Doomraiser - The Dark Side of Old Europa
Chronique
Doomraiser The Dark Side of Old Europa
Je sais: avoir un nom de groupe avec le mot doom dedans, cela peut prêter à sourire, voire même n’être qu’une mauvaise blague, et pourtant, les Italiens, quand ils utilisent ce mot pour leur patronyme ne se trompent rarement. Cela vaut aussi bien pour DoomSword que pour Doomraiser qui nous occupent maintenant. Voilà plus de dix sept ans que Doomraiser fait son petit bonhomme de chemin au sein d’une scène doom metal traditionnelle, sans coups d’éclats et sans voir été porté par une quelconque hype, à part peut être à leurs débuts et lors de la sortie de leur premier album Lords of Mercy. Doomraiser n’est évidemment pas un des noms les plus ronflants pour la scène doom metal, alors que le groupe n’a toutefois jamais sorti de mauvais albums, et reste même une sorte de plaisir pour les connoisseurs du genre. Et pourtant, si pour beaucoup ce groupe est quasiment inconnu, il n’en reste pas moins une solide formation qui sortait en janvier dernier The Dark Side of Old Europa, son cinquième album, quasiment cinq années après la sortie du très bon Reverse (Passagio Inverso).
Sans trop de surprises, Doomraiser propose sur ce The Dark Side of Old Europa un doom metal très traditionnel aussi bien dans le fond que pour ce qui est de la forme. Et quand je dis traditionnel, c’est que l’on y retrouve bien des influences classiques telles que celles de Saint Vitus ou bien de Cathedral pour en reprendre quelques connues, les Italiens étant d’ailleurs les seuls à pouvoir s’approcher du groove unique des Anglais. Pas jusqu’au boutiste comme pouvait l’être un Reverend Bizarre, le groupe déploie ses titres de manière très fluide, reprenant souvent la formule du couplet et du refrain à son compte, mais en agrémentant chacune de ses compositions de passages instrumentaux mais sans trop surenchérir sur la durée comme il pouvait le faire autrefois. En fait, s’il y a un groupe avec lequel l’on peut faire un parallèle ce sont nos Poitevins de The Bottle Doom Lazy Band: on y ressent la même vibe et la même passion qui découle dans ces titres qui paraissent intemporels tant ils résonnent comme granitique et sans âges. Il faut entendre par là que nous ne sommes pas face à une formation de doom metal moderne, cela reste très ancré dans un certain dogmatisme, ce qui n’entache aucunement l’écoute de cet album, car tout y est bien soupesé.
Ici, il ne faudra pas chercher du néo-vintage avec des guitaristes à moustache qui vénèrent leurs têtes d’amplis à lampes des années soixante dix ou qui passent tout leur temps à alimenter leurs comptes Instagram avec leurs derniers achats, nous avons à faire à des gens sérieux, soyez rassurez. L’on reste bien dans un registre doom metal, et où le metal n’est pas un gros mot, l’on retrouve d’ailleurs dans le livret du digipack l’inscription suivante qui leur va bien: Italicus Doomicus Metallicus. Alors certains pourraient reprocher qu’il n’y a rien de flamboyant chez Doomraiser, c’est un fait que je contesterai pas, mais c’est pourtant son classicisme qui fait tout son intérêt, à commencer par le travail des deux guitaristes qui savent encore composer de vrais riffs de doom metal, parfois très simples, mais dont l’efficacité n’est pas à remettre en question. C’est bien classique dans la forme, mais il y a toujours ce petit soupçon de nouveautés qui fait que l’ennui ne s’installe jamais sur cette cinquantaine de minutes. Je pense à ces passages en sons clairs sur Terminal Dusk ou sur Tauroctony (The Secret Cult of Mithras), ce passage à la guitare classique sur le titre éponyme, ou ces petits claviers discrets qui rejaillissent de temps à autres pour donner un petit côté extatique à l’ensemble, voire même très seventies avec ces sonorités analogiques. Et puis l’on sait parfois accélérer un petit peu le propos histoire de ne pas demeurer dans un certain monolithisme, comme c’est le cas sur le titre final ou sur les débuts de Terminal Dusk. Mais là n’est pas la seule surprise sur cette réalisation.
Les Romains se sont en effet décidés à nous faire un album ayant pour thématique les anciennes croyances pratiquées en Europe avant l’avènement du christianisme. Rien que pour cette démarche, l’on a envie de saluer un groupe qui avait pourtant démarré sa carrière avec la labellisation de Heavy Drunken Doom, et avec une imagerie d’alcooliques assumée. Même si le côté plus sérieux et plus profond était déjà présent sur le précédent album, ici cela apporte une touche de mysticisme qui cadre évidemment bien avec la musique. Mais en tout cas, il y a bien plus de profondeur et un peu plus de noirceur dans la musique de Doomraiser sur cet opus et ce n’est pas pour me déplaire. Attention, l’on ne va pas y trouver une certaine désespérance ici, mais bien quelque chose de plus obsédant et de plus inquiétant, et c’est cela qui fait tout l’intérêt de cet album. Les exemples pourraient être nombreux, mais sans doute que le court instrumental Continuum Pt1 (Suspended in Darkness) ou bien encore Terminal Dusk pourraient illustrer cette gravité et ce côté inquiétant qu’a pris le quintet avec cet album, avec ce petit côté menaçant qu’on ne pensait pas retrouver chez eux. Et à ce titre, outre les qualités des musiciens mises en exergue sur cet album, ce côté passionné et parfois incandescent rejaillit sur l’auditeur grâce la très bonne prestation au chant de Cynar. Tantôt en chant forcé, tantôt en chant clair, il surprend toujours autant par la qualité de son chant, et j’aime bien le côté incantatoire qu’il prend de temps en temps, ce qui cadre bien avec la thématique du disque.
Une fois encore, Doomraiser a achevé une belle œuvre de doom metal que l’on se plait à écouter avec un certain enthousiasme, ce d’autant que tout s’y enchaîne très bien et que l’on ne pique aucunement du nez, c’est là aussi une constante dans la qualité d’écriture des Romains. The Dark Side of Old Europa recèle suffisamment de qualités pour intéresser tout amateur de doom metal. Et puis, surtout, le groupe affiche toujours sa personnalité sur cet album, car c’est ce que l’on reconnait d’emblée en l’écoutant, et qu’avec le temps il n’a rien perdu de son efficience et, surtout, il est encore capable de nous surprendre avec cette profondeur et ce côté plus spirituel qu’il prend ici. En fait, je n’en demandais pas tant de la part des Italiens, juste d’être capables de sortir un très bon album de doom metal, chose qu’il a amplement réussi pour la cinquième fois consécutive.
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