[ A propos de cette chronique ] Plus secret que secret, plus occulte qu’occulte. Black Majesty est enfoui dans la lie de cette fameuse scène Nidrosian Black Metal, basée à Trondheim, qui échange ses musiciens d’un groupe à l’autre. Tout ce qui a défini cette scène se retrouve dans ce black metal austère, dévoué et monolithique aux ambiances ritualistes et profondément ésotériques. En automne, c’était Mare qui avait frappé un grand coup en sortant rien de moins qu’un des meilleurs albums de black metal de la décennie à mes yeux. Azazil et ses comparses ont accouché d’une liturgie funèbre d’une force évocatrice terrifiante, qui respire la dévotion à Son Nom à chaque battement d’encensoir. Mais Azazil entretient également son culte secret intime, ses propres versets que nul autre ne partage.
Black Majesty existe depuis 2005, et sortait dans le secret du confessionnal
Seventh Kingdom of Edom en 2009, un EP de treize minutes aussi underground que possible. Le son est immonde, grésillant, sale en Diable, confus et délétère. Il rappelle beaucoup celui des Légions Noires, avec cette distorsion excessive qui noie tout le reste et qui oblige à la concentration de tous les instants pour saisir les mélodies. L’énorme « Thus Singeth the Sword of Curse, Key of Truth » qui assomme d’entrée de jeu avec ses accords malsains et ses trémolos possédés plonge immédiatement dans les ténèbres d’Azazil. Des ténèbres épaisses, profondes, et pourtant presque lumineuses par moments, et manifestement habitées. La batterie très lointaine, la voix entre déclamation et vagissements, les assauts constants de guitare distordue qui se répètent encore et encore … C’est le Trône du Maître qu’Azazil est en train de dresser.
Nidrosian Black Metal oblige, Black Majesty aime l’ambient. Même si l’EP est profondément ancré dans le black metal, Azazil utilise la distorsion de sa guitare pour créer par moments d’étranges lancinances qui finissent par se confondre avec le son des claviers fantomatiques sur « Ad Portas Mortis ». Les voix spectrales qui s’échappent de l’arrière-fond sonore alimentent encore cette atmosphère funéraire, qui prend une ampleur et une intensité à perdre pied sur la très litanique « Shemhamphorasch ! ».
L’EP se conclue sur « From the Kingdoms of Edom, Come Ye Forth! », sorte de linceul qui s’enroule autour de l’être de mort qu’est Azazil à coup de riffs ensorcelants. On y retrouve les mélodies typiques de Mare, grandioses et presque tragiques, qui arrivent véritablement à faire peur tant on les sent composés dans un objectif avant tout spirituel et non purement musical. Chaque seconde de cet EP doit être considéré comme une profession de foi irrépressible, un appel aux forces occultes.
Un mot sur la swastika que personne n’aura pu manquer sur les travaux visuels du groupe. Il semble qu’Azazil soit plongé dans une forme de Kabbale, une émanation ésotérique du Talmud, interprété comme à sa manière sans se restreindre à un unique courant occulte, comme il l’expliquait dans une interview dans l’excellent webzine Bardo Methodology. Je serai tenté de croire que ce symbole n’est présent pour son symbolisme ésotérique, mais les quelques Soleils Noirs qu’on a pu voir apparaître sur d’autres photos du projet laissent planer un flou quant à la valeur qu’Azazil donne à tout ceci … A chacun de se faire son idée.
Black Majesty est un reliquaire satanique qui ne s’ouvrira que pour les âmes les plus frénétiques dans leur recherche du Malin. A la manière des Légions Noires, Black Majesty se veut aussi cryptique et repoussant que possible. Et pourtant, il renferme d’inestimables témoignages de foi et de dévotion, contenu dans quelques riffs primaires et des ambiances d’une profondeur rarement atteinte. Un vrai temple brûlant, dont les contours brouillés forcent à courber la nuque.
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