, ce terme galvaudé apporte une certaine suspicion quant à la qualité musicale du récipiendaire d’une telle gratification, mais force est d’admettre qu’il n’en est rien avec ces Anglais. Après avoir sorti deux démos, Revelation Looms en mille neuf cent quatre vingt seize et Blessed By The Sabbath en mille neuf cent quatre vingt dix sept, le groupe nous proposa son premier album, le présent The Strength To Dream en mille neuf cent quatre vingt dix neuf, paru chez The Miskatonic Foundation le label de Rich Walker, - aucuns liens - plus connu pour être le leader de Solstice.
Sur les quelques cinquante minutes que dure cet album, Warning décline un doom metal à la fois classique dans la forme mais particulièrement original. En effet, si les sempiternelles références en la matière sont évidentes à l’écoute de cet opus, depuis Black Sabbath, jusqu’aux premiers Cathedral, en passant par Revelation, cette formation possédait pourtant une touche unique, car, finalement, nul autre groupe ne sonne et ressemble à Warning, même si depuis la fin des années deux mille, il n’est pas rare de nous présenter leurs successeurs, peu dignes finalement d’être comparés aux Anglais. Dans la forme, le propos des anglais demeure tout ce qu’il y a de plus classique. Répondent donc à l’appel ces tempi très lents, avec des accélérations très rares mais toujours distillées à bon escient, concomitante d’ailleurs avec des montées d’intensité, et cette lourdeur de bon aloi. Il faut toutefois souligner que si l’ensemble est souvent léthargique, cela n’empêche pas le groupe de faire montre dune certaine puissance, proche de celle d’un Solstice, comme c’est le cas sur How Can it Happen?. Surtout, et c’est tout ce qui fait l’originalité du groupe, c’est que chaque composition est avant tout basée sur un riffing exemplaire emprunt d'une excellente inspiration, mais en contrepartie, il n’y a quasiment pas de soli de guitares sur cet album.
Et pourtant, cette particularité n’a vraiment rien de rédhibitoire car Patrick Walker et ses acolytes démontrent ici une réelle inspiration et un réel talent d’écriture, et c’est cela qui force toujours autant le respect plus de vingt ans après la sortie de cet album. En effet, ces compositions s’étirant entre sept et treize minutes, sont toutes admirablement construites autours de riffs excellents et d’harmonisations, voire d’arpèges, particulièrement bien agencés les uns aux autres. D’autant plus que contrairement à d’autres groupes, ils ne s’appuient pas sur un nombre limité de riffs, même si l’on ne rechigne pas non plus à les répéter inlassablement, creusant encore plus profondément le même sillon, comme pour bien appuyer là où cela fait mal et ne pas laisser les plaies se cicatriser. Mais c’est en cela que réside néanmoins toute la force de cette formation, car sa musique décline un sentiment inextricable de résignation, d’oubli de soi, entre contemplations et complaintes. En effet, comme souvent chez les formations anglaises, la musique de Warning est habitée par ce spleen britannique, déclinant ainsi une tristesse et une mélancolie dont on ne peut se défaire en écoutant ces cinq titres. Car ce qui prend toujours le dessus sur cet album, c’est l’émotion pure et honnête. La voix fragile et résignée de Pat Walker et ses textes, certes parfois naïfs, renforcent bien cet aspect et apportent à l’ensemble un sentiment de renoncement, et un côté presque larmoyant qui ne sombre aucunement dans le ridicule.
De toute manière, il va de soi que ce n’est pas pour ses aspects techniques que Warning se singularise de la flopée de groupe évoluant dans le même genre, mais pour les émotions que le groupe transmet à travers sa musique. C’est même en cela qu’il se distingue au sein de la scène doom metal et même au-delà. Et il est évident que cette musique ne peut laisser indemne et qu’elle aura de quoi ternir toute journée ensoleillée et abattre tout espoir en se lançant dans ces cinquante minutes douloureuses. C’est la combinaison entre ces riffs qui dégoulinent de tristesse et ces leads qui pleurent sans cesse, mais avec tout de même une pointe d’austérité, qui rendent l’ensemble aussi touchant que captivant. C’est évidemment le chant de Patrick Walker et ses textes qui viennent saper le moral en bonne et due forme avec un chant poignant comme jamais, bien que pas encore aussi magistral que par la suite. Et je pense que le titre éponyme est sans doute une des plus belles démonstrations de tout ceci, avec cette lente agonie sur sa première partie, cette partie aux acoustiques où transpire une grande fragilité et un final qui vient mettre fin à tout espoir. Sans doute que si Emil Cioran avait pu mettre en musique Sur Les cimes du désespoir, cela nous aurait donné The Strength to Dream. Mais j’insiste sur le fait qu’il n’y a rien de surfait dans tout cet album et que sans doute qu’il faut peut être avoir souffert soi-même pour bien mieux comprendre cette musique et s’y abandonner.
C’est donc une évidence que The Strength To Dream est une réelle réussite et une sommité de mélancolie avec pourtant des motifs et des ingrédients assez simples dans la forme. Certes, c’est parfois un peu âpre et il y a même un côté un peu terreux sur cet album, comme si l’on venait de s’agenouiller pour se reprendre de ses émotions après avoir nourri le sol de ses larmes. En effet, et c’est en cela que le groupe a sans aucun doute fait très fort, c’est qu’il parvient à dégager un sentiment de dépression, comparable à des formations bien plus extrêmes, mais sans justement sombrer dans une certaine surenchère. Il est ainsi difficile de rester de marbre devant une telle œuvre, très souvent poignante, notamment dans sa sincérité. Il va sans dire que ce premier opus de Warning est fortement recommandable, et pas seulement pour les amateurs de doom metal, car il aura de quoi séduire au-delà de ces sphères. Dans tous les cas, j’ai rarement écouté une musique aussi triste.
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