Le groupe chinois obscur aux membres masqués n’est plus. Les rumeurs sur ses origines ont poussé Ghost Bath a dévoilé ses visages occidentaux de Dakota du Nord peu après la sortie de la surprise
Moonlover. Les diffusions sur les réseaux sociaux du hit « Golden Number » (au clip atroce nous en conviendrons) et les louanges des critiques spécialisées (Thrashocore inclus) de leur deuxième album auront fait des Américains la nouvelle coqueluche post-black après Deafheaven. Une « hype » qui leur vaudra carrément une signature chez le mastodonte Nuclear Blast (outre-Atlantique, Northen Silence demeure pour l’Europe) ou de faire la tournée anglaise de Katatonia et de passer entre autres cet été au Hellfest. Oui la machine est bien lancée.
Deux années ont passé depuis
Moonlover, première partie de son concept de trilogie portée sur la mélancolie, le chagrin, la Terre, le purgatoire et la tragédie (dixit la fiche promo du groupe). Ce deuxième opus
Starmourner aura cette fois des thèmes antonymes : la joie, le cosmos, le paradis et l’extase (livret de 28 pages accompagnant la galette à l’appui). Méfiant quant à cette éventuelle tournure « bisounours » pour gambader nu (et pourquoi pas ?) dans les champs ? Les Américains rassurent malgré tout leur auditoire, son aspect dépressif lui reste toujours présent.
« Rassuré », enfin pas vraiment… Le premier extrait dévoilé en avant-première « Thrones » fera office de douche glacée (idem pour « Ambrosial », j’y reviendrai plus bas), la découverte sera donc plutôt craintive. Mais au-delà de l’objet, après quelques morceaux on comprendra que Ghost Bath ne se fout pas de son nouveau public et aura bossé sa copie. Des compositions aux structures, riffs et rythmiques clairement plusieurs crans au-dessus de
Moonlover parachevées par un passage d’un format de 42 minutes à 1h10 (soit quasiment le double !). Il vous faudra donc plusieurs « replay » avant de pouvoir cerner la galette et déceler les nombreux arrangements proposés (effets et nappes en sus) par la tête pensante 丹尼斯 (Dennis Mikula de son vrai nom). Des écoutes sans trop d’effort car Ghost Bath prône une musique « directe » et range sa production « raw » pour quelque chose de nettement plus propret (guitares au son compressé) et robuste. Un mur de guitares (basse vrombissante incluse) mais surtout un matraquage de fûts assez impressionnant de brutalité (peu de nuance) et de vélocité (l’intro de « Elysian » pour tester son matériel hifi). « Exit » la précédente B.A.R (bien que remarquablement programmée) pour un jeu intense d’un réel batteur (blast-beats et double pédale à profusion) qui ne se calmera que sur les breaks et les interludes.
Au gré de la thématique « radieuse » de ce
Starmourner, le socle mélodique d’un « Golden Number » devient ainsi l’artère principale de la musique des Américains. Un contraste lumineux/mélancolique penchant désormais fortement d’un côté et soutenu par des mélodies chaudes en tremolo taillées pour agripper le tympan. Et l’accroche fonctionne ! « Seraphic », l’imparable « Ethereal », « Celestial », « Luminescence », « Elysian »… Vous devriez y trouver votre compte par rapport au précédent opus mais non sans quelques grincements je vous préviens. Des riffs parfois à la limite « hors sujet » (Blink-182 sur « Celestial » à 1:35 ?), je suis plutôt ouvert sur cet aspect mais peux comprendre la nausée de quelques-uns sur certains passages « arc-en-ciel à paillettes » (« japonisant » même selon quelques retours, ce n’est pas faux) et particulièrement sur l’outrancier « Thrones ». Ghost Bath a voulu retenter le coup du tube mélodique en calquant « Golden Number » mais cette fois sur une mélodie arrivant comme un gros poil de pubis sur la soupe à 1:31 (hum vous visualisez la chose)… Tellement grossier qu’avec le chant dépressif en fond cela en devient comique. Les commentaires YouTube n’ont d’ailleurs pas été tendres.... Ratage complet à retirer et bien heureusement contrebalancé par le reste.
Quid des émotions prenantes de
Moonlover alors ? L’étiquette « dépressif » semble galvauder, seuls les hurlements typiques du style (entre aliénés façon Austere/Silencer et screamo) subsistent mais dorénavant sous-mixés (encore plus inaudibles). Derrière ce son « lissé », il y a comme quelque chose qui ne colle pas, je ne ressens rien… De facto pour les sensations il faudra se tourner vers les interludes instrumentaux atmosphériques et les montées en puissance pointant les références post-rock (empruntant même au shoegaze) du milieu des années 2000 (Explosions In The Sky, This Will Destroy You, Caspian, Hammock…). Les néophytes du genre seront plutôt charmés par l’offrande (non je ne vise aucun autre webzine balançant des gros 9,5/10…), mais de mon côté nous sommes assez loin des adjectifs planant et touchant de ces pierres angulaires. Cela reste assez bien ficelé mais si convenu… Si vous mettez de côté ces aspects là, vous retrouverez les tares antérieures, du remplissage un peu plat et quelconque (« Ambrosial », « Thrones », « Cherubim » ou « Principalities »).
Réponse en partie aux adorateurs de « Golden Number »,
Starmourner pousse les aspects mélodiques et atmosphériques de Ghost Bath à un niveau supérieur. Comme un compromis pour ceux trouvant Alcest trop mièvre ou ceux réfractaires au black « lo-fi » de Woods Of Desolation… Malheureusement sans la qualité de ces derniers. Les Américains proposent certes des compositions riches et accrocheuses mais si synthétiques et prévisibles. Les passages simples et poignants de
Moonlover sont gommés au profit d’une musique s’engouffrant dans une sorte de progressif prétentieux (« album concept » compris) et inégal. Un album qui se fond dans la masse post-black et donnera d’avantage envie de ressortir ses classiques post-rock ou black dépressif. Le voyage vers les étoiles ne sera pas pour 2017, une déception après tant de promesses.
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