Cathedral - Endtyme
Chronique
Cathedral Endtyme
L’entrée dans le nouveau millénaire avec pour corollaire son optimisme béat n’étaient pas foncièrement partagé par Lee Dorrian et consorts. C’est sans doute un facteur important pour la gestation de ce sixième album de Cathedral. Ce n’est pas le seul. En effet, Gaz Jennings et Lee Dorrian commençaient un peu à se sentir à l’étroit avec la direction prise sur les albums Supernatural Birth Machine et Caravan Beyond Redemption, c’est à dire deux albums qui avaient bien trop mis en avant le côté stoner de la face de leur doom metal, même si ces deux albums demeurent d’excellentes factures, notamment en terme de créativité. De plus, les Anglais étaient assez gênés d’être rattachés à la scène stoner qui avait émergée durant la seconde partie des années mille neuf cent quatre vingt dix, et l’on ne peut nier que Cathedral a eu sa part d’influence dans ce revival et ce retour aux sonorités des années mille neuf cent soixante dix, notamment par son amour immodéré pour Black Sabbath. S’ajoute à cela une part d’activisme de la part de Lee Dorrian avec son label Rise Above Records qui était devenu une vraie tête chercheuse en la matière, sortant les premières oeuvres d’Electric Wizard ou d’Orange Goblin. C’est ainsi que commença à germer cette idée de retourner à quelque chose de bien plus doom metal dans la tête de Lee Dorrian, sans doute aidé en cela par la réédition en mille neuf cent quatre vingt dix neuf de la démo In Memorium sur la compilation In Memoriam. Et il profita du voyage retour d’une tournée au Japon pour aborder la question avec ses acolytes. Gaz Jennings acquiesça mais Brian Dixon avait émis quelques doutes quant à ce choix. Pour autant, c’est bien cette direction qui fut prise par le quatuor qui s’enferma au Chapel Studio à l’été deux mille pour mettre en boite ce nouvel album. Et quoi de mieux pour bien montrer que Cathedral voulait renouer avec quelque chose de plus sombre que le titre donné à cette neuvième réalisation, à savoir Endtyme.
Si les effets d’annonces de la part du groupe et du label affirmaient un retour aux sources et à quelque chose se rapprochant du grandissime Forest of Equilibrium, l’on ne peut pas vraiment leur donner tout à fait raison. S’il est incontestable que Endtyme voit Cathedral renouer avec quelque chose de bien plus lourd et de plus sombre que sur ces dernières réalisations, l’on va dire même depuis The Ethereal Mirror, l’on devra attendre The Last Spire pour avoir réellement ce retour aux sources. Pour autant, à part sur un Whores to Oblivion plus entraînant, et encore, l’on sent ici que le groupe a durci de nouveau le ton et que le tempo s’est allègrement ralenti, encore que l’on a de temps à autres ces fameux soubresauts rythmiques dont le groupe a le secret, avec ce groove et ce cachet uniques. Ce qui surprend surtout de primes abords, lorsque l’on découvre cet album, c’est cette production assez gargantuesque et vraiment très crue, qui donne au groupe un son bien massif mais en même temps très sale. En cela, le choix de faire produire cet album par Billy Anderson était on ne peut plus pertinent, ce dernier ayant fait ses preuve avec Melvins, Neurosis, EyeHateGod et Sleep, entres autres grands noms, à l’époque. Ce n’est pas anodin que le groupe a fait ce choix pour le producteur américain, tant cette production tranche clairement avec celles des oeuvres précédentes et donne à cet Endtyme cette coloration assez unique. Plus cru et plus massif, Cathedral rompt nettement, et à bien des égards, avec cette image de groupes passéistes ancrés dans les années mille neuf cent soixante dix. Encore que l’on pourrait trouver ici quelques accointances avec ce que dégageait un certain Black Sabbath pour l’album Master of Reality, et l’on peut y déceler un certain parallèle dans cette volonté de marquer les esprits avec quelque chose de plus malveillant.
Pour autant, il ne faut pas se limiter aux aspects cosmétiques de cet album, l’on parle bien d’un groupe inspiré et non de musiciens qui misent tout sur les effets de manche pour éblouir son monde. Sur Endtyme, l’on assiste à ce que Lee Dorrian considérait comme une sorte de renaissance du groupe et surtout un retour vers des sonorités bien plus plombés. Et là, clairement, l’on ne nous a guère menti sur le contenu. Cet album comprend une collection de riffs tous aussi massifs et granitiques les uns que les autres. Mise à part le plus nuancé Astral Queen, chaque titre comprend des passages bien lents et bien pesants. Et c’est clairement un délice tant Gaz Jennings nous régale avec ces riffs bien plus rentre-dedans et surtout bien étouffants. La liste pourrait être longue, et je pourrais énumérer quasiment tous les titres, mais l’on a de beaux exemples avec les riffs principaux de Requiem for the Sun, de Ultra Eearth ou bien encore, et même évidemment si je puis dire, avec Templars Arise! (The Return), soit le titre que Hooded Menace ne sera jamais capable de composer. L’on est loin du côté plus festif des albums précédents, tant l’on revient à quelque chose de plus noir. Il y a en cela une volonté de remettre en avant ses influences métalliques de la part des Anglais sur cet album, une donne qui va se poursuivre avec The VIIth Coming et sur une bonne part de The Garden of Unearthly Delights. Ce n’est pas anodin, et cela se ressent dans ce côté pas du tout stoner de cet album: l’on sent que le groupe s’est recentré sur ses premiers amours, pour un temps, et affirme bien ici que le doom metal est un dérivé du metal et point autre chose.
Il est évident que cela nous donne un côté bien plus rustaud de la part de Cathedral, et que l’on ne fait souvent pas dans la dentelle sur ce Endtyme, avec un côté plus radical par instant. Je ne peux m’empêcher de penser à ces coups de semonces sur Templars Arise! (The Return) au moment où Lee Dorrian scande « Rise! Rise! Templars Arise ! Rise! ». L’on se rend compte de cette coloration bien plus métallisée sur le riff principal d’un Alchemist of Sorrows, aussi bovin qu’entêtant, au final, ou bien encore sur le passage central de Melancholy Emperor. Évidemment, l’on n’est point dans les sphères dépressives de Forest of Equilibrium, et de toute manière cela aurait été inutile, mais l’on a bien en image des visions assez apocalyptiques de la part de Lee Dorrian et bien mis en musique par ses comparses. L’on est d’ailleurs dans le vif du sujet avec l’introduction de Cathedral Flames qui sonne telle l’une des sept trompettes évoquée dans le Livre de la Révélation. Cela donne le ton pour ce qui va suivre, à l’image de cette pochette réalisée par Stephen O’Malley - et non Dave Patchett, faute de droits payés à temps par Earache au peintre anglais, dont l’on retrouvera toutefois sa peinture pour la version japonaise de l’album -, et reprenant une oeuvre d’Aubrey Beardsley. Mais l’on revient bien à quelque chose de plus puissant et de bien plus écrasant, avec cette lead un peu funeste. C’est d’ailleurs une des grandes constantes de cet album, encore plus qu’auparavant: c’est bien plus le riffing du groupe qui va y être mis en avant et une certaine puissance. D’ailleurs, à ce petit jeu, si le son de guitare de Gaz Jennings enveloppe bien l’ensemble, la batterie de Brian Dixon ressort bien également avec un son très organique et assez ample, sans compression, qui met tout autant en avant les toms que son jeu de cymbales. D’ailleurs, c’est souvent lui qui lance les hostilités sur les titres de cet album.
Si l’on pourrait croire qu’il s’agit ici d’un album du retour aux sources, l’on a toutefois moult détails qui ne vont pas forcément dans ce sens, dans la mesure où l’on retrouve tout de même la patte du groupe et notamment ce groove certain. C’est d’ailleurs Melancholy Emperor qui va bien mettre assez rapidement en avant cette bivalence entre pesanteur retrouvée, - enfin, si je puis dire -, et cette facette plus enjouée que l’on avait connu sur les précédents albums. J’en veux pour preuve ce rythme plus entraînant sur le riff principal, bien que tempéré par une partie centrale plus lente, et ces gimmicks inhérents au groupe, dont les fameux « Yeah! » de Lee Dorrian. Ce n’est pas pour autant la joyeuseté tant les paroles y sont plus pessimistes, et résonnent parfaitement à l’heure actuelle. Et des instantanés plus entraînants, il y en a quelques uns sur cet album, comme sur Whores to Oblivion qui fait bien le pont avec les albums plus récents, ou bien encore sur Sea Serpent. Et de toute manière, le chant de Lee Dorrian poursuit dans cette même veine entreprise depuis Carnival Bizarre et est loin d’être aussi guttural et désespéré comme cela pouvait l’être sur le premier album. Mais même dans ces titres plus accessibles, il y a toujours un moment où l’on va prendre l’auditeur vers des sentiers plus tourbeux, histoire de bien lui montrer que l’on n’est point ici pour le choyer. Et l’on n’hésite pas à quelques incursions noise de temps à autres histoire de ne pas simplifier la donne. L’on est clairement loin des aspérités plus seventies et des passages au mellotron auxquels le groupe nous avait habitué depuis quelques temps. C’est l’une des spécificités de cet album où les claviers et autres instrumentations sont quasiment absentes.
Cela ne veut pas pour autant dire que le groupe a mis de côté sa créativité et certains de ses principes d’écriture sur cet album. Car si l’on a ici quelque chose de plus percutant sur quasiment l’intégralité de cet album, les Anglais n’en oublient pas de disséminer ici ou là quelques éléments d’accalmies et plus mélodiques. Je pense au pont central de Whores to Oblivion avec ces mélodies plus chatoyantes et qui laissent à penser que le groupe n’a pas pour autant totalement renoncé à ses amours pour le côté plus progressif de la chose. C’est quelque chose qui revient assez souvent sur cet album, je pense notamment au refrain plus mélodique d’Alchemist of Sorrows, où Lee Dorrian s’y fait plus poignant, ou à ce court passage instrumental quasiment plus progressif sur Templars Arise! (The Return). C’est là que l’on reconnait bien tout ce qui faisait la singularité du groupe, c’est qu’il ne faisait rarement dans la simplicité et les compositions de cet album en sont un bel exemple, car l’on a toujours quelques petits passages où les instruments prennent les devants et se laissent aller à quelques circonvolutions. C’est souvent sur ces mêmes passages où Gaz Jennings vient nous gratifier de quelques soli ou leads, avec toujours autant d’inspiration. Il y a toutefois un titre qui se démarque de cet album, c’est Astral Queen, titre plus aérien de l’album, qui montre que le groupe n’est pas univoque, et qu’il sait faire des choses plus planantes, voire sensuelles, même si l’on sent qu’il y a quelque chose d’inquiétant qui se trame derrière cela. C’est aussi l’un des titres qui met réellement en valeur tout le travail de Leo Smee, avec son jeu de basse des plus intelligents et des plus pertinents. Il n’est évidemment pas en reste sur les autres titres de l’album, et c’est toujours plaisant d’entendre cette complémentarité entre lui et Gaz Jennings, et notamment sur cet album bien moins enjoué. Dans tous les cas, il y a une réelle diversité sur cet album, et c’est cela qui en fait toute sa spécificité et sa force.
C’est même cette diversité qui fait de cet Endtyme un excellent album car l’on se prend ici une grosse heure de doom metal, de belle facture, et même une leçon de choses, car l’on revient bien à l’essence même de ce genre musical, par l’un de ses plus fervents défenseurs et prédicateurs. S’il n’est pas foncièrement l’album du retour aux sources que l’on pouvait attendre, pour bien des raisons, c’est tout de même très plaisant de voir Cathedral renouer avec une certaine noirceur, une pesanteur bien plus accrue, sans toutefois verser dans une certaine forme de monolithisme, chose qu’ils laisseront à trois Finlandais qui écloront une année après la sortie de cet album, mais il n’est peut être pas étranger d’y voir ici quelques prémices d’un certain rigorisme. D’ailleurs, sans verser dans une certaine forme d’hagiographie, si l’on remet cet album dans son contexte, il a sans doute recentré le doom metal sur certaines de ses bases, à une époque où ce style semblait ne plus intéresser grand monde et se trouvait éclipsé par le stoner ou bien par les groupes de gothic metal doomisant. Quoi qu’il en soit, Endtyme mérite amplement que l’on s’y intéresse pour peu que l’on ne soit pas effrayé d’y découvrir un Cathedral bien plus ténébreux et qui ne s’est pas laissé entraîné par ses velléités de retour en arrière en cherchant à faire quelque chose de trop calculé et de faire une mauvaise copie carbone de son illustre premier album. L’on est loin de cela, et du ratage que l’on pouvait même craindre avec ces annonces tant nous avons face à nous un album bien composé, bien pensé et qui recèle d’excellents moments. Ce n’est pas l’album le plus facile d’accès du groupe, et il recèle encore moins de titres immédiats, mais l’on a ici neuf titres qui forment un bloc cohérent et toujours aussi efficient. Après tout, il aurait été plus simple pour le groupe de surfer sur une certaine vague et ne pas se remettre en question, ce n’est pourtant pas le chemin qu’il a choisi avec ce sixième album, et cela allait être même une tendance pour sa seconde moitié d’existence. En cela, Lee Dorrian n’avait pas tort de voir en ce Endtyme une sorte de renaissance pour Cathedral, toujours aussi resplendissant et sûr de ses fondations.
Doom or Be Doomed!
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