Early Moods - Spellbound
Chronique
Early Moods Spellbound (EP)
Ne pas se fier aux apparences, elle sont parfois trompeuses. Je m’explique: j’avais quelques craintes en découvrant tout l’attirail promotionnel du label de Early Moods, notamment la photo du groupe où l’on y découvrait de jeunes gens abordés tout l’attirail du groupe rétro bien propre sur lui, avec des sapes venant probablement de le friperie du coin. Cela dit, ils ont su éviter l’écueil de se prendre en photo devant leurs têtes et amplis Matamp, Orange ou HiWatt, c’est déjà ça. Et puis la fiche promotionnelle nous parlait bien évidemment de l’expérience des musiciens, plutôt dans la scène extrême californienne, avec un ancien membre de Skeletal Remains pour parfaire la street cred, et un savant name dropping bien comme il faut pour citer leurs influences: Candlemass, Trouble, Witchfinder General, Pentagram et bien entendu Black Sabbath. N’en jetez plus la coupe était pleine, surtout que ce n’est pas les premiers venus de la scène extrême à nous faire le coup d’un amour inconsidéré pour le doom metal d’antan. Cela dit, les musiciens d’Early Moods auront pris leur temps avant de faire paraitre ce premier EP, puisque la formation du groupe remonte à deux mille cinq et que ce Spellbound était préalablement sorti de manière indépendante par le groupe en avril dernier et disponible sur sa page bandcamp.
Que nous proposent donc les Californiens sur cet album: tout simplement un heavy doom metal qui sonne évidemment vintage et où l’on sent évidemment l’ombre de Pentagram et de Witchfinder General et bien sûr celle du Black Sabbath des années soixante dix. Pour le côté Candlemass, je cherche encore, ce qui me laisse à penser que ou bien c’est le chargé de promotion qui a des problèmes auditifs ou bien c’est moi. Cela étant dit, même si les influences sont on ne peut plus évidentes, l’on constate que c’est plutôt bien fait et très bien agencé, sans trop de fioritures. Les compositions tiennent bien la route et ont cette dynamique suffisante pour être assez enivrantes tout en se laissant aller à des passages plombés, mais pas si lents que ça, peut être le seul reproche que je puisse leur faire, car certains passages auraient sans doute gagné à être beaucoup plus lents. Les deux guitaristes nous servent des riffs plutôt bien pensés et bien exécutés. Ce qui va faire l’attrait de cette formation ce sont notamment les soli de guitares qui viennent agrémenter chaque titre, à l’ancienne si je puis dire, avec ce petit côté duels de guitaristes, qui pourraient nous rapprocher de la patte Trouble évoquée dans les influences, et d’une certaine manière de Pagan Altar, ce n’est sans doute pas rien si l’on retrouve Alan Jones en invité sur Isolated. Et je dois avouer que c’est quelque chose qui donne un plus qualitatif à l’ensemble, le petit truc incandescent qui réveille l’attention. Ce d’autant que les compositions sont assez bien troussées avec des petites accélérations bienvenues à chaque fois, même si assez simples dans leur construction, exception faite du titre Desire qui est un peu plus audacieux.
Évidemment, outre les influences des Grands Anciens citées ci-dessus, l’on ne peut s’empêcher de penser à deux formations plus contemporaines, avec d’un côté Uncle Acid and The Deadbeats, même si le côté seventies londonien et psychédélique y est absent, et de l’autre côté Witchcraft, je pense notamment aux deux premiers albums du groupe de Magnus Pelander. Cela se ressent notamment au niveau du son, évidemment daté, et dans ces effets sur le chant que l’on retrouvait aussi bien chez les Suédois que chez les Anglais. Pour sûr, cela n’a rien d’original ce type de sonorités, mais c’est juste pour insister vers quelle obédience l’on se retrouve ici. Pour autant, il y a chez Early Moods une plus grande dynamique dans les compositions et un côté beaucoup plus explosif, voire enthousiasmant, qui les rapproche, d’une certaine manière, de Witchfinder General, avec ce côté sombre mais pas trop et surtout ce côté enjoliveur et un peu irrévérencieux du quatuor anglais. Et c’est cela qui va les distinguer, à mon sens, de la pléthore de groupes qui évoluent dans cette veine de doom metal passéiste, c’est à dire bloqués entre les années soixante dix et le début des années quatre vingt, avec cette ambiance qui rappelle bien plus les bas fonds d’une cave à briques rouges et l’odeur de nombreuses Ale renversées sur le sol, une sorte de réponse en plus passéiste à The Lamp of Thoth, que l’encens, les lampes à lave et la weed. Et c’est là que la non précipitation du quatuor pour sortir un enregistrement a sans doute été une très bonne idée, car l’on voit qu’ils ont pris le temps de faire venir à maturation leur musique et ont bien peaufiné leurs compositions.
Ainsi, et en dépit de ce que pouvait laisser présumer mon entame de chronique, ce Spellbound est assez bon et laisse présager de bonnes choses chez les Californiens d’Early Moods. Bien sûr l’on pourrait se dire que c’est encore une fois une énième formation de néo-vintage, que tout a déjà été dit et redit dans ce registre, pourtant l’on y retrouve une certains fraîcheur, chose qui n’était sans doute pas évidente vu le style pratiqué. J’apprécie surtout le fait qu’ils ont vraiment privilégié le travail des compositions et une voie plus métallisée que leurs contemporains, préférant faire du psychédélisme sous un amas de fuzz, et surtout cette paire de guitaristes qui sait vraiment y faire. Bref, les amateurs des références suscitées devraient y trouver leur compte, en espérant qu’un vrai premier album ne tarde pas trop car l’on sent qu’il y a ici un réel potentiel.
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