Iphicrate - Résurgence
Chronique
Iphicrate Résurgence (EP)
Depuis quelques temps la France connaît un curieux phénomène de résurrection de formations obscures qui après un très long sommeil reviennent à la vie, si PUTRID OFFAL est l’exemple le plus connu récemment on peut aussi citer les nordistes de SEPULCHRAL ou les normands d’IPHICRATE, ces derniers revenants aux affaires après vingt ans de silence radio. Ayant sorti à l’époque trois démos entre 1994 et 1997 le combo du Calvados a ensuite disparu des écrans radar avant de refaire parler de lui en 2016, où une compilation opportune laissait supposer que du nouveau matos verrait le jour, ce qui s’est effectivement produit. Comme il n’est jamais trop tard pour se remettre dans le bain, et que les exemples de come-back réussis sont nombreux, le groupe officiant désormais sous forme de duo a décidé de franchir un cap et de s’activer sur un EP qui sent bon la nostalgie et tourne toujours autour d’un Black-Metal aux accents scandinaves et vikings, et qui est réussi à plus d’un titre.
Car pendant un peu plus de vingt minutes on va être complètement absorbé par cette musique très simple techniquement mais d’une efficacité imparable, cela commence dès l’introduction particulièrement sombre qui sert de tremplin pour « Altération » très froid et neigeux, et aux accents doomesques prononcés, qui démarre lentement mais sûrement pour mieux laisser l’auditeur appréhender les paroles d’une grande qualité d’écriture. Celles-ci imprégnées par l’âme de la nature et des forêts nous emmènent aussi bien dans les sous-bois à l’automne, que dans une réflexion mélancolique où se mêlent tristesse et solitude, mais où l’espoir est néanmoins toujours présent. Ce dernier point est mis en avant sur cette compo par une explosion de blast (qui succèdent à ce long passage au ralenti) puis par des parties rapides à la double aux accents guerriers et frondeurs, avant que le désespoir et la noirceur ne reviennent conclure les débats de la même façon qu’ils avaient débuté un peu plus tôt, pour un résultat d’une grande variété et addictif. Ça sera d’ailleurs une constante tout du long, et ça ne va faiblir à aucun moment, comme avec « Résurgence » qui laisse plus de place à la vitesse et à la hargne que le morceau précédent, mais qui n’oublie pas de ralentir et d’accélérer quand il le faut, permettant ainsi de gagner encore plus en densité et d’offrir un rendu épique à mort ! Après cette tuerie où le binôme a montré toute l’étendue de son savoir-faire place au dynamique et superbe « Réminiscence », où là-encore les variations de tempo sont nombreuses se faisant l’écho de l’ambiance venteuse et du règne végétal qui domine l’espace, et où l’homme ne fait que passer s’il ne veut pas se retrouver prisonnier. Sans aucun temps-mort l’interlude « Verden Under » continue sur cette même voie avec ses notes acoustiques qui déchirent l’âme, mais en n’étant jamais larmoyantes, et montrent une douceur plus affirmée que l’on apercevait furtivement jusqu’à présent. Si le français était à l’honneur c’est désormais le danois qui a droit de cité avec « Den Hellge Ild » montrant ainsi l’influence qu’ont eu les guerriers du Nord sur le combo, et là contrairement au reste c’est ici la lenteur qui est primordiale sur ce titre et elle ne changera pratiquement pas. Entre la voix moins criarde qui laisse plus d’espace au chant clair (se montrant presque religieux par moments) et son tempo bridé à outrance, cette compo détonne, étonne mais rend accro encore une fois tout en étant encore plus noire vu qu’on est dans une ambiance de deuil, car l’on sent qu’un proche a disparu ou qu’un évènement grave est arrivé. Ralentissant de plus en plus jusqu’à l’arrêt total et définitif cette ultime plage nous fait rendre les armes car il n’y a rien plus à espérer vu que les efforts ont été vains, et désormais c’est la peur et les enfers qui guettent les combattants comme le met en valeur « Psychotic Torment Act3 » au titre bien trouvé vu qu’on a une série de cris de terreur, de douleur et de torture sur fond d’électricité.
Sans jamais être ennuyeuse l’œuvre des caennais est remarquable de constance, ne souffrant d’aucune longueur ni de baisse d’intérêt, et est même renforcée par une production naturelle, crue mais parfaitement audible, qui sied à merveille avec le côté rétro voulu par ceux-ci. Le seul défaut finalement est de passer beaucoup trop vite car on en redemande, heureusement les deux compères sont déjà en train de bosser sur du nouveau matos et surtout d’une durée bien plus longue, dont on a déjà hâte d’en entendre des bribes car comme l’on prouvé de nombreux aînés avant eux il faut parfois s’effacer dans l’ombre pour mieux revenir dans la lumière plus tard. C’est ce à quoi ils s’appliquent aujourd’hui et il faut saluer leur persévérance et la ténacité dont ils ont fait preuve, tout en n’ayant jamais reniés leurs idées et visions, ce qui fait se fait de plus en plus rare aujourd’hui.
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