Carcolh - The Life and Works of Death
Chronique
Carcolh The Life and Works of Death
L’on ne pouvait pas finir ce rush des chroniques de la fin de l’année sans évoquer l’une des plus belles sorties en matière de doom metal de cette année deux mille un, et aussi l’une des plus probantes si l’on devait se restreindre à la scène hexagonale. Et pour une fois, ce n’est pas du côté de Paris et ses nombreux groupes avec des musiciens aux curriculum vitae à rallonge qu’il va falloir suivre du regard, mais bien tourner ce dernier en direction de Bordeaux, Bordoom comme on aime à appeler parfois cette ville. Je ne citerai ni Monarch, ni Endless Floods, mais bien Carcolh qui sortit en février de cette année son deuxième album, The Life and Work of Death. Le groupe fait ainsi suite à un bon premier album sorti trois ans plus tôt et sa genèse remonte à l’année deux mille seize, le groupe comprenait alors trois anciens membres de Marble Chariot, autre bonne formation de doom metal en provenance de Bordeaux. Tout cela pour dire que le quintet ne vient pas de nulle part. D’ailleurs, son patronyme est le nom d’un escargot géant provenant du folklore du département des Landes et avouez que l’on ne peut pas faire plus doom metal qu’un tel patronyme, au vu de sa vitesse d’exécution. Mais ce ne sont pas ces seuls éléments qui justifient tout l’intérêt de cette réalisation, loin s’en faut.
Comment peut-on distinguer un bon album de doom metal d’un autre plus quelconque, voire mauvais? Il y aura évidemment une part de subjectivité pour affirmer cela, mais l’on doit surtout prendre en compte des paramètres importants tels que le talent des musiciens, leurs aptitudes à savoir jouer lentement - ce qui est bien plus difficile qu’il n’y parait - et de mettre tout cela au service de compositions bien écrites. Sur le papier, cela peut paraître simple, la formule demi-séculaire de cette forme de metal étant même connue et reconnue de tous, il y a pourtant une pléthore de formations qui sont incapables de pondre un bon riff de doom metal sur l’entièreté d’un album, préférant se réfugier ou bien derrière leurs murs d’amplis vintage, de marques anglaises vertes ou oranges, dans des sapes dénichées à la friperie du coin pour faire rétro, ou bien en alimentant leurs comptes instagram et autres réseaux sociaux à coups d’annonces ou de vidéos. Il n’y a rien de tout ceci chez Carcolh qui sait ce qu’est le doom metal, qui sait composer des titres qui prennent leur temps pour évoluer au fil des minutes, et qui savent encore et même se souviennent que dans doom metal, il y a aussi metal dans le genre musical. Tout ceci pour dire que les Bordelais appliquent certes des schémas de compositions utilisés depuis la nuit des temps, mais savent y mettre une réelle personnalité et un souffle d’âme supplémentaire.
En premier lieu, et cela a réellement son importance dans ce genre musical, ce sont surtout les riffs exécutés par les sieurs Olivier Blanc et Quentin Aberne qui sont vraiment excellents. Ils sont tout autant capables de jouer simplement que de manière plus chiadée. C’est assez étoffé sans jamais tomber dans la vulgarité et la reprise de plans vus et revus auparavant. En cela, l’on sent que le groupe puise aussi bien ses influences chez les Pères Fondateurs du genre que chez des formations plus modernes, je pense à certains riffs un peu plus groovy qui ne sont pas sans faire penser au grand Cathedral. Mais l’on trouve aussi une petite coloration plus heavy metal dans ces titres, où l’influence d’un Candlemass se fait aussi sentir. C’est même ce côté plus puissant qui rend Carcolh des plus intéressants, car même si le rythme est lent dans sa globalité, l’ensemble garde une certaine robustesse. J’apprécie d’ailleurs cette faculté à faire monter l’intensité dans les compositions, je pense notamment au titre Works of Death où elle prend graduellement de l’ampleur. Mais ce n’est pas pour autant un cheminement qui est suivi pour l’écriture de ces six compositions, mais c’est toutefois quelque chose qui donne un certain cachet à cet album.
Évidemment, si l’on parle des influences des groupes référentiels en matière de doom metal, il n’échappera à personne que le groupe étant pourvu de deux guitaristes, l’on peut ainsi se délecter du travail mélodique de ces derniers, qui se complètent bien, et l’on a souvent le droit à de beaux soli, bourrés de feeling, qui viennent bien compléter ce chapitre. Il y a bien évidemment quelques petits passages aux leads harmonisées qui font évidemment chavirer mon petit cœur de fan de Trouble et de Thin Lizzy. Leur acolyte bassiste n’est pas non plus en reste et il sait aussi se démarquer. Il faut dire qu’il est bien servi par cette très bonne production de Raphaël Henry dans son antre du Heldscalla Studio, à la fois ample et chaude et qui laisse respirer tous les instruments, sans sombrer dans les affres des productions en plastique. Sébastien Fanton fait très bien le boulot au chant, avec une voix assez puissante, sans être grandiloquente, mais qui va très bien avec la teneur de chaque titre, surtout qu’il sait varier son chant, et, surtout, lui, au moins, ne chante pas faux. Mais une nouvelle fois, au risque de me répéter, avoir un bon chanteur dans un groupe de doom metal, c’est souvent ce qui fait clairement la différence, le tout étant d’avoir cette justesse dans le propos, combien même l’on n’est pas le plus grand technicien vocal au monde et cela Sébastien Fanton l’a très bien compris et le prouve ici sur chaque titre.
Le rappel de l’origine du patronyme du groupe est important ici car il y a quelque chose de menaçant dans la musique de Carcolh, dans ce côté où l’on sait qu’une bête immense va vous écraser sous son poids, inexorablement. C’est bien l’effet que donne cet album sur son auditeur. Ces six compositions qui font bien leur travail de sape et où le quintet déploie ses qualités et sa faculté à synthétiser des influences éparses, et apporter une petite touche de modernité à tout ceci, je pense en particulier à ces growls sur When the Embers Light the Way. L’ambiance est à la fois pesante, c’est une évidence mais c’est bon de le rappeler, ne prête pas à sourire et n’est pas sans se parer assez souvent d’un voile grisâtre. Je pense notamment au titre Aftermath, des plus solennels et à l’atmosphère assez froide, avec d’ailleurs de très beaux claviers, ou le très nostalgique et poignant The Blind Goddess, dont la quasi religiosité n’est pas loin de me rappeler Griftegård, c’est pour vous dire la qualité de cette composition, mais c’est d’ailleurs une influence assez palpable sur cet album. Pour le coup, le cliché que l’on colle le plus souvent au doom metal explose en vol à l’écoute de cet album, car les Bordelais apportent pas mal de nuances à leur propos, enfin, jouent pas mal sur les différentes nuances de gris. Parce que mine de rien, l’on sait très bien chez Carcolh ce à quoi renvoie le terme doom metal.
Du talent, de la passion, du travail et un réel savoir faire en la matière, voici les ingrédients réels et indispensables pour faire un très bon album de doom metal, chose qu’a justement accomplit Carcolh avec The Life and Works of Death. Cette années a pourtant été assez copieuse en bonnes réalisations en matière de doom metal traditionnel et même dans ses consonances extrêmes, mais il est indéniable que le quintet a su tirer son épingle du jeu et se démarquer par un solide second album, qui mériterait bien plus d’attention, par rapport à d’autres formations plus en vues, et qui possède, en plus, une certaine profondeur et une âme, lui permettant de se démarquer de la mêlée. Voici un groupe qui mérite bien des éloges et qui nous montre qu’il est encore possible de sortir de très bons disques de doom metal, en sachant respecter les dogmes du genre tout en y infusant sa personnalité, sans renier les constantes inhérentes au genre, et sans non plus se renier.
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