Weedpecker - III
Chronique
Weedpecker III
Je ne sais pas où les gars de Weedpecker achètent leur beuh mais à mon avis elle ne doit pas être très fraîche. Franchement, qu’est-ce que c’est que ce nom tout cramé ? Un jeu de mot autour de leur passe-temps préféré après la musique et du personnage de dessin-animé Woody Woodpecker... Vraiment ? Au moins l’avantage avec un nom pareil c’est que l’on sait où on met les pieds.
Originaire de Varsovie, Weedpecker se forme en 2012 et sort dans la foulée sa toute première démo. Il lui faudra ensuite une année complète pour accoucher de son premier album sorti en autoproduction et depuis réédité par Krauted Mind Records. Courant 2014, le groupe doit cependant se séparer de son bassiste Jeso Angelo (ex-Looking For An Answer). Un léger contretemps qui ne l’empêchera pas pour autant de sortir en 2015 son deuxième album et de commencer à se faire remarquer. D’ailleurs, les retours sont tels que les Polonais finiront par attirer l’attention du label allemand Stickman Records (Elder, Motorpsycho, Monkey3*, King Buffalo, Mos Generator...). Un intérêt mutuel qui débouchera sur une signature contractuelle et la sortie en début d’année d’un troisième album sobrement intitulé III.
Bien loin de l’image que l’on peut se faire d’un groupe de Stoner (mais où sont ces jolies pépées bien roulées et ces monstres aux V8 ronronnant et bien huilés ?), Weedpecker ne croit pas aux étiquettes et préfère aller piocher dans tout ce qui peut nourrir sa créativité et son univers sans se soucier des guerres de chapelles. Une absence de frontières probablement un peu déroutante pour ceux habitués à une certaine rigueur mais qui est aussi le signe d’un désir d’émancipation de la part d’un groupe dont les débuts, aussi bons furent-ils, étaient peut-être moins personnels, moins audacieux ou en tout cas plus balisés.
Découvert grâce à l’excellente chaîne YouTube Stoned Meadow Of Doom, cet album m’a particulièrement bluffé. Pourtant, les influences sont relativement évidentes mais il y a quelque chose dans la musique des Polonais qui la rend assez unique ou en tout cas suffisamment bien ficelée pour y accrocher dès les premières écoutes. Très largement inspiré par le Pink Floyd des années 70 (cette période allant grosso modo de Meddle à Animals), Weedpecker propose un Stoner Rock psychédélique empreint d’une délicatesse apaisante, autant dans le jeu subtil de ses musiciens que dans ces atmosphères feutrées et célestes (ou aquatiques puisqu’à chacun sa sensibilité après tout) dépeintes ici tout au long de ces quelques titres. Un voyage envoûtant et assez merveilleux dont je n’ai pas du tout envie de décrocher même après une bonne vingtaine d’écoutes. Tout chez Weedpecker invite en effet à la contemplation et à une séparation du corps et de l’esprit. De ces nombreuses et longues séquences instrumentales qui jamais ne tombent dans l’ennuie ("Molecule" de 0:00 à 1:58 puis de 4:52 jusqu’à la fin, "From Mars To Mercury" jusqu’à 1:35 puis de 4:36 à 6:54, "Embrace" de 2:24 à 5:49, etc) à cette voix lointaine et vaporeuse qui tient parfois presque plus du murmure qu’autre chose en passant par ces nappes de synthétiseurs discrètes, ce riffing plein de petits détails a priori insignifiants et qui pourtant apportent tant de richesse à l’ensemble ou bien encore cette production d’un équilibre et d’une pureté incroyables... Alors c’est vrai, le parallèle avec Elder semble tout à fait évident dès la première écoute. Pour autant, Weedpecker n’en tient pas moins avec ce troisième album une recette proche de la perfection.
Une sensation de sérénité néanmoins bousculée par l’arrivée de temps à autre de riffs bien plus musclés qui rappellent quand même que, oui, Weedpecker est un groupe de Stoner Rock ("Molecule" à 3:39, "From Mars To Mercury" à 9:01, les premières minutes de "Liquid Sky" le bonus track "Rise Above"). Et forcément le reste suit à l’image de cette batterie qui tape naturellement un peu plus fort, de cette voix moins aérienne et de ces solos un peu plus dans l’action. Un contraste franchement marqué mais néanmoins bienvenue puisqu’il apporte un soupçon de force et puissance à des compositions souvent très éthérées.
Pris par surprise par ce groupe au nom franchement pas très encourageant, je dois finalement m’avouer vaincu. III est une réussite absolument brillante qui illumine l’auditeur par la richesse de ses compositions et le talent d’écriture de ses musiciens, par sa capacité à nous transporter dans l’espace ou dans les profondeurs de l’océan et par cette agilité à passer de moments de pure contemplation ébahit à de brefs instants marqués par une pesanteur retrouvée. Un enthousiasme sincère pour un album inspiré et parfaitement équilibré qui, s’il rappellera évidemment à certain Pink Floyd et Elder, n’en reste pas moins un disque d’une grande maîtrise. Ne tiendrait-on pas là le meilleur disque du genre pour cette année 2018 ? Ça se pourrait bien...
| AxGxB 27 Mars 2018 - 1764 lectures |
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