Ereb Altor - Vargtimman
Chronique
Ereb Altor Vargtimman
Bon an, mal an, Ereb Altor poursuit sa route depuis la création du groupe en deux mille trois, prenant notamment une certaine régularité depuis la décennie précédente, en étant assez prolifique. En effet, depuis la sortie de leur troisième album Gastrike en deux mille douze, l’album qui a été un tournant musical pour le groupe de Gälve, les Suédois ont produit six autres albums, dont le présent Vargtimman, sortit en ce début d’année deux mille vingt-deux. Autant dire que la formation emmenée par « Mats » Crister Ollson et « Ragnar » Daniel Bryntse a été plus que prolifique, ce d’autant qu’il faut ajouter à cela quelques EP. Une grande activité qui a eu d’ailleurs pour répercussion une mise en parenthèse de leur autre projet, Isole, qui fut très actif, quant à lui, durant les années deux mille. C’est aussi l’avantage d’avoir en son sein un batteur, en la personne de « Tord » Jonas Lindström, qui est aussi capable d’enregistrer et de produire lui-même la musique du groupe, comme c’est le cas depuis leur premier album By Honour. Autant dire que le groupe n’a pas changé grand-chose pour cet album, qui sera le dernier pour le bassiste Mikael. C’est même ce que l’on pourrait leur reprocher, outre cette grande activité. Est-ce de nouveau la donne pour cette nouvelle réalisation ?
C’est d’ailleurs cette grande activité des Suédois qui fait que j’ai délaissé le suivi de leur discographie, après des débuts excellents, avec un peu les mêmes symptômes que chez Isole, c’est-à-dire qu’à force d’enquiller les albums, l’on a perdu un peu de ce qui faisait la singularité du groupe. Encore que chez Ereb Altor, les deux leaders n’ont pas puisé dans les fonds de tiroir de Forlorn pour allonger la durée des albums. Ceci tient sans doute que Isole est plutôt à mettre au crédit de Daniel Bryntse, là où l’on sent bien une mainmise plus importante de Crister Ollson chez Ereb Altor. Dans tous les cas, dès les premiers instants du titre I Have the Sky qui ouvre ce Vargtimman, l’on navigue en territoire connu chez Ereb Altor, un sillon que suit le groupe depuis Fire Meets Ice. Il est évidemment question de ce viking black metal fortement influencé par Bathory, mais pas seulement. Evidemment que l’influence du groupe de Quorthon reste prégnante, c’est même un peu la raison d’être de la formation, et plus particulièrement sur les titres les plus lents de l’album. Toutefois, d’autres accointances sont à retrouver ici, tant il n’est pas rare de penser par moments aux premières œuvres de Vintersorg et aussi à Borknagar, voire aux vieux Enslaved dans ces trémolos picking purement black metal. L’on retrouve d’ailleurs Lars Nedland, - Borknagar, Solefald, - à l’orgue sur ce premier titre, ce qui donne un peu plus de crédit à cette comparaison avec les Norvégiens.
Même si l’on évoque quelques formations assez connues et reconnues, c’est en premier lieu à Ereb Altor que l’on pense en écoutant cet album et l’on y retrouve tout ce qui fait le charme de la formation depuis ses débuts. Ce qu’il y a de bien ici, c’est que les Suédois ont décidé de nous donner une démonstration de l’étendue de leur panel musical. L’on a ainsi des titres plus mélodiques comme I Have the Sky, Fenris ou Alvablot, d’autres plus nuancés entre mélodisme et côté incisif comme Vargtimman et Heimdals Horn, ou bien encore d’autres plus rentre dedans comme Rise of the Destroyer et Ner I Mörkret. L’on est donc loin d’une certaine forme de monolithisme au niveau des titres, la variété des ambiances étant à mettre au crédit de cet album, entre hymnes à la bravoure et titres plus sombres. Dans tous les cas, et même lorsque le quatuor emprunte des territoires volontiers plus black metal, cela reste toutefois très mélodique. Même les trémolos de guitares restent dans cette trame, en donnant cette trame épique, mais cela n’est pas une nouveauté pour les deux guitaristes ici présents. C’est même assez complet dans ce registre, avec quelques arpèges et pas mal de leads pour renforcer ce côté héroïque. Et si le groupe semble enchaîner les albums, il ne les bâcle pas pour autant, s’attardant aussi à quelques détails et arrangements sur chaque titre, comme ces quelques nappes de claviers. L’on reste toutefois dans la branche respectable du black viking metal ici. Il ne faudra pas s’attendre ici à des chansons pour guincher lors de la fête de la patate du village, mais bien à quelque chose de fier et de nostalgique, qui conserve une certaine gravité, et un aspect un peu pessimiste par instant. L’on parle tout de même d’une formation dont les leaders sont aussi membre d’Isole.
En dehors de ce mélodisme affirmé, ce qui fait la force d’Ereb Altor, c’est évidemment le chant. Autant dire que nous sommes toujours aussi choyés de ce point de vue. L’on retrouve évidemment du chant black metal sur une bonne partie des compositions et qui est bien exécuté par Mats, mais également du chant clair, toujours tenu par ce dernier, qui est le chanteur principal de ce projet. Et il faut dire qu’il est toujours aussi bon, avec des intonations assez fières dans ses phrasés, comme s’il s’époumonait en chantant ces hymnes aux divinités nordiques. On le sent bien concerné par la chose, tant il sait y mettre de l’intensité, je pense surtout au final de Fenris. L’alternance entre les deux types de chant est bien dosée, il faut l’avouer. Bien évidemment, l’on retrouve aussi ces mélodies vocales à plusieurs voix, puisque les chœurs sont assurés par Ragnar et Mikael, toujours aussi classes, il n’y a pas d’autres mots. C’est, une nouvelle fois, fait avec justesse, sans en mettre partout, ce qui donne plus d’impact lorsqu’ils apparaissent. Cela nous donne ainsi une très belle complémentarité entre la musique et les différents types de chant, et l’on se laisse assez facilement prendre en jeu. Même s’il faut avouer que ce sont les titres qui vont se rapprocher des deux premiers albums qui vont avoir ma préférence, notamment ce majestueux Alvablot, où les acoustiques refont leur apparition, avec une petite pointe de nostalgie qui émane de ce titre, mais cela s’enchaîne très bien sur tout l’album. Surtout que les Suédois n’ont pas fait ici du remplissage, l’album ne comprenant que huit titres pour à peine un peu plus de quarante-deux minutes.
Si Vargtimman pourrait s’apparenter à une ligne supplémentaire dans la discographie d’Ereb Altor, il n’en est rien, tant il surprend positivement au fil des écoutes pour devenir assez addictif. Si j’avoue avoir eu quelques craintes, étant donné l’allure à laquelle les Suédois sortent des albums, ils montrent ici qu’ils n’ont rien perdu leur inspiration et qu’ils sont toujours autant capables de nous composer des albums dignes de ce nom dans un registre musical qui est malheureusement devenu une sorte de risée depuis bien trop longtemps. Si le terme black viking metal vous fait malheureusement penser à des choses insipides pour fans de cosplay et de séries télévisées, vous pouvez ranger vos cornes à boire et vos fausses peaux de bêtes, car l’on retourne bien ici à l’essence du genre, sans sombrer dans ses travers récents. Ereb Altor est d’une toute autre engeance, de celle qui sait rendre fièrement hommage tant à ses influences qu’aux mythes et légendes de leurs lointains ancêtres. C’est d’ailleurs cela qui rend intéressant ce neuvième album de la formation, qui, sans être foncièrement original, parvient toutefois à surprendre par certains choix d’écriture et par ses qualités intrinsèques, toujours de mise ici. Loin d’être la déception crainte, ce Vargtimman a suffisamment de charmes pour plaire à tout amateur de viking metal qui se respecte.
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