Warning - Watching From A Distance
Chronique
Warning Watching From A Distance
Il y a des albums que l’on découvre en étant jeune et qui vous aident à vous forger votre culture métallique. Il y a des albums que l’on considère comme des classiques pour ce qu’ils ont pu apporter à tel ou tel genre, ou tout simplement pour le metal en lui-même. Il y a des albums qui vous ont enchanté au moment de leurs sorties et qui vous laissent de bons souvenirs en les réécoutant quelques années ou décennies plus tard. Il y a des albums qui sont parfois seulement un effet de mode et dont l’impact s’étiole avec le temps. Il y a des albums qui vous apporteront de la joie, d’autres qui seront votre exutoire pour exprimer une certaine colère, ou bien une envie d’en découdre, de déclarer qu’il n’y a pas de règles pendant la guerre, ou bien encore de faire des offrandes à Satan ou à d’autres déités. Il y a des albums pour vous réveiller le matin et d’autres pour vous apaiser le soir. Et puis il y a Watching From A Distance, le second album de Warning, qui vous marquera à vie et qui vous fera toujours ce même effet à chaque écoute, sans vous lasser depuis sa sortie il y a quasiment quinze années. Un album comme nul autre et qui aura de quoi laisser son empreinte après sa découverte.
Sept années se sont écoulées depuis la sortie du sinistre et très bon The Strength To Dream, avant que Warning nous propose son second album, le présent Watching From A Distance, en décembre deux mille six. Entre temps, le groupe s’était séparé en deux mille un, Patrick Walker désirant à l’époque se consacrer à son autre occupation, le théâtre. Pourtant, le groupe revint en deux mille cinq, avec notamment une brillante participation au festival Doom Shall Rise cette même année. Si depuis sa séparation, le groupe était devenu culte, en raison notamment de son premier opus, il était légitime de se demander si le trio allait être capable de sortir un album de la même trempe. Et bien force est d’admettre que Watching From A Distance comble largement toutes les attentes et va même au-delà tant il surclasse dans tous les domaines son illustre prédécesseur et imposera définitivement Warning au panthéon du doom metal, sans que quiconque ne parvienne à l’en déloger depuis lors, et cela restera ainsi pour l’éternité. Car cette réalisation ne ressemble à aucune autre et n’a d’ailleurs très peu d’équivalent autant d’un point de vue stylistique, - même si l’on nous présente fréquemment des successeurs aux Anglais -, que dans les émotions exprimées ici.
Malgré les années passées, le style de Warning demeure, fort heureusement, immuable et toujours aussi captivant. Il est donc toujours question de ce doom metal unique et ô combien dépressif sur ce Watching From A Distance. Immuable, mais aussi imperturbable par rapport aux courants alors en vogue, la musique de Warning demeure toujours ancrée dans cette tradition qui perdure depuis Black Sabbath et qui s’est nourrie de formations telles que Trouble, Candlemass, Saint Vitus ou bien encore Revelation. Nourri certes, mais le style du trio demeure toujours aussi unique et reconnaissable dès les premiers accords de Watching From A Distance, et, pour être clair, il n’y a pas tellement de groupes qui lui ressemble et auxquels l’on puisse le comparer. Sur ces cinquante minutes de musique, les anglais déclinent donc un propos volontiers traditionaliste, basant notamment sa musique sur les constantes immuables du doom metal, mettant ainsi en exergue lenteur, lourdeur et surtout cette noirceur inextricable. Le trio base toujours sa musique sur ce magnifique riffing d’école, inspiré comme jamais et d’une gravité, voire même d’une austérité, rarement atteintes, renforcées par une production un peu crue et sans artifices, mais qui donne à cet album ce cachet assez unique et même intemporel.
C’est bien simple, chaque riff décliné par Patrick Walker confirme qu'il est un génie en la matière, et parvient à nous toucher au plus profond de nous même. Il n’y a rien d’exubérant ni même de très original dans tout cela, mais le guitariste se démarque avant tout par une excellente inspiration. Dans tous les cas, cette mise en avant de cet excellent riffing constitue toujours l’originalité de cette formation et même ce qui la rend intéressante et surtout tellement singulière. Souvent léthargique, comme si le temps s’arrêtait soudainement et où les regards ne pouvaient aller au-delà de la grisaille ambiante qui nous englobe, le doom metal pratiqué par Warning peut prendre de temps à autres des attraits plus puissants, à l’image du final de Footprints ou sur le refrain de Faces. Quelques soli, harmonisations et arpèges viennent agrémenter ce tableau, attestant d’ailleurs d’un réel talent d’écriture et avec toujours cette trame mélancolique qui suinte de chaque note. Marcus Hatfield complète discrètement ce travail à la basse, se contentant de temps à autres de quelques mélopées et Stuart Springthorpe imprime le rythme sur cet album avec des patterns élégants et particulièrement appropriés, en apportant une réelle emphase à cet ensemble, un modèle du genre pour ce qui est d’être un excellent batteur de doom metal. En fait, il n’y a aucune faille dans tout cela, c’est d’une rare cohérence et l’on se laisse très facilement prendre par ces mélopées passéistes, nostalgiques et douloureuses.
Outre la mise en avant du riffing de Patrick Walker, il y a toujours cette intensité et cette tristesse qui émanent de cet album. A l’instar de ce personnage portant un lourd fardeau sur la pochette, cet opus est d’une gravité et d’une incommensurable mélancolie. En effet, rarement un disque m’aura autant ému avec pourtant des motifs aussi simples, mais pas seulement au point de ressentir le spleen et la douleur qui émanent de ces cinq titres, mais d’en pleurer tant tout ceci est réellement et tellement évocateur. Dans tous les cas, il est assez difficile de ne pas être touché par ces mélopées aux attraits dépressives et même tragiques. En effet, il n’y a aucune lueur d’espoir à l’horizon à l’écoute de ce Watching From A Distance, comme si nous étions les témoins impassibles et inertes de ces complaintes et chants de souffrances que nous apporte Patrick Walker. Comme si quelque chose au plus profond de nous s’effondrait, sans espoir de retour ou de reconquête, à l’image de ce soldat brisé évoqué sur le final de Footprints. Ici, tout n’est que grisaille, renoncement et écroulement. Ces sentiments sont d’ailleurs renforcés par l’excellente prestation vocale de Patrick Walker qui vit pleinement ses textes, et transmet ici une telle résignation, comme s’il était abattu par le monde qui l’entoure et par ses propres blessures, laissées béantes et sans perspectives de rémission.
Les progrès de l’Anglais sont même énormes depuis The Strength to Dream, et l’on ne dira jamais assez ô combien il excelle dans ce registre de chant clair mais qui fait vivre ses paroles avec une telle intensité et avec une telle sincérité. Cette voix qui vous hante, qui vous perce à jour, et qui se fraie un chemin au sein de cette grisaille, mais sans toutefois y apporter de lumière, mais pour vous faire comprendre que tout ce qui est déversé ici n’est que douleur et souffrance. C’est même une certaine mise à nue à laquelle nous assistons, car le chanteur exprime des sentiments tellement humains et ne prend pas de fards pour les dissimuler. Évidemment, l’on sombre dans le pathos, avec un album qui transcrit on ne peut mieux ce qu’est de vivre une séparation - amoureuse ou non -, car c’est bien de cela dont il est question ici. L’on est dans l’expression de l’humanité dans ce qu’elle a de plus touchante, dans ce fait d’être abandonné par la personne que l’on aime et de ne plus réellement la reconnaître quelques années plus tard, et qu’expriment tellement bien le titre éponyme ou bien encore le titre Faces. Quand les souvenirs reviennent à la surface, quand tous les non-dits vous hantent pendant de longues semaines, que les regrets et les pleurs vous submergent sans cesse et que l’on finit par couper tous les ponts avec les autres pour se retrouver seul. C’est tout cela qu'exposent ces cinq titres, en plus de mettre en avant ses fragilités, ses fêlures et ses échecs.
Ainsi, Watching From A Distance est une pure merveille de doom metal, et est même un des classiques du genre qu’il faut absolument avoir écouté une fois dans sa vie. Il ne sera guère surprenant pour toi lecteur de savoir qu’il fait partie de mon panthéon personnel de mes disques favoris du genre mais pas seulement. Mais je crois que cela va au-delà des sphères du doom metal, car Watching From A Distance est un album unique et inégalable, en raison notamment de cette mélancolie suintant de chaque seconde de cet opus qui est imparable. Avec ce Watching From A Distance, Warning s’est fendu d’un opus parfait, d’une noirceur et d’une tristesse absolues, reléguant moult formations bien plus extrêmes à de simples amusements. Car ce qui fait sans doute la différence chez cette formation, c’est cette sincérité et cette excellente complémentarité entre ce chant plaintif, sans sombrer dans le ridicule, et cette forme de vide que mettent en exergue les excellents riffs disséminés tout le long de ce disque, à ceci près que l’on n’est pas au bord du gouffre, mais bien à l’intérieur de celui-ci et sans possibilités d’en sortir. L’on ne peut rester indifférent devant une telle mise à nue de ses sentiments, devant autant de splendeur, car au-delà de la désespérance et de l’affliction qui sont exprimées sur ces cinquante minutes, il y a une forme de beauté derrière tout ceci, de celle que l’on peut percevoir au-delà de la désolation et de la grisaille, quelque chose que seule une personne qui a souffert peut finalement exprimer le mieux et se faire comprendre par les autres. Il y a de cela aussi dans ce Watching From A Distance, seul et unique album de cette trempe, un épitomé du genre et un album inusable.
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