Aorlhac - L’Esprit Des Vents
Chronique
Aorlhac L’Esprit Des Vents
Près de huit longues années auront été nécessaires aux gens d’Aorlhac pour donner une suite à La Cité Des Vents, deuxième album paru en 2010 sous le sceau du label français Those Opposed Records. En dépit d’une renommée certaine dans nos territoires et surtout d’un savoir-faire indiscutable, personne n’avait jugé utile jusqu’à présent de chroniquer ici-bas les travaux de ces Auvergnats pourtant plein de promesses.
Quoi qu’il en soit, c’est à l’abri des regards, reclus dans ces belles cités du massif central (Aurillac et Saint-Flour) perchées à plusieurs centaines de mètres d’altitude et battues par un vent glacial érigé depuis leurs débuts comme un membre à part entière, qu’Aorlhac a fini par accoucher de ce troisième album que beaucoup n‘espéraient plus. Intitulé L’Esprit Des Vents, celui qui vient clore une trilogie débutée en 2007 avec À La Croisée Des Vents, est sorti sous le giron du label Les Acteurs De l’Ombre. Une collaboration qui apparaît aujourd’hui comme quelque chose de tout à fait naturel voir même évident tant le groupe et le label partagent une certaine vision commune.
Présenté sous la forme d’un très joli digipack, L’Esprit Des Vents a été illustré par le Français Stan W. Decker. Principalement connu pour ses travaux pour Vanden Plas, Primal Fear, Masterplan, ADX, Killers ou bien encore Vulcain, il a aussi collaboré avec des groupes qui me parlent davantage tels qu’Ataraxie et Nephren-Ka. En tout cas plus épuré et beaucoup moins tape à l’œil que l’artwork du dernier Victorius qu’il a également signé (et qui pour le coup vaut vraiment le coup d’œil), on retrouve ici certains des éléments chers aux musiciens d’Aorlhac à commencer par ces forêts et ces montagnes qui composent en grande partie l’Auvergne ainsi que cette croix cléchée, emblème de l’Occitanie.
Fier représentant de sa région, de ses traditions, de son histoire, de ses légendes et de sa langue, Aorlhac a toujours eu à cœur de mettre en avant ce patrimoine culturel et historique. Il faut dire qu’il y a dans ces contes, mythes et autres faits avérés suffisamment de matière pour embarquer l’auditeur dans ces temps plus anciens. Aorlhac aborde ainsi dans les compositions de ce troisième album des thèmes tels que la révolte des Tuchins débutée en 1363 en Auvergne pour protester contre des impôts jugés beaucoup trop élevés. La légende de la Saurimonde, personnage considéré selon les endroits comme une fée ou bien comme une créature démoniaque capable de prendre les traits d’une enfant tout à fait innocente. Mais aussi les histoires d’Antoine-Victor Mornac, bandit auvergnat ayant passé une bonne partie de sa vie en prison pour avoir tué, agressé et volé de nombreuses personnes (femme et commerçants) ou bien encore de Louis Mandrin auto-proclamé "capitaine général de contrebandiers de France" qui durant plusieurs années va lutter avec ses hommes contre les nombreux abus perpétrés par la Ferme Générale. De véritables petits moments d’histoires mis en musique par un groupe qui va évidemment choisir la langue française pour s’exprimer ainsi que l’occitan en de très rares occasions ("L’Ora Es Vanguda"), le groupe avouant lui-même être encore très loin d’en maîtriser toutes les subtilités).
Vous allez me dire que tout cela n’est que palabres inutiles. Pourtant, tous ces éléments évoqués plus haut concourent selon moi à l’appréciation que l’on peut se faire d’un album. En portant autant de soin à son univers, Aorlhac continue ainsi d’affirmer cette identité qui depuis 2008 en fait un groupe plutôt à part dans le paysage hexagonal aux côtés d’autres formations telles que Darkenhöld ou Sühnopfer. Et si d’un point de vue strictement musical son approche peut sembler plus convenue (les scènes norvégiennes et finlandaises pour inspirations principales), cela n’empêche pas pour autant les Français d’exceller dans tout ce qu’ils font. Cet enthousiasme à l’égard de L’Esprit Des Vents, on le doit donc également au caractère particulièrement épique de ses compositions. Comment ne pas être séduit ni même touché par toutes les émotions que ces mélodies tentent de transmettre ? Servi par une production équilibrée et pleine de panache signée NKS, chaque instrument trouve à s’exprimer pleinement et distinctement afin de délivrer de délicieuses et poignantes atmosphères empreintes d’images médiévales, de paysages grandioses et époustouflants, de rencontres entre l’homme et la nature, d’histoires plus ou moins légendaires à vous glacer les sangs ou à vous donner du courage… Et si le corps reste posé confortablement dans le canapé où bien allongé sur le lit, la tête, elle, est déjà loin, très loin. Un travail mélodique sur les guitares absolument remarquable qui vous procurera de véritables frissons tout au long de ces cinquante-sept minutes ("Alderica" à 1:01 et 3:48, les premières secondes de "La Révolte Des Tuchins" suivi plus tard par ce solo, cette mélodie entêtante ainsi que cette séquence entamée à partir de 4:02 sur "Infâme Saurimonde" (où le groupe va d’ailleurs faire usage d’une vielle à roue), "Ode À La Croix Cléchée" à 0:40 et puis surtout à compter de 1:56, "1802-1869 | Les Méfaits De Mornac" à 1:02 ainsi que ce joli passage acoustique, la conclusion aux sonorités très Heavy Metal de "Mandrin, l’Enfant Perdu" et encore plein d’autres moments que je ne vais pas tous vous citer...).
Mais les guitares ne sont pas les seules à nourrir le caractère mélodique et épique de ces compositions. Il serait ainsi injuste de ne pas évoquer les qualités de chanteur de Spellbound qui tout au long de l’album va multiplier les moments de bravoures et surtout faire preuve de l’étendue de ses capacités vocales. Je ne sais pas comment ont été enregistré les voix mais on a souvent le sentiment que le chant est ici doublé afin d’en renforcer l’impact et de lui donner des airs de général de guerre en marche pour la bataille. Si le chant est essentiellement crié avec énormément de conviction et même beaucoup de désespoir et d’amertume, Spellbound sait amener parfois davantage de profondeur en n’hésitant pas à growler (comme sur "La Procession Des Trépassés") et à l’inverse à faire preuve de beaucoup plus de fragilité et d’humanité lors de ces brefs moments en voix claire ("Alderica" à 4:22, "Une Vie De Reclus" à 3:12).
Epaulé par un Ardraos impérial du début à la fin, que ce soit dans les nombreux moments menés tambour battant ou bien dans ces instants plus fugaces où le groupe va rompre avec ces assauts héroïques (ce putain de break inspiré par Taake sur "Mandrin, l’Enfant Perdu"), Aorlhac vient d’accoucher aujourd’hui de son meilleur album à ce jour. Plus de sept années auront été nécessaires pour en arriver là mais le jeu en valait clairement la chandelle. Maîtrisé de bout en bout, ultra efficace et en même temps gorgé d’émotions particulièrement puissantes et sincères, L’Esprit Des Vents est un album qui marquera, j’en suis sûr, le Black Metal hexagonal. En tout cas, si ses deux prédécesseurs n’étaient pas exempts de défauts, ce troisième album vient balayer d’un revers de main tous les attentes qu’il y avait à son sujet et se pose désormais comme l’une des références en la matière. Absolument magnifique.
| AxGxB 28 Février 2018 - 6212 lectures |
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