Throane - Derrière-Nous, La Lumière
Chronique
Throane Derrière-Nous, La Lumière
Souvent les chroniqueurs et chroniqueuses partent avec des a priori selon le style, l'artwork ou encore les musiciens évoluant dans une formation. Et, face à la vague constante de promotions, le tri se fait rapidement souvent sans même une écoute – ne serait-ce que d'un titre – au compteur. Imaginez le temps qu'il faudrait pour tout décortiquer, entre les sorties attendues et les propres découvertes dénichées à droite à gauche : impossible (à moins d'être un/e gros/se autiste). Il arrive également que l'on se braque en se faisant déjà sa propre idée sur la musique que l'on va découvrir : « Trop bourrin pour moi », « Trop mou », « Pas mon genre à tous les coups », la liste est longue. C'est d'ailleurs ce qu'il s'est un peu passé avec Throane, projet de Dehn Sora (illustrateur et musicien reconnu : Ovtrenoir, Sembler Deah et Treha Sektori) : « Je vais trouver ça beau mais ça va vite m'ennuyer ». Heureusement que le nom de Dehn Sora couplé au label Debemur Morti, à Cortez (l'album ayant été produit par Grégoire Quartier et Samuel Vaney, ce dernier s'étant aussi chargé du mixage et du mastering) ainsi qu'un bel artwork sentencieux auront réussi à me faire franchir le pas.
Heureusement, car d'une lecture qui se devait être distraite et écourtée, c'est finalement tout l'album qui a défilé sans avoir le temps de crier ouf : « Ah oui, quand même ! ». Alors certes, les groupes cités afin de décrire Derrière Nous La Lumière – dans le texte accompagnant le lien promotionnel – avaient de quoi faire rêver (Blut Aus Nord, Neurosis, Godflesh...). Cependant, comme écrit dans la chronique de Ultha, le Post-Black Metal est à prendre avec des pincettes de mon côté. Un style qui joue beaucoup sur les ambiances ainsi que le ressenti et dont peu de groupes arrivent à véritablement m'émouvoir (les trouvant généralement trop « froids » ou « lisses »). Mais l'univers de Throane a su me toucher et ce dès la première écoute. Enfin, plus frapper d'ailleurs que toucher tant les paysages dessinés vous remuent les tripes avec une musique à la fois sombre, rugueuse et très esthétique (renvoyant effectivement à Blut Aus Nord). Une bande-son cinématographique illustrant vos démons intérieurs, en y dévoilant chaque parcelle et chaque faille afin de mieux appuyer là où ça fait mal. À l'image de la photographie ornant la pochette, ou de doigts remuant dans une blessure, les sonorités lancinantes ondulent et vous font courber l'échine au gré des minutes. Alternant passages rythmés – faisant glisser la lame sur la peau – et parties lentes introspectives, Dehn Sora déroule tout un nuancier de noir sous vos yeux. Cette œuvre suinte le nihilisme avec des lignes de guitares éprouvantes ainsi qu'un chant arraché tantôt poignant tantôt dérangeant, de par sa bestialité comme sur « Aussi Féroces Que Nous Repentons ». Des vocaux – avec réverbération et/ou effets – qui ont un rôle d'agrément ici, en retrait et difficiles à décrypter.
Cependant le temps vous laisse entrevoir quelques subtilités, faisant de Derrière Nous La Lumière autre chose qu'une dévoreuse d'âmes ou une jolie bulle abstraite et minimaliste. Ce longue-durée très personnel se révèle moins égocentré qu'il n'y paraît, laissant un champ d'interprétation assez large et invitant l'auditeur/rice au questionnement. Beaucoup de symboles et d'idées s'entrechoquent et accompagnent votre écoute : l'Ouroboros ou encore le lien ténu entre « fin » et « commencement ». Vous vous immergerez pleinement dans ce décor aride, décelant certaines nuances de gris surgissant dans cet aplat de noir : la petite note d'espoir sur « Contre Terre », des riffs se révélant obsédants (« Sortez Vos Lames, Que Nous Perdions Nos Poings ») mais aussi l'aspect très brumeux et éthéré (cf. « Nous Blâmons La Tempête De Nous Avoir Laissés En Plaies »). Une nouvelle approche et une mise en abyme qui est notamment facilité grâce à l’inscription des paroles dans le digipack. Néanmoins, c'est surtout le gros travail effectué au niveau du son, avec cette production à la fois soignée, moderne et organique, qui met en relief les différents contrastes relevés au fil des écoutes (et propre à chacun/e) : noirceur/incandescence, humanité/sauvagerie ou encore espoir/fatalité. Du relief à vous donner envie de toucher, comme si notre homme souhaitait donner vie à sa musique, la rendre palpable – tel, une nouvelle fois, l'artwork. Les moindres arrangements sont en effet magnifiés sur cet album, de ces explosions de violence (« A Cette Chute ») en passant par des vocaux variés et prenant, les ambiances spectrales et aériennes (comme sur le morceau titre) jusqu'aux percussions prenant un tour davantage tribal sur certains titres (« Sortez Vos Lames, Que Nous Perdions Nos Poings »).
Dehn Sora vous offre une courte plongée (31 minutes) en eaux troubles avec un Derrière Nous La Lumière singulier, brassant diverses influences et les incorporant à merveille dans son propre univers. Un album qui tient en haleine malgré quelques moments de flottement (en particulier sur « Contre Terre ») et qui saura contenter les fans de Post-Black Metal tout comme les amateurs/rices de sonorités noires et au fort pouvoir d'évocation.
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