Sami, j’ai beau être un fervent admirateur, ce sera sans moi pour cette fois.
Franchement, tu y es allé fort. Je connais ton goût pour les expérimentations multiples, pour le bizarre porté en étendard. Je sais l’apprécier, que ce soit avec ton projet électro Tähtiportti ou tes collaborations drones et bruitistes avec Läjä Äijälä. Mais,
We Meditate Under the Pussy in the Sky mis à part, tu as toujours su garder une part de classicisme avec Opium Warlords, mélangeant l’austérité qui allait si bien à Reverend Bizarre à tes sautes d’humeur. Le résultat était à chaque fois différent, toujours intéressant, atteignant des cimes – tu ne feras jamais mieux que
Live at Colonia Dignidad, album tutoyant le meilleur du révérend – ou s’avérant étrangement fascinant et réussi (
Droner et
Nembutal).
Mais là, j’ai du mal à te suivre. Non pas sur l’idée générale, qui me rappelle pourquoi je t’adore. Faire un faux disque fasciste, jouant sur toute la perversité que contient cette idéologie et montrant, un sourire ironique sur les lèvres, que la décadence et la pourriture sont bien cachées en dessous, quel plaisir ! L’ambiance générale me rappelle les scènes les plus nauséeuses du film
Les damnés de Visconti, le discours de force et de pureté contrastant avec le vice et le sadisme. Bref, je te retrouve bien là, me rappelant l’époque où tu te moquais des nazillons voyant dans le morceau « Slave of Satan » des symboles cachés.
Simplement,
Strength! est bien trop rempli de ton hyperactivité pour que j’adhère tout du long à tes lubies, ton envie de collage où il manque ici du liant. Je n’ai rien contre le post-punk, le martial, le spoken-word, le goth ou même l’ambient. Encore faut-il que ces genres soient bien utilisés, des outils avec lesquels faire tourner ta machine. Bien sûr, tu parviens à m’attraper, notamment sur « Feel the Strength » (judicieusement choisi comme single), « It Never Happened », « WWII » et sa ligne de basse à la Rudimentary Peni, la nerveuse « Alien Harvest » ou encore « The Rape of Europe » et ses leads renvoyant à la lumière mortuaire de
Live at Colonia Dignidad. Pourtant, au sein de cette compilation, je trouve plus à passer qu’à pénétrer, comme une succession d’exercices de styles où, si le thème général est respecté, les formes ne donnent pas l’impression d’une évolution ou d’une narration. Un résultat non pas incohérent, mais éparpillé.
Strength! est tellement chargé, met tellement dans une position d’attente, qu’il finit par devenir une musique de fond, loin d’être désagréable, mais dont on se rend compte longtemps après sa fin qu’elle ne joue plus. Il y a sans doute d’autres diamants bruts sur ce double-album – « The Hashashin » et ses airs de Reverend Bizarre par exemple. Je ne parviens pas à les apprécier à leur juste valeur, l’ensemble s’assimilant à l’œuvre d’un autiste obsessionnel oubliant l’auditeur en route.
Alors oui, je suis déçu. Je n’oublie pas que ce n’est pas la première fois que tu me laisses sur le côté. Tu es si prolifique ; il est bien normal que je n’y trouve pas mon compte à chaque fois ! Mais, si je peux me permettre, j’espère que
Strength! ne sera qu’un pétage de plomb temporaire, comme l’a pu être
We Meditate Under the Pussy in the Sky. Et que je te retrouverai tel que je t’aime : le doom au cœur, un regard fou montrant ce qui fait ta valeur.
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