Je n'ai jamais compris cette idolâtrie que l'on pouvait ressentir à l'égard de certains artistes, et plus précisément dans le metal. J'imagine très bien qu'on puisse aimer, voire vénérer, tel ou tel groupe, mais qu'on s'attache à connaître jusqu'au bout des doigts la vie privée de ses membres, qu'on leur parle comme à des potes ou qu'on leur pose des questions intimes dans l'espoir d'en savoir un peu plus sur eux... ça me dépasse. Pour dire les choses clairement, un musicien de metal dont j'apprécie l’œuvre est, jusqu'à preuve du contraire, un connard comme vous et moi, simplement plus doué que je ne le serai jamais dans un domaine donné. Basta.
Je n'ai jamais compris cette idolâtrie que l'on pouvait ressentir à l'égard de certains artistes, et plus particulièrement dans le metal... mais j'avoue avoir de l'intérêt pour Sami Hynninen. Pas seulement par rapport à ses nombreux faits d'armes passés et actuels, mais aussi en raison de sa personne. C'est bien simple : chaque interview avec lui, chaque prise de parole de sa part, font l'objet d'une attention soutenue de mon côté quand je les croise car il me donne l'impression coup sur coup d'avoir mûrement réfléchi aux mots qu'il utilise et aux thèmes qu'il développe. Comme si tout cela méritait d'être pris avec le plus grand sérieux, avec le plus grand respect. Pour quelqu'un comme moi, issu de la génération Internet où tout ou presque est dérisoire, c'est incompréhensible. Et j'admire ça.
Mais si je vous cause de ce sentiment d'avoir affaire avec une personne prenant un soin excessif à aborder ce qui croise son chemin, c'est surtout parce que c'est bien lui qui me coupe le souffle sur
Live at Colonia Dignidad (qui n'est pas un « live », je préfère préciser). Ceux connaissant le projet savent déjà que c'est une gageure chez Opium Warlords, seulement, ce premier essai pousse cette méticulosité si loin que les premières écoutes peuvent se voir comme des épreuves. Arides, ces longues plages le sont constamment, possédant a priori peu de moments éclatants, ces passages qui, ailleurs, font attendre leur entrée, où l'on se dit alors « ça y est, la tuerie arrive ».
Non, ce n'est pas là-dessus que table
Live at Colonia Dignidad, lui qui s'assimile au fur et à mesure comme on ouvre le journal intime de quelqu'un que l'on ne connaît pas, avec gêne, des symboles qui font sens pour son auteur mais peu pour nous, des raccourcis et des références qui demandent du temps pour devenir les nôtres. Le déclic finit par venir : au-delà des ponts stylistiques que dresse l'album entre funeral, drone, doom atmosphérique ou pur jus, folk, black metal et autres, il s'agit surtout d'une histoire de communion, de cheminement spirituel, intime forcément, au point qu'on la ressent comme étant la nôtre le long de ces soixante-seize minutes. Ainsi, un titre comme « Feel the Funeral Breeze », aux guitares brutes (Reverend Bizarre n'est jamais très loin), fait croire à des trompettes angéliques aussi dures que pures ; la ballade interminable « Let It Pour, Let It Pour » devient une composition majeure d'hédoniste doom metal, frugale, mystique, reposante ; la magique « Meet Me at the Iron Place » enchante de sa complexité malgré une simplicité de surface, entre goût pour l'épopée bien connu de Sami Hynninen et mélancolie profonde.
Retenue, ascèse, croyance et félicité au bout du chemin...
Live at Colonia Dignidad, aussi difficile d'approche puisse-t-il paraître, fait marcher avec lui sur ce sol ivoirin, regarder ce ciel rose, trouver le bonheur qu'il y a à ralentir son pas et contempler chaque élément pour le percer, pour l'adorer. Certes, tout n'est pas parfait en lui, à la manière de ces quelques fantaisies restant hors-sujet malgré toutes les bonnes intentions du monde (les passages noisecore/grind – oui – à la fin de « Feel the Funeral Breeze » et lors de « Support the Satanic Youth » par exemple). Mais cela s'oublie bien vite, porté que l'on est par cette voix mémorable, aussi à l'aise dans les cris hostiles hérités du black metal le plus enfiévré que le chant clair de guerrier prêt à faire de sa religion la seule sur Terre, ainsi que par cette production naturelle, sans grand chambardement, poussant comme ce qu'elle habille à chercher, jusqu'à ce que le plaisir se trouve (et il se trouve, au point que l'album n'a pas quitté mon lecteur MP3 depuis sa découverte, il y a deux ans).
Je disais à l'époque de la sortie de
Taste My Sword of Understanding qu'il était pour « ceux préférant la recherche de la perfection à son accomplissement, ceux acceptant aisément les défauts d'un disque en raison de ce qu'il est capable d'apporter en retour ou simplement ceux appréciant leur doom minimaliste et fervent mais n'étant pas contre un peu de lumière ». C'est d'autant plus vrai concernant
Live at Colonia Dignidad, à ceci près que ses rayons sont plus irradiants encore. Une œuvre qui n'est pas prête d'éteindre cet amour que j'ai pour les groupes originaires de la Finlande, ce pays que je n'ai jamais visité mais que je vois comme peu accueillant au départ, immaculé de blanc, aux êtres secs. Un endroit où se recueillir, où apprendre à vivre avec les autres et soi, où le gel semble même intérieur, où tout devient statique, l'onirisme comme état mental permanent. Oui,
Live at Colonia Dignidad est similaire à cela : rustre, exigeant et pourtant psychédélique. On ne peut plus finlandais, en somme.
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