Après avoir encensé le dernier Darkthrone et chié sur le premier album de Triptykon, autant perdre toute crédibilité et dire que la dernière offrande de Cathedral est bien mais pas top. Tout d'abord, je m'excuse pour la chronique tardive mais j'avais piscine et ne savais pas quoi penser de
The Guessing Game. Il faut dire que l'attente était longue après ces années d'absence et un
The Garden Of Unearthly Delight trop propre sur lui et classique pour tenir la distance, exception faite du fantastique « The Garden ».
C'est d'ailleurs un morceau qui semble avoir marqué les anglais à l'écoute de ces deux disques de quarante minutes chacun. Cathedral est plus prog' que jamais et les influences sabbathiennes partagent désormais l'affiche avec d'autres réminiscences tout aussi savoureuses. Là où la plupart des groupes psychédéliques empruntent la voie du progressif du pauvre (Pink Floyd, hop, c'est gratuit), la bande à Lee Dorrian joue les connaisseurs. On pense à King Crimson pour les structures barrées mais surtout aux trop méconnus Camel et Caravan. Le premier disque regorge d'exemples sentant bons l'encens et le délire tranquille (« Funeral Of Dreams » et ses voix célestes ou les arpèges de « Death Of An Anarchist ») et l'orgue Hammond est à sa place à côté des autres instruments. Lee « Come On » Dorrian joue le jeu avec sa voix dénuée de la hargne enfumée qu'on lui connaissait : son chant est plus posé, décevant au départ (ils sont où mes « Ouh Yeah ? ») puis totalement bonnard avec ses paroles de hippie en pleine crise identitaire. Cathedral n'est plus le monstre aussi morbide que sensuel de
Forest Of Equilibrium : il est tout entier au service des seventies qui le font tant rêver. « Cats, Incense, Candles and Wine » est certainement la chanson où le trip est poussé le plus loin : aucunes distorsions, un son renvoyant directement à des albums comme
In The Land Of Grey And Pink de Caravan, des guitares rock prog' et un chant clamant ses paroles hallucinogènes sur un ton à la fois blasé et entrainant. Qu'on se rassure, les volées de bois vert à la James Brown façon doom sont toujours de la partie (l'enchainement basse/gros riff qui tâche de « Death Of An Anarchist », « Edwige's Eyes » ou encore les wha wha de « Painting In The Dark »).
Le deuxième disque renoue avec le stoner/doom proche des précédentes productions du groupe. « The Running Man » et « Requiem Of The Voiceless » balancent des parpaings lourds, suivant les ordres d'un Lee Dorrian de nouveau rageur. « Requiem Of The Voiceless » est par ailleurs remarquable avec sa structure surprenante et sa musique en roue libre à mi-parcours. « The Casket Chaser » possède un groove imparable et méchamment addictif, renvoyant High On Fire dans les cordes. Malgré les éléments nouveaux parcourant
The Guessing Game, on peut considérer ce dernier comme un Best-of des différentes périodes de Cathedral, à l'image de « Journeys Into Jade » et ses paroles s'amusant à intégrer les noms des différents albums du groupe dans son texte. Le travail sur l'artwork effectué par Dave Pratchett est une nouvelle fois de qualité et montre à qui en doutait que cet artiste est bien le cinquième membre de Cathedral, captant sur le papier ce que retranscrit le groupe par sa musique.
Et donc quel est le problème ? Tout est fait pour qu'après cinq ans d'attente, Cathedral revienne sur le devant de la scène et impose son herbe sur le marché ! Pourtant, je retrouve sur
The Guessing Game les défauts de
The Garden Of Unearthly Delight. La musique d'abord accrocheuse et jouissive s'avère au final trop lisse et glisse sur nos oreilles là où
The Ethereal Mirror te jetait avec plaisir dans une crasse fascinante. Les anglais se contentent la plupart du temps de jouer ce qu'ils savent faire de mieux, ce qui n'empêche pas les fautes de goûts comme la chanson « The Running Man » où les guitares ne font que balancer des riffs de gros bœufs en mode automatique. Un « boum boum boum » inacceptable pour un groupe ayant composé des hymnes comme « Midnight Mountain ». Même chose pour des morceaux comme « Edwige's Eyes » et « Journeys Into Jade », dont ils auraient pu se passer afin de présenter un véritable album et non une compilation « salut, on a la flemme de choisir » finalement assez décousue. Enfin, certes, ses intonations seventies marquent un virage dans la carrière de nos hippies favoris, mais au final, est-ce vraiment une révolution ? Elles ont toujours eu une place dans leurs compositions et c'est oublier le côté Jethro Tull de
Forest Of Equilibrium par exemple. Mais là où ces dernières servaient des guitares à l'identité marquée, elles deviennent sur
The Guessing Game la marque d'un groupe qui passe au feutre ses arrangements, afin d'éviter la redite.
Ces quelques griefs font que je considère
The Guessing Game comme une création de plus pour Cathedral. Bien sur, ces deux galettes sont supérieures à la moyenne des sorties du genre (dans la catégorie passéiste, pensez à un Witchcraft qui a tendance à lasser) et il sera difficile pour le premier venu de détrôner une création de cette qualité. Mais on ne peut que regretter le temps où ces mecs aussi cools que déglingués raclaient les fonds de tiroir pour trouver de quoi fumer.
The Guessing Game est un retour des anglais sur leur passé. Mais c'est un Cathedral en transat dans sa villa qui regarde l'ancien clodo culte. Un double-album décidemment nostalgique : des années soixante-dix et du grand Cathedral.
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