Cathedral - Soul Sacrifice
Chronique
Cathedral Soul Sacrifice (EP)
Quel pouvait donc être l’état d’esprit des musiciens de Cathedral après avoir sorti un album d’une aussi grande noirceur que leur premier et magnum opus, Forest of Equilibrium, qui fut cathartique pour eux également et qui avait sans doute du prendre son petit monde à contrepieds tant il était un sommet de tristesse, de lenteur, suffocant et tellement empli d’affliction pour ne pas laisser indemne toute personne qui l’avait écouté. Et il en fut de même pour les compositeurs de cet album, qui, loin de faire du surplace, a entrepris assez rapidement une certaine évolution, une grande constante chez les Anglais. C’est ainsi qu’un mois et demi seulement après la sortie du grandissime Forest of Equilibrium, Cathedral rentrait déjà en studio pour enregistrer le présent Soul Sacrifice, avec leur nouveau batteur Mark Ramsey Wharton, transfuge de Acid Reign comme Adam Lehan et Gaz Jennings. Et si l’on devait faire une métaphore pour ce qui est de ce disque, c’est bien celui d’un lent retour à la vie après s’être obstiné à rester dans l’ombre. Et plutôt que de brûler les étapes, les Anglais ont préféré enregistrer un EP avant de se lancer dans l’enregistrement de leur deuxième album; un rythme de croisière qu’ils auront pendant quelques années en alternant ces deux formats.
Si le monde n’était sans doute pas prêt pour Forest of Equilibrium, je ne sais pas s’il l’était tout autant pour accueillir ce Soul Sacrifice, car l’évolution entre cet album et le contenu de cet EP est assez flagrante, sans pour autant que ce ne fut un virage à cent quatre vingt degrés, ne vous méprenez pas. Il est bien entendu question de doom metal, avec toutes ses composantes caractéristiques, dont, bien évidemment la lenteur et la lourdeur. Et l’on sent bien qu’au niveau des tempi, le quintet est toujours capable de faire aussi rapide qu’un gastéropode, même si le rythme s’accélère tout de même de temps à autres, mais plus à la manière d’un rhinocéros en période de rut, comme sur Soul Sacrifice et sur Autumn Twilight. L’on est loin du monolithisme d’antan et surtout l’on est en pleine phase d’exploration de ses influences autant issues du doom metal traditionnel, et, de la sempiternelle dévotion à Black Sabbath, que les quelques références au progressif des années soixante dix que l’on sent poindre de temps à autres, je pense notamment sur Frozen Rapture et surtout sur le plus alambiqué Golden Blood. C’est bien cela que l’on ressent sur cet enregistrement, c’est que le groupe a décidé de commencer sa mue vers ce qu’il sera par la suite et pour ainsi dire jusqu’à la fin: à la fois ringard, hors du temps mais en ayant un temps d’avance sur tant de formations, et, surtout, capable d’avoir ce groove unique et ultime, qu’aucune formation ne pourra jamais copier et encore moins égaler. Et il n’y a d’ailleurs pas meilleure signe de cette évolution que le chant de Lee Dorrian qui n’est plus dans ce registre forcé et à la limite du grognement des précédentes réalisations, mais qui commence à se faire plus mélodique et chanté, avec toutefois cette diction caractéristique. L’autre signe d’évolution vient dans cette production plus claire, avec un son de guitares moins baveux, mais tout autant passéiste.
C’est ainsi que les Anglais déploient peu à peu leurs influences évidentes et étoffent de plus en plus leurs compositions, avec ces quatre titres qui ne se ressemblent pas les uns aux autres, c’est ce qui renforce l’intérêt de cette réalisation. Tout débute d’ailleurs, et comme un signe des temps qui sont en train de changer, avec une nouvelle version du titre Soul Sacrifice. Le titre court et bovin qui servait de respiration sur Forest of Equilibrium, se voit ici agrémenté d’un refrain et rallongé, tout en étant plus rapide que sa version originelle. D’ailleurs, la version japonaise de Soul Sacrifice est nantie d’une nouvelle version de A Funeral Request qui va dans ce sens. Mais l’on perçoit bien les changements en cours chez Cathedral vers quelque chose d’encore plus passéiste surtout bien plus groovy. Et cela se ressent tout autant, si ce n’est plus, sur Autumn Twilight, une des meilleurs compositions du groupe à mon sens, avec son introduction solennelle et son riff plus sabbathien que jamais, son duel de soli de guitares entre Lehan et Jennings et tous ces détails qui en font un camaïeux de mauve en lieu et place du gris qui dépeignait le mieux le passé encore récent du groupe, comme si la forêt pouvait être cet endroit magique et onirique où l’on peut s’adonner à la cueillette de champignons aux effets secondaires amusants. Bien entendu, la mue du groupe ne s’est pas faite aussi vite que l’on peut le croire, et Frozen Rapture prend un peu le contre pied du titre précédent avec un rythme bien plus lent et une ambiance bien plus morne, renforcée par l’utilisation judicieuse d’un orgue Hammond. Pour autant, l’on retrouve tout de même une petite accélération au milieu du titre, lancée par un des ces fameux « all right » de Lee Dorrian au moment où Ramsey tape sur une cowbell. Kitsch vous avez dit? Et ce disque se termine avec cette pépite méconnue qu’est Golden Blood (Flooding), première incartade du groupe dans des sphères plus progressives, pour un titre à tiroirs où apparaissent quelques passages aux acoustiques, venant contrebalancer la lourdeur ambiante, et avec une collection d’excellents riffs qui s’enchaînent sans temps morts et qui ont de quoi faire pâlir tout apprenti doomster.
Au final ce Soul Sacrifice remplit bien son office d’intermédiaire entre Forest of Equilibrium et The Ethereal Mirror puisque l’on y sent bien l’évolution entre le doom metal assez dépressif et unique du premier cité, et le doom metal d’obédience sabbathienne mais tout autant unique du second. Mais il ne faudrait pas restreindre ce Soul Sacrifice comme une sorte d’ébauche ou de brouillon. En effet, il faut surtout souligner que cet EP dévoile avec évidence la personnalité d’un groupe assez unique en son genre et que même en ayant emprunté des chemins moins obscurs et tortueux, il n’en garde pas moins une identité sonore unique. Lee Dorrian et consorts ont certes des influences qui sont palpables, mais il y a ici, outre des signes notables d’évolution, une inspiration et une fraîcheur unique. D’ailleurs, il ne faut pas se tromper, la moitié de cet enregistrement a fait partie de leur set-list pendant un long moment, ce n’est pas pour rien je pense, mais l’ensemble reste d’excellente qualité. Et c’est assez fou de se dire qu’en vingt cinq minutes et quatre titres, ce Soul Sacrifice comprend bien plus de choses et de talent que bon nombre de formations évoluant dans ce registre musical. C’était bien là toute la magie de Cathedral et il serait dommage de s’en priver de nos jours.
Doom or be doomed!
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