Implore - Subjugate
Chronique
Implore Subjugate
Implore, un groupe jeune ? Certes, mais "Subjugate" est loin d'être son coup d'essai. En cinq années d'existence, les teutons sont déjà les fiers parents de trois EPs (dont le très bon "Thanatos", sorti l'année dernière), d'un split, ainsi que d'un full-length, "Depopulation", jeté à la face du monde apeuré par Pelagic Records en 2015. Le trio a la niaque, et ça se sent. Jamais le dernier à monter dans le tour-bus pour défendre son art à la fois engagé, et peu engageant pour de chastes oreilles : une mixture sans aucun compromis de rythmiques Punk bien croûteuses, la sauvagerie du Grindcore le plus abrasif, avec des relents presque dissonants, et toujours vicieux, directement empruntés au Black Metal. "Blackened Grind/Crust/Death Metal", l'étiquette est à rallonge : paradoxal pour un groupe qui n'a jamais dévié de sa ligne de conduite - pourquoi tourner autour du pot en fioritures interminables quand l'essentiel peut être rapidement résumé ?
Chaque amateur de musique crasseuse et véloce trouvera dans la dernière livraison des Allemands de quoi se repaître. Que vous cherchiez de la haine au kilo contre le Grand Capital et ses travers, un exutoire à tous vos problèmes personnels ou la simple étincelle vous donnant un prétexte pour réduire votre mobilier en copeaux à grands coups de lattes, "Subjugate" saura, sans trop de mal, répondre à vos envies du moment. Implore vient consoler les afficionados du style qui trouvaient que l'année 2017 manquait de blast-beats qui tâchent et de pits fleurant bon la sueur et le sang, en leur offrant une cour de récréation de trentre-trois minutes.
Si d'aucuns affirment, et à raison, que le Grindcore est répétitif, Implore semblait avoir trouvé la parade, le grand verre de tord-boyau pour mieux faire passer la pilule : aller piocher ce qui se fait de meilleur à droite et à gauche, sans perdre de vue sa préoccupation majeure, celle de lyncher l'auditeur. Influences multiples, servies par un son toujours aussi massif, mettant un peu de côté le baveux, le dégoulinant, pour se transformer en un mur compact que l'on croirait emprunté à Rotten Sound ou à l'excellent "Shift" des parrains de Nasum. L'analogie ne s'arrête pas là, car l'ombre des plus grands noms du style plane sur la totalité des titres de "Subjugate"... Avec quelques surprises, pas forcément toujours bien intégrées à l'ensemble : "Paradox", ses cordes qui s'emballent et ses rythmes syncopés semblent tout droit empruntés à Converge, ce qui, en plein milieu d'un disque aussi brut, dénature un peu l'ensemble - petite faute de goût regrettable, car un morceau comme "Patterns to Follow" amalgame parfaitement le Jacob et le Mieszko.
Petit écueil que l'on oublie bien vite, tant "Subjugate" peut nous régaler de ce que l'on est venu y chercher : de la fureur, de l'urgence, de l'hémoglobine... Sans oublier son penchant certain pour le macabre et le fatalisme - à l'image, comme d'habitude, de sa pochette délavée, . L'uppercut que l'on pensait tracé tout droit jusqu'à nos mâchoires se permet parfois quelques petits détours loin d'être désagréables, apportant un supplément d'atmosphère à un disque qui, s'il était déjà, de base, un excellent bourre-pif, se paye en plus le luxe de se révéler plus profond. "Ecocide", titre purement instrumental ou la seule piste vocale se réduit à un sample, n'aurait fait tâche ni sur un disque de Black Metal, ni en bande-originale d'une dystopie trônant fièrement dans les bacs à DVD de votre discount local. Riff d'ouverture dissonant au possible, batterie tentaculaire alternant entre les trois frappes ritualistes et la double-pédale qui s'emballe, cordes abyssales, inquiétantes... J'en viendrais même à regretter que cette composition soit la seule de son espèce au milieu du lynchage.
Parce qu'on a beau dire, mais malgré tout l'amour que l'on peut porter au style, il reste très, très difficile d'accoucher d'un disque de Grindcore dépassant la demie-heure et parvenant à maintenir l'attention de son auditeur de façon constante. "Subjugate" ne fait, malheureusement, pas exception à la règle et tombe dans le piège... en s'y jetant tête la première. Même avec les meilleures intentions du monde et sa volonté de ne pas se contenter de rester le pied vissé au plancher tout au long de ses 14 titres, Implore finit, immanquablement par lasser. Parce qu'il me donne un peu l'impression d'être le derrière entre deux chaises, à ne pas avoir voulu trancher : pas assez bêtement violent pour étourdir et faire oublier sa durée (on en connaît, des disques de Powerviolence qui ne dévient jamais et que l'on ressort toujours avec plaisir), sans pour autant être suffisamment varié et ambitieux pour accrocher les oreilles de façon constante.
Malgré ses longueurs, ses influences pas forcément toujours bien digérées, "Subjugate" reste une sortie qui mérite qu'on s'y intéresse. Pour son ton très énervé, ses compositions bien senties comme pour le chant arraché, forcé de Gabriel Dubko qui colle parfaitement à l'atmosphère distillée tout au long de ses morceaux. Affaire à suivre pour les uns, et groupe à découvrir pour les autres.
| Sagamore 23 Septembre 2017 - 1618 lectures |
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