Certaines rencontres, qu'elles soient fortuites ou forcées, peuvent vous émouvoir. Et, celle faite avec Throane en 2016, lors de la sortie de son premier album, m'avait quelque peu marquée. Car ce qui ne devait être qu'une brise passagère s'est finalement révélée une ondée persistante. Un flot glacé et continu qui sert de toile de fond à l'univers singulier du projet, noir, viscéral mais très esthétique.
Derrière-Nous, La Lumière agissait tel un uppercut, laissant hagard et le souffle court. Mais à peine le temps de se remettre sur pied que Dehn Sora revient, un an plus tard, avec
Plus Une Main A Mordre – second long format aux allures de chape de plomb.
L'étincelle vacillait, fragile, pour finalement s'éteindre sur le premier chapitre. C'est désormais dans les ténèbres que vous avancez seul et à tâtons. Des ténèbres familières tant
Derrière-Nous, La Lumière en dessinait les contours. Toujours les mêmes atmosphères à la fois élégantes et torturées, glissant délicatement sur votre peau telles des lames affûtées. Throane continue d’extérioriser ses démons, expulsant sa rage avec tout ce qu'elle contient de tension et de douleur. Celle-ci va d'ailleurs vous exploser littéralement à la figure sans crier gare dès les premières minutes de « Aux Tirs Et Aux Traits ». Des explosions plus régulières, incisives et gagnant en impact qui vous figent sur place dans une moiteur froide comme sur le punitif « Mille Autres ». Le couperet tombe, implacable, la voix grondante – en retrait dans le mix – et limite inhumaine de Dehn Sora jaillissant dans l'obscurité. Vous suivez les échos, tendant les bras afin de pouvoir trouver un quelconque appui pouvant vous rassurer un tant soit peu dans ce néant.
"Le corps que nous traînons en enfer, c'est le nôtre, tout ce que nous avons été, le poids de cela, que nous tirons à reculons sans voir où nous allons, exactement comme de notre vivant. Sans orientation, aveugles, inutiles. Nos souffrances ne menant à rien, refusant de prendre un sens. Rien que cette traction."
Plus Une Main A Mordre se vit comme une histoire, de l'introduction accrocheuse aux titres plantant le sombre décor – chacun étant une marche à gravir. Une progression éreintante tantôt rythmée par une batterie clinique et massive (parfaitement tenue par Grégoire Quartier, membre de Cortez), tantôt portée par des ambiances outrenoir fleurant bon le soufre (cf. le sinueux « Aux Tirs Et Aux Traits »). La production – toujours peaufinée par Samuel Vaney (Cortez, Muhd) – vient une nouvelle fois embellir les compostions en accentuant leur côté tranchant et en mettant en relief les divers éléments et effets. Tout est savamment calculé, dosé, offrant un contraste avec certaines parties très instinctives ainsi que les émotions dégagées. Un fait – et gros point fort – déjà perçu sur le précédent album qui est davantage approfondi ici, pour le meilleur. Outre le fait de vous plonger dans un liquide glacé et dense, la musique de Throane vous questionne et vous trouble au fil des écoutes par ce jeu d'opposition. Car le rendu frappe par son homogénéité et sa fluidité avec un son moderne, métallique et indus, des passages dark ambient racés (comme sur le début de « À Trop Réclamer Les vers »), des lignes de guitares dissonantes – renvoyant à Blut Aus Nord –, des plaintes et vocaux aussi monstrueux que malsains (« Et Ceux En lesquels Ils Croyaient... »), des éclats de voix plus humains ou encore des mid/low tempos brumeux et cinématographiques (« Et Tout Finira Par Chuter », par exemple).
Effrayant mais extrêmement beau et captivant. Voilà comment pourrait être décrit, en quelques mots, ce long format. Des mots qui fusent lorsque la fin approche avec l'enchaînement magistral « Mille Autres »/ « Plus Une Main À Mordre ». Une montée crescendo dans la puissance et l'âpreté, dont le morceau titre constitue la plus belle pièce et réussite du disque – par la variation et le semblant de fragilité distillés par les invités de marque et notamment le chant de Colin H van Eeckhout. Une illumination fugace parmi d'autres dans cet abîme qui ne suffira pas à effacer le malaise et la noirceur ambiants instaurés par Throane, qui délivre ici une œuvre encore plus profonde, personnelle, noire et corrosive.
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