La patate chaude de 2017 ? Ce n'est pas l'envie qui manquait au sein de l'équipe de parler de cet album de Bathsheba et pourtant, étrangement, chacun traînait des pieds. Il faut dire que dans le genre « inattendu »,
Servus se pose là : pris par surprise par cet album que personne n'espérait – en tout cas pas moi, les autres projets de ses créateurs (Serpentcult ; Death Penalty) n'ayant qu’entraîné un ennui poli dans mes oreilles – au sein d'une année riche pour ce style qu'est le doom féminin, où
Monarch!,
Sabbath Assembly et
King Woman forment un parfait trio, le désir de remettre en question son petit palmarès personnel avec l'album des Belges était souvent gêné de questionnements, doutes, quand l'intention d'en parler se faisait forte.
Car comment évoquer avec justesse ce tour de magie qu'effectue ici Bathsheba ? Avec son allure de groupe moderne jouant un doom on-ne-peut-plus commun, capitalisant sur les ambiances bien cornues de tous et toutes, occultisme, sexe, pouvoir et autres versions sataniques de ces dames arborant colliers ethniques et vêtements Desigual, le voyage en Enfer supplantant celui en Inde ou au Tibet, il semble impossible de présenter ce que réalise là la bande menée par Michelle Nocon sans tomber dans un déballage de clichés ne faisant pas honneur à ces quarante-cinq minutes. Oui,
Servus est marqué par le doom, raconte des histoires de sacrifice sanglant, de soufre, stupre, luxure et cependant semble le faire comme aucun autre.
En effet, difficile de trouver des comparaisons à ce que l'on entend ici et ce, en grande partie en raison de ces grands écarts qu'aime pratiquer la formation. Inutile de rappeler qu'il y a ici un saxophone, d'appuyer les tournures foncièrement black metal que prennent certains passages, vous l'avez soit expérimenté vous-même, soit déjà lu maintes fois dans les pixels émerveillés qu'a fait couler ce disque : ils sont aussi audacieux que bien amenés, des évidences que Bathsheba semble avoir trouvées d'elle-même – désolé pour les académiciens, mais ici, le féminin l'emporte à chaque instant. Au-delà de l'étonnement qu'ils procurent, c'est cette justesse qui finit par éteindre ce sourire méprisant que l'on peut avoir à l'idée d'écouter encore un album de doom metal encore avec chanteuse encore satanique, mettant cette œuvre dans un coin privilégié de son étagère au lieu de la brouette où croupissent les
Dead Witches et consorts.
Au fur et à mesure,
Servus assujettit bien par sa finesse, où les gros sabots d'une production puissante habillent des compositions avançant à pas de chat, caresses et griffures dansant de concert avec un naturel confondant. Michelle Nocon et sa voix tantôt charmeuse, une grimace au coin des lèvres, tantôt déclamatrice, l'hystérie diabolique sous le drap de la beauté, n'est que la face directement visible de cet état de fait : l'ensemble des instruments donne l'impression de brûler en commun d'un même feu magnanime, doué d'un esprit malin où les soubresauts, crépitements, flammes tranquilles et enivrantes, lèchent de façon aussi méthodique que licencieuse, l'austérité du style cachant une liberté de ton telle que je n'en avais pas entendu depuis un certain
The Wounded Kings.
Voilà bien la seule référence que je trouve à placer ici, tant
Servus me fait imaginer un mariage d'aristocrates entre ces Belges et les regrettés Anglais. Certes, on pourra dire que cela est un peu présomptueux de mettre déjà Bathsheba au même rang qu'une formation aussi marquante, mais peu importe : ce premier essai n'a rien d'un début, son équilibre, sa maîtrise dans l'expression d'une certaine pureté dans laquelle se mirent des détours aventureux et trajets arpentés comme une reine parcourt son domaine, méritent bien que l'on s'emporte ! Quelques moments moins étincelants, où le classicisme se présente avec moins de classe, mis à part,
Servus est effectivement un des grands albums de doom metal de 2017 comme pléthores vous l'ont présenté. Et honnêtement, malgré toutes les lignes que je viens d'écrire, je me sens encore incapable de vous dire pourquoi.
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