Cathedral - Supernatural Birth Machine
Chronique
Cathedral Supernatural Birth Machine
Supernatural Birth Machine, le mal aimé. C'est une évidence que cet album fait partie des moins aimés dans la discographie assez conséquente de Cathedral, dans la mesure où il fait tout de même suite à un quasiment sans faute depuis les débuts du groupe. Il est vrai que ce quatrième album des Anglais est sorti assez rapidement, treize mois seulement, après l'excellent The Carnival Bizarre, en sachant qu'entre temps il y eut l'EP Hopkins (The Witchfinder General). Pour autant on ne peut nier que le quatuor désormais stabilisé n'était pas en panne d'inspiration, mais, de l'aveu du groupe même, il considérait cet album comme un peu chancelant. La faute sans doute à une trop grande précipitation. En effet, ce disque fut enregistré dans l'urgence, le groupe n'ayant pris qu'une seule semaine de préparation après sa tournée de promotion du précédent effort avant d'entrer en studio pour enregistrer celui-ci, toujours sous la houlette de Kit Woolven, qui produisit le précédent opus. Qui plus est Lee Dorrian enregistra ses parties de chant sur bon nombre de titres sans les avoir préalablement répétés avec les autres membres du groupe. Pour autant le résultat n'est pas aussi mauvais que le laisse supposer ces préalables présentations, ce disque est un bon album, quoique l'on en dise, même si il est loin d'être le meilleur de leur discographie.
Il est souvent de bon ton dans les hautes sphères du doom metal de mépriser Supernatural Birth Machine, tant il n'a pas forcément la splendeur des trois albums précédents, mais ces derniers avaient été tellement bons, que c'est difficile de tenir autant sur la distance. Il est vrai qu'il n'est pas exempt de tous défauts, loin s'en faut. Comme dit précédemment, cela se ressent notamment au niveau du travail d'écriture des morceaux, sans doute moins étoffé, et encore ce n'est pas forcément le cas pour tous les titres, que ce à quoi le groupe nous avait accoutumé. C'est vrai que cela peut surprendre étant donné la maestria affichée précédemment. Cela étant dit, c'est un peu un cliché que l'on colle à cet album, même si la seconde partie de l'album est assez directe. Le peu de temps de préparation de cet album se ressent aussi au niveau du chant et surtout des paroles de Lee Dorrian, cela va dans le sens du côté direct, surtout lorsque l'on sait qu'il avait une tendance à travailler énormément ses paroles, au point parfois de bloquer une semaine sur une strophe. Enfin, le dernier grief que l'on a tendance à donner à cet album provient de la production de Kit Woolven, bien loin du standard établi sur le précédent album. L'on a ici une production plus granuleuse, un peu plus sale et donnant cependant une coloration plus vieillotte à l'ensemble. C'est peut être tout ceci qui fait que l'on délaisse cet album, un peu au même titre que son successeur. Mais pour autant, c'est très loin d'être un mauvais album.
Effectivement, l'on est loin du naufrage complet qui est souvent annoncé ici ou là, Supernatural Birth Machine est peut-être l'un des albums les plus sous estimés de la formation, il n'a sans doute pas l'empreinte d'une certaine folie créative que l'on rencontrait sur The Carnival Bizarre, et l'on est très loin de retrouver ici les expérimentations, déconcertantes pour certains, du EP Hopkins (The Witchfinder General). La première constatation que l'on peut faire à l'écoute de cet opus, c'est qu'il ne poursuit en rien cette démarche quelque peu aventureuse. En effet, ce disque est une sorte de retour aux sources qui s'exprime par le biais de titres plus directs, pour du Cathedral. Les velléités progressives esquissées sur le précédent album sont quasiment absentes de ce disque, exception faite des titres comme Cyclops Revolution, Birth Machine 2000 et Magentic Hole. De ce fait, et la composition de ce disque dans l'urgence n'y est sans doute pas étrangère, la musique proposée par le groupe est plus basique qu'auparavant. Les structures des titres sont assez similaires d'un titre à un autre, avec le schéma très classique couplet / refrain / couplet / refrain / solo / couplet / refrain, avec quelques minimes variations selon les titres. D'ailleurs, seuls les titres Birth Machine 2000, le plus long de l'album et sur lequel l'on a droit à un trop court passage au mellotron entremêlé d'arpèges un peu plus aériens, et Magnetic Hole, qui vient clore l'album avec trois excellentes minutes de solo de guitare, échappent, si je puis dire, à ce type de construction.
En dehors de ce relatif manque de surprise d'un titre à un autre, l'ensemble demeure bon et reste toujours aussi plaisant à écouter. Plaisant, car même si tout ceci avait été fait dans l'urgence, l'on retrouve tout de même ce qui caractérisait bien Cathedral en cette seconde partie des années quatre vingt dix: des gros riffs de doom metal plus sabbathiens que jamais, - mais sans pour autant plagier les Pères Fondateurs comme l'on peut trop souvent lire un peu partout -, des compositions très efficaces et ce groove imparable et tellement singulier des Anglais. Ces constantes, Cathedral ne les a pas laissées de côté et l'on retrouve toujours ces riffs loin d'être linéaires et aucunement pauvres de Gaz Jennings. C'est d'ailleurs l'un des gros points forts du guitariste, et les exemples sont assez conséquents sur l'entièreté de l'album. Mais je ne peux penser à ceux de Stained Class Horizon, Urko's Conquest ou de Fireball Demon. Et sans doute que le grain particulier de la production donne un côté encore plus rétro à cet album. Qui plus est, l'on retrouve une grosse cohésion entre les musiciens, cohésion qui n'a pu qu'être renforcée par les tournées récentes du groupe, et qui se confirme sur cet album. L'espace que prend de plus en plus Leo Smee avec la basse n'en est qu'un grand exemple.
En fait, le gros reproche que l'on fait à cet album, et qui n'en n'est pas un pour moi, c'est qu'avec cet album, Cathedral se rapproche grandement de la scène stoner alors en plein boom. Mais à la différence de pas mal des formations alors émergentes, Cathedral ne renie pas ses influences de base, garde une assise doom metal, et reste foncièrement métallisé. Ce qui fait qu'ici bons nombres des titres, outre leur facette plus directe pour une très grande part, ont un côté un peu plus festif que l'on retrouvait auparavant par intermittence chez Cathedral, - Ride, Midnight Mountain . Je pense notamment à l'enchaînement de la seconde partie de ce disque avec les titres Fireball Demon, - mais qu'il est loin le temps du doom dépressif des débuts -, Phaser Quest, et sa sympathique ligne de basse, et les très entêtants Suicide Asteroid et Dragon Ryder 13. Ces titres sont d'ailleurs plus courts que ce à quoi Cathedral nous avait habitué jusqu'alors et avec souvent un rythme plus élevé, mais sans se départir de son caractère plombé. La première partie de ce disque n'est pas en reste, avec une bonne introduction bien calme sur lequel Gaz nous gratifie d'une bonne lead, et des très bons titres comme Urko's Conquest, avec un riff certes basique mais bien efficace, le single Stained Class Horizon, et son petit break bien tranquille, et le titre Cyclops Revolution, où le groupe nous gratifie d'un excellent riff, bien groovy. Le titre Nightmare Castle se démarque un peu du reste de l'album par son côté plus lourd et son tempo plus lent, et n'aurait pas fait tâche sur The Carnival Bizarre.
Évidemment, si l'on a ici une facette plus détendue de Cathedral, pour ne pas dire plus fun et plus entraînante, ça n'en est pas moins du Cathedral, l'on ne peut se tromper sur l'étiquette. Le groupe est tout de même capable d'enchaîner excellents titres sur excellents titres, que l'on garde bien en tête pour un grand nombre. Il y a évidemment un petit côté passéiste, pour ne pas dire parfois kitsch, mais cela a toujours été le fait des Anglais. Si le précédent album avait une ambiance très carnavalesque, je trouve qu'ici l'on est plus dans une atmosphère de science fiction, les références à la Planète des Singes, à certaines dystopies n'y sont pas étrangère. Là encore, c'est plutôt une facette à l'ancienne de la science fiction dont il est question, celle des années soixante et soixante dix, et qui a inspiré le groupe, tout autant dans son côté rêveur que dans les quelques questionnements qu'elle apportait. Et d'ailleurs, il suffit de voir la version limitée sous forme de comic qui était sortie à l'époque. Mais l'on ressent bien ce feeling à travers de nombreux titres de cet album. Et il faut dire que Lee Dorrian reste un excellent maître de cérémonie, capable de chanter avec une voix plus doucereuse comme sur Eternal Countdown, que d'être plus rageur, et d'être toujours à même de nous emmener dans une sarabande assez folle, à nous faire décoller assez rapidement et nous emmener dans son petit monde à lui. Un monde où l'on croise des cyclopes, des dragons, des goules et plein d'autres étrangetés surnaturelles. Il y a peut être une double facette sur cet album, j'ai toujours trouvé la première partie plus classique pour le groupe et qu'à partir de Fireball Demon, l'on a ce côté plus direct et quasiment jovial et dansant de la formation. Mais le tout reste assez cohérent au final, et le très beau final de Magnetic Hole nous fait redescendre sur terre tout doucement.
L'on ne va pas se mentir, Supernatural Birth Machine est loin d'être le meilleur album de Cathedral, mais il recèle tout de même de grandes qualités et il est de très bonne facture. Le rapprochement avec la scène stoner est indéniable, même si cela reste bien plus lourd et même rentre-dedans que les groupes d'alors et même d'aujourd'hui, la science du riff de Gaz Jennings étant un des éléments qui fait clairement la différence. Parce qu'il ne faut pas oublier que Cathedral reste un groupe de doom metal, aussi singulier puisse-t'il être, et que cette réalisation ne déroge pas à cette règle. Et puis, lorsque l'on voit la flopée de groupes ayant émergé dans ce style depuis un quart de siècle, j'ai du mal à trouver un album qui puisse égaler Supernatural Birth Machine. Certes, les influences communes sont évidentes, mais il y a ici un très grand savoir faire que nulle autre formation n'est en mesure d'égaler. L'on me reprochera évidemment mon manque d'objectivité concernant ce groupe que j'adule, mais Supernatural Birth Machine est pour moi un très bon album, l'un de ceux dont il est toujours autant plaisant d'écouter, avec ce même plaisir, et même grâce à cette forme de joie communicative en quelque sorte, qui, s'il n'a pas la superbe de ses trois prédécesseurs, a tout de même ses propres qualités et sa propre atmosphère. D'ailleurs, les ingénieurs de la sonde Cassini-Huygens ne s'y sont pas trompés puisqu'ils ont mis des titres de cet album sur le DVD, entre autres données en provenance de la Terre, que transportait cette sonde lancée en mille neuf cent quatre vingt dix sept.
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