Somme toute, l'exercice de poser des mots sur une musique est un peu vain. Fatras d'adjectifs, anecdotes, analyses, métaphores et autres outils de l'écrit ne sont que circonvolutions quand il s'agit d'aborder une œuvre s'adressant à nous dans un autre langage.
…Sauf quand il s'agit de doom et plus particulièrement de cet album d'Opium Warlords. Ce troisième jet de Sami Albert Hynninen, ex-Reverend Bizarre (entre beaucoup d'autres), s'aborde en effet comme de la littérature mise en musique plutôt qu'une succession de mélodies à placer sur l'échiquier.
Taste My Sword Of Understanding est si déroutant dans sa forme qu'il rend ridicule l'habituel exercice de catégorisation – Doom traditionnel expérimental ? Doom avant-gardiste old school ? Allons, allons... – pour finalement laisser le regard se déporter de ses étagères à disques vers celles à livres.
Ce qui fait que, le concernant, je ne pense rapidement plus à un Reverend Bizarre rêveur où l'austérité s'appliquerait à d'autres sous-genres tels que le drone/doom, folk/doom et doom atmosphérique (tout en gardant une cohérence que la récurrence laisse deviner), qu'à mes exemplaires de J.K. Huysmans et Knut Hamsun, deux écrivains dont le premier est connu pour ses labiles essais de conversion et le second pour sa description d'une vie au milieu d'une nature sauvage où s'accepte le temps long, son ascèse et les maigres récompenses qu'offrent les saisons.
Deux bibliographies qui sont liées par le mot « pastoral », ses deux sens agraire et religieux, égale clef de voûte de
Taste My Sword Of Understanding. Qu'il se fasse doux sur les tranquilles « The Solar Burial » et « In Melancholy Moonless Acheron », acrimonieux sur « The God In Ruins » ou victorieux sur « Mount Meru » et « The Self-Made Man » (seules compositions à rappeler pleinement le glorieux passé du Révérend), Hynninen imagine constamment son chemin de croix perdu au milieu d'un jardin anglais où les paysages luxuriants de végétations et ruines ne sont que les figurations de sa quête intérieure.
Taste My Sword Of Understanding est sans conteste ce que le projet a sorti de plus accessible, l'expérience n'en est pas moins rude comme une traversée cherchant à faire naître l'illumination de la mortification. Si vous pensez à des élucubrations de ma part, je vous laisse lire
cet entretien avec l'intéressé où se font des ponts entre sexualité et culpabilité ou mieux, écouter ces quelques soixante-douze minutes – durée qui est une preuve supplémentaire qu'il ne s'agit pas ici d'une partie de plaisir, ni même d'une chose à prendre « à la légère ».
Pourtant, lorsque s'accepte son parti-pris de forcer sa victime à écouter, réécouter, croire en la beauté de l'ensemble avant de la contempler, le tout dans un exercice religieux que la boulimie de nouvelles sorties avait presque fait oublier,
Taste My Sword Of Understanding finit par s'inscrire comme un grand album de doom dans ce que celui-ci peut offrir de méticuleux, inaltérable et ardent. L'épique est certes laissé aux formats des morceaux donnant souvent dans le gargantuesque, quelques moments de grâce surgissent : « The God In Ruins » et ses paroles contant le malheur d'une divinité laissée seule par l'extinction de l'humanité, « The Self-Made Man » où se retrouve l'atmosphère d'un
In The Rectory Of The Bizarre Reverend dans une version tout aussi sentencieuse mais lavée de toute chevalerie pour mieux embrasser la bure ou encore « This Place Has Been Passed » et sa paix douloureuse, fatiguée comme un mystique laissant ses nerfs à vif embrasser les ressacs d'un cours d'eau en bord de prairie... Autant de petits instants, payés chers, accentuant le sentiment d'effectuer un voyage âpre où naît le spirituel, ses apparitions se faisant plus fortes par contraste.
Je me sens tout de même obligé de préciser que
Taste My Sword Of Understanding paraîtra pour quelques-uns maladroit, voire inconstant. J'ai moi-même quelques reproches à faire ici ou là, comme cette entame drone/doom mal placée qu'est « The Sadness Of Vultures ». Seulement, ceux préférant la recherche de la perfection à son accomplissement, ceux acceptant aisément les défauts d'un disque en raison de ce qu'il est capable d'apporter en retour ou simplement ceux appréciant leur doom minimaliste et fervent mais n'étant pas contre un peu de lumière auront tort de passer à côté de cette splendeur mal fagotée. Clairement, une œuvre dont le mystère continu interrogera certains. Un indice : il est question de Dieu et de l'homme, et de la relation compliquée entre les deux.
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