"Make Earache Grind Again."
Cette devise, floquée sur des casquettes d'un goût délicieusement douteux, laissait présager le meilleur quant au retour de Wormrot. D'une part, parce que depuis sa genèse en 2007, le trio de Singapour s'est fait le pourvoyeur en règle de disques aussi régressifs qu'efficaces : blast-beat à foison, titres de quelques secondes... Et d'autre part, parce que le groupe a bien failli s'arrêter en pleine force de l'âge, après deux albums exceptionnels : un
hiatus présenté comme un véritable et définitif split (coucou Nails), de longs mois sans nouvelles, quelques timides répétitions... Puis l'annonce d'un nouveau
full-length qui promettait de casser les bouches des sceptiques, avec un tout nouveau batteur, mais toujours la même et apparente envie de tout détruire sur son passage.
La formule utilisée par Wormrot
était (le temps utilisé ici est important) simple : Des albums coup-de-poing, des titres brefs mais intenses, un sens du riff tarabiscoté superposé à une batterie alternant cassures rythmiques et lignes véloces. Bref, un Grindcore sans aucune prise de tête, plus soucieux de pédaler tête dans le guidon que de dispenser un véritable message - et ce, même si certains titres pourraient me donner tort. On écoutait
"Abuse" et
"Dirge" pour retrouver le plaisir de la violence gratuite, celui de rire face à un titre de trois secondes où n'est poussé qu'un hurlement, celui d'être essoufflé à la place du batteur. Voilà pourquoi
"Voices" s'impose comme une belle déception, doublée d'une évolution ratée.
Je n'ai strictement rien contre les groupes qui prennent des risques et cherchent à faire évoluer leurs compositions et leur son (surtout dans le cas du Grindcore, Ô combien répétitif), dès lors que cette évolution est correctement effectuée. Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi Wormrot abandonne un peu trop de ce qui permettait à l'auditeur de le différencier du reste de la masse, au profit de compositions complètement
lambda. Adieu les disques sans temps mort,
"Voices" emprunte plus aux milliers de groupes qui tètent encore les mamelles de Converge qu'aux fiers représentants d'un Grindcore farouche. Il suffit d'écouter "Outworn", titre de clôture qui synthétise bien le syndrome
"Voices" : les rappels des heures dorées de Wormrot sont systématiquement fauchés en plein élan au profit de plans vus et revus dans d'autres styles (ici, une sorte de riff presque
Screamo où Arif imite Titeuf à la perfection). Une noirceur artificielle, tellement forcée qu'elle en devient gênante, se dégage de chaque détour "inédit" des compositions de l'album : le deuil de Biquette
* est-il si difficile à porter ?
La
tracklist est assez facile à diviser : pour dix titres dans la plus pure et convaincante tradition, dix autres titres sonnent comme presque n'importe quel autre groupe de
Chaotic Hardcore. Pourtant,
"Voices" comporte quelques pépites qui sonnent "neuf" et sont très convaincantes : "Oblivious Mess" et son ouverture grave, sonnant presque
Black, "Shallow Standards" en forme de mélange parfait de l'ancien et du Wormrot-nouveau dans la texture des riffs... Et puis il y a le reste. Les titres péniblement étirés comme pour faire durer un peu plus le disque ("Buried the Sun", "Compassion is Dead"), le riffing post-Hardcore qui n'a rien à faire ici ("Hollow Roots"). Fort heureusement pour nous, Wormrot n'oublie pas d'où il vient et en garde suffisamment sous le pied pour parvenir à mieux faire passer la pilule : "God's in His Heaven" et ce riffing bourdonnant, tournoyant, les mids fracassants de "Fallen Into Disuse"... Mais rien ne semble aussi naturel qu'avant.
La faute à un son trop lisse, trop policé (
"Dirge" et
"Abuse" possédaient un son juste ce qu'il fallait de crado pour ajouter à leur atmosphère), la faute à des compositions qui se retrouvent presque calibrées pour plaire, moins inspirées qu'avant, plus soucieuses de tartiner en longueur que d'envoyer le bois.
"Voices" me donne l'impression d'être vraiment trop forcé pour être aussi simple et honnête que ses grands frères - auxquels je vous renvoie si vous découvrez le groupe avec cette chronique. Wormrot, malheureusement, rejoint Magrudergrind au banc des pétards mouillés de l'année. Si tout n'est pas à jeter, il manque la petite étincelle de sincérité et de gratuité qui faisait tout le charme du groupe auparavant.
"Voices" plaira plus aux amateurs de musique
"extrême mais pas trop" qu'aux fans et du groupe, et de Grindcore enragé.
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