Il y a trois ans, je partageais mon amertume concernant
"Voices", le dernier album de Wormrot. Un trio pour lequel j'ai toujours eu un profond respect, car efficace, intègre, incarnant à lui tout seul la notion de
DIY si chère au genre. Et pour le coup, lui s'est vraiment fait tout seul ! Qui aurait pu croire qu'un groupe de Grindcore de Singapour signe un jour chez le géant des géants, Earache ? Pas grand monde. Et pourtant, le label a eu le nez creux... Wormrot aura comblé les fans de Grindcore du monde entier, tour à tour avec
"Abuse", qui souffle ses dix bougies cette année, puis
"Dirge" (2011), autre bombinette décapante, soutenant ses sorties par force tournées mondiales... Avant de terminer sur un
"Voices", donc, qui m'aura grandement déçu, le groupe ayant choisi d'adoucir le propos, privilégiant les pseudo-ambiances quasi
Screamo au détriment de l'efficacité. Quand le Grindcore pédale dans la semoule, forcément, j'ai moins tendance à y revenir...
Je ne comprenais, et ne comprend toujours pas, comment le groupe responsable de deux albums incendiaires, bien partis pour devenir cultissimes, a pu ainsi appauvrir ce qui faisait tout son charme. Qu'il me paraissait loin, le temps d'
"Abuse"... La galette a peut-être dix ans, mais elle n'a perdu ni en impact, ni en agressivité. Bien au contraire, elle pourrait encore dispenser de belles petites leçons aux
rookies cherchant encore comment blaster efficacement. C'est qu'en à peine 22 minutes,
"Abuse" synthétise le concentré le plus pur, sans fioritures, de ce que je recherche dans un album de Grindcore. De la puissance, un chouïa de variété, des compositions courtes taillées pour chauffer le
pit, et surtout, du
feeling, tout en urgence et en débilité.
Dans un jus délicieusement cru, où surnagent à peine la caisse claire métallique malmenée par Fit et la voix mi-hystérique, mi-caverneuse d'Arif, Wormrot tabasse à tout crin, sur lit de cordes qui jonglent entre l'agression sonore la plus totale ("Indonesia", le bouillonnant "Shitlack") et le groove irrésistible, façonné pour la scène (l'hymne "Murder" à reprendre en choeur, la seconde moitié de "Freedom To Act"). Ce qui distingue
"Abuse" du reste du troupeau, au-delà de la sincérité du propos, c'est son côté "organique", que d'aucuns attribueront aux racines solidement
Punk du trio. Ce n'est pas toujours très carré, parfois même un peu bancal dans certaines transitions, mais ces menus défauts donnent une fraîcheur, une spontanéité à l'album qui font toute la différence. D'autant qu'à l'époque, déjà, l'heure était à la surenchère dans la production, la technique et la vitesse. Plutôt que de jouer plus fort et plus vite que ses petits copains, Wormrot mise tout sur la conviction et la férocité. Et ça marche du feu de Dieu ! Preuve en est, même dix ans plus tard, il y a encore quelques hurluberlus pour en parler...
Je doute fort que les amateurs de musique énervée lisant ces quelques lignes n'aient pas déjà écouté ce brûlot. A défaut de vous le faire (re)découvrir (et si vous ne connaissiez pas, foncez !), ce papier me permet de fêter dignement les dix ans d'
"Abuse", en espérant que le futur de Wormrot ressemble d'avantage à son passé. On peut toujours rêver...
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