Diapsiquir - Virus StN
Chronique
Diapsiquir Virus StN
Il y a des choses qu'on ne peut pas nier même en matière d'art, alors que c'est pourtant un des domaines les plus subjectifs du savoir de l'humanité. On aime ou on n'aime pas, mais toujours est-il que personne ne critiquera le talent de Léonard de Vinci, de Giacometti ou des premiers blues-mans noir-américains comme Blind Willie Johnson. Personne ne peut nier leur aura, leur talent et leur paire de couilles qui les ont forcés à pousser les choses plus loin. Pour moi Toxic H fait partie de cette infime catégorie de personnes : un observateur de son temps, un type qui est là, qui absorbe et qui ressort ce qu'il voit en musique. D'ailleurs puisqu'on en parle, vous remarquerez que « Virus StN » séduit des auditeurs de toutes contrées, qu'ils appartiennent aux fans de Black les plus intègres ou qu'ils n'aient rien à voir avec cette scène.
« Virus StN » est un disque qui frappe très fort la personne qui se penche dessus, à tel point que rarement le terme « marquant » aura été autant indiqué pour qualifier une œuvre musicale. Pour commencer observez un peu l'artwork avec ce collage totalement improbable où nous voyons des photographies urbaines toutes marquées du sceau de Diapsiquir. On remarquera aussi dans le livret très simpliste les photos des membres qui participent au disque : les ex-Arkhon, Kra Cillag, Meyhna'ch, A.K, Stephen de Kickback, etc... Même si ce casting ô combien prestigieux aiguise notre curiosité, pour l'instant rien ne prévoit vraiment ce qui va nous tomber dessus par la suite...
En fait, on se demande bien où va nous emmener Diapsiquir avec de disque. Si on se penche un tantinet sur le parcours du groupe, il sera facile de déceler un certain goût pour le changement : il n'y a en effet pas beaucoup de liens (thèmatiques ou musicaux) entre les démos du groupe (« Pacta Daemonium » et « Crasse » qui ressemblent fort aux démos de Peste Noire...) et le premier full-lenght sobrement intitulé « Lubie Satanique Dépravée » ou « L.S.D. » selon les cas... Parlons-en des cas tiens ! Toxic H. veut être dans Diapsiquir l'incarnation du crasseux, puant, paria, toxicomane et déviant sexuel... Bref, le parfait cas-social en somme, celui qu'on aime regarder dans la vitrine de NRJ12 en se disant « Ouf, je ne suis pas comme lui ». Le Black Metal est certes un style musical extrême, ça ne l'empêche pas d'en voir passer des vertes et des pas mûres tant au niveau de la pseudo-crédibilité régulièrement bafouée que du manque de travail musical. Si le premier point semblait directement acquis par le sieur Harmst (quand on connaît la réputation d'intégrité absolue de Kickback ou Arkhon Infaustus, on ne doute pas vraiment de l'envers du décor...), le deuxième est par contre un virage beaucoup plus difficile à négocier... D'accord, « L.S.D. » avait déjà fait une partie du travail en amont mais construire un univers musical qui réussit à retranscrire les choses les plus noires du monde sans se ridiculiser n'est pas chose aisée. Pour le dire avec d'autres mots, il ne fallait pas se planter en annonçant un tel concept.
Dans le jargon du bibliothécaire assistant spécialisé de classe supérieure que je potasse actuellement, on effectue parfois un « pilonnage » : une opération qui consiste à détruire le document dont on veut se débarrasser. Non sans rire, je ne place pas mes cours dans mes chroniques pour réviser en écrivant, c'est juste que nous sommes en plein dans ce que fait Diapsiquir : le groupe nous pilonne de A à Z. Voilà, détruire partiellement l'auditeur en lui faisant partager les vilains traits de caractère du grand méchant toxique qui nous sert de guide dans le monde qu'il a lui-même créé. Je crois qu'on peut dire que c'est ça « Virus StN ». Oui, nous n'avons aucun choix : soit nous rentrons sans peur dans l'univers douteux de Diapsiquir, soit nous restons hermétique à cent pour cent mais il n'y a certainement pas de juste milieu. Par la suite, ceux qui rentrerons dans le disque suivront le chemin tout tracé par les auteurs de cette tragi-comédie Black Metal. Malgré la grande variété des rythmes et des styles musicaux (parfois électronique, parfois Black, parfois post-Black, parfois Hardcore, etc...), l'opus se vit comme une prophétie qu'il est pratiquement impossible de contrecarrer. « My luck, my fate, my fortune... Virus StN, Inevitable » aurait certainement dit Brad Pitt à ce sujet.
Musicalement, nous sommes exactement dans la même optique jusqu'au-boutiste car il semble formellement interdit de se poser des questions du genre « Mais pourquoi y'a du piano là ? ». Même l'illogique est logique chez la clique parisienne et si l'on peut éventuellement être choqué par cette production, ce ne sera sûrement pas la musique qui sera remise en cause mais bel et bien les thèmes volontairement exprimés de manière crue et leur interprétation fondamentalement malsaine via des paroles excessivement directes. Meyhn'ach se débrouille d'ailleurs très bien à ce sujet, notamment sur le morceau « Diapsiquir », ce qui n'est pas une surprise quand on connaît le parcours de l'homme dans ses autres groupes. Ce qui n'est pas une surprise non plus, c'est de retrouver une qualité d’exécution musicale de haut-niveau (« Venin Intemporel Rouille Universelle Satan », « Le Mal avec un grand S »...) parce que faire de la musique cracra c'est bien mais faire de la musique cracra de qualité, c'est encore mieux. En même temps, avec le personnel recruté pour assurer les diverses parties de l’œuvre, il aurait été encore une fois assez surprenant de douter du potentiel technique présent ici... Encore un petit mot pour tenter de décrire cette introduction qui est tout simplement une des meilleures au monde et qui mélange Beethoven avec des samples provenant des anciens titres du groupe et une boîte à rythme électro... Vous êtes prévenus.
On a souvent coutume de dire que le Black Metal est le genre musical pratiqué dans les caves mais croyez-moi, Diapsiquir incarne dix fois plus ce concept de sous-terrain urbain que n'importe quel autre groupe du genre. Il paraît que certains ne badinent pas avec l'amour... moi, je crois que Diapsiquir ne badine pas avec Satan... Il paraît que certains l'aiment chaud... moi, je crois que Diapsiquir l'aime sale... Il paraît que les chiens ne font pas des chats... moi, je crois que Diapsiquir pond des hybrides par kilogrammes...
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