Plusieurs constats se dressent d'eux-mêmes après de longues et attentives écoutes de
"180°".
"Ils s'en foutent complètement". Pour le coup, c'est la seule impression qui restera de l'album aux fans de Diapsiquir, à ceux qui étaient restés sur le derche devant la crasse et l'immoralité d'un
"A.N.T.I." ou la camisole de force qu'était
'Virus StN". Le grand gaillard et son acolyte ont laissé derrière eux Hélène, les cailloux chauffés et les fantasmes en culottes courtes.
"180°", retournement de veste en règle, raconte le passage d'un folklore satanico-comique à la révélation divine. Fini la provocation pédophile à deux francs (mais qui réussissait malgré tout à mettre même les plus endurcis mal à l'aise), le disque se fait plus franc, plus sincère, et bien plus personnel. Si la provocation idiote n'est jamais loin (l'introduction "Tabula Rasa"), grand virage a été effectué par Damien, passant des récits de séances de shoot à ceux de ses souvenirs d'enfance,
"longs voyages en Renault 6" ("Comédie Verticale") et ses épiphanies. Musicalement, plus grand chose de Black Metal,
"180°" empruntant plus à la variété qu'autre chose, mélangeant sans vergogne les styles et les influences, superposant les couches et les lignes, fatiguant de bout en bout. Damien et Pascal font ça pour eux, se foutent du reste, sans renier leur esthétique de conjugaison des genres les plus improbables, à la manière d'un Stupeflip (pour le bon) ou d'un Costes (pour le mauvais). Si la très belle pochette (de Yasmine Weiss
*) laissait présager un Toxik-épave, il n'en est rien. Soigné, désintoxiqué,
"cliché de l'ex-tox vers la Lumière" seulement habité par le Divin.
"Cet album me fait chier." Depuis sa réception, épluchant fiévreusement son livret (lui aussi plus sobre que celui de son grand frère), alignant les aspirines, impossible d'en avoir un avis définitif. Je suis partagé entre être bêtement déçu de
"180°", parce qu'il abandonne le sale pur et dur pour lorgner vers la beauté et les doutes presque enfantins; et en chanter les louanges, parce qu'il est une surprise, jamais là ou l'on attendrait les deux Parisiens, et surtout parce qu'il est d'une sincérité désarmante, loin de ce personnage de
bad boy camé jusqu'aux gencives que l'on imaginait depuis la genèse de Diapsiquir. Je suis à la fois forcé de reconnaître le travail de titan fourni sur les compositions (qui n'en sont même pas, l'album ayant été
"improvisé et raccommodé" dans la Cave du 18) et perdu par toutes ces expérimentations, pas toujours de très bon goût, ce manque cruel de déflagrations, d'accélérations violentes et de passages à vides totalement dénués d'espoir. A la fois béat d'admiration et complètement sceptique face aux textes, à mi-chemin entre l'exercice de cadavre exquis un peu débile ("Vitriol & Lithium") et les confessions intimes ("Banlieusard", "Credo"). Ce qui reste certain, c'est que l'album est fatiguant. Il en faut, de l'envie et de la motivation pour venir à bout de ses treize (
tiens tiens...) titres. Parce que...
"Ce truc ne ressemble à rien." Pour le meilleur et pour le pire, d'ailleurs.
"180°" est à l'image de son concept, il part dans tous les sens, des titres les plus expérimentaux, presque rap de dépressif dans l'âme (le très brouillon "Poussières et Postillons"), jusqu'aux embardées plus orthodoxes, tantôt très rock'n'roll (l'ouverture de "Vitriol & Lithium"), tantôt presque pop (l'ambitieux titre-éponyme et ses envolées vocodées).
"180°" fait n'importe quoi, Damien donnant presque l'image d'un gamin découvrant ProTools et s'amusant à tisser de grands patchworks musicaux, sans couplet, sans refrain, ni fil directeur - sauf sa propre rédemption. L'album est bourré de rappels au religieux, au-delà des textes, saupoudré de chœurs chrétiens (le bien-nommé "Credo"), mais également d'appels à l'enfance, par le biais de ces voix de gamins, synthétiques ("Après") ou bien complètement distordues ("Credo", encore une fois).
"180°" empile les artifices sonores, certains tombant comme des cheveux sur le
fix (la courte et superbe interlude de cordes classiques "Le Septième Thème"), d'autres qui prêtent à sourire car un peu faciles (le sample de Michel Berger suivi d'une minute de silence à la fin du titre portant le même nom), d'autres sortis de nulle part et qui dépareillent complètement avec le reste du titre (un fragment du "Where U Been" de 2 Chainz à la fin de "Banlieusard"). Diapsiquir réussit à sortir un album qui soit vraiment et authentiquement
inclassable, faisant presque tâche au sein d'une discographie qui a pourtant su briller par la prise de risque. Et on se fout que ce mélange d'influences abâtardies ait été mieux fait ailleurs et par d'autres : si l'on devait vraiment s'arrêter à ce genre de considération, on n'écouterait plus grand chose de neuf.
"Finalement, quoi dire là-dessus ?" Suivant les jours, j'oscille entre le 10 et le 0 pour tarifer ce nouveau forfait du Parisien. Tranchons maintenant, ce sera 7, à la fois raccord avec le travail titanesque fourni sur le fond et la forme, et avec la fièvre biblique nouvellement contractée par Toxik - communicative, écouter le disque d'une seule traite fait vraiment chauffer la cervelle. Heureusement que ce fourre-tout est annoncé comme le dernier de Diapsiquir. Parce qu'avec leur fâcheuse manie de vouloir aller toujours plus loin, dans le plus grand n'importe-quoi formel (ce qui tranche d'ailleurs avec la netteté de leurs concepts), Dieu seul pourrait avoir une idée de ce que le prochain nous réserverait.
"180°" est pénible, tout comme ce qu'il raconte. Plus qu'un objet musical, c'est une expérience. Si j'aurais aimé retrouver la noirceur, l'absence totale d'espoir et la violence d'un
"A.N.T.I.", je ne peux que reconnaître les nombreuses qualités de ce dernier Diapsiquir, transformant ses défauts en sincérité. Surprenant, pour les novices comme pour les amateurs - c'est déjà pas si mal.
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