Yawning Man - Live At Giant Rock
Chronique
Yawning Man Live At Giant Rock
Quiconque s’est déjà aventuré en plein désert connait à n’en point douter l’attrait et la fascination que peuvent avoir ces grands espaces sur l’homme. Que vous soyez un habitué de ces lieux ou un simple voyageurs de passage, comment ne pas se sentir désarmé et complètement bouleversé face à de tels paysages aussi grandioses qu’impitoyables où l’horizon ne semble plus avoir aucune limite et où les températures frisent par endroits les 55°?
Situé pour la plus grande partie en Californie mais débordant également dans les états du Nevada, de l’Utah et de l’Arizona, le désert Mojave (40000km2 quand même) est la région la plus aride des États-Unis et le berceau de la civilisation Mojave. C’est également là, au sud-ouest du parc national de Joshua Tree (du nom de cet arbre emblématique qui par je ne sais quel miracle de la nature réussi pourtant à pousser dans un tel environnement) et plus spécifiquement dans la ville de Palm Desert qu’est né le Stoner Rock ou Desert Rock, un genre rendu célèbre par des groupes comme Kyuss et Queens Of The Stone Age mais qui doit surtout énormément à Yawning Man, formation instrumentale (à quelques exceptions près) beaucoup plus discrète formée pourtant en 1986 et en grande partie responsable de ces fameuses "Generator Party" tenues en plein désert.
Rodé à l’exercice du concert en milieu naturel, ce Live At Giant Rock n’est donc pas un exploit ni un évènement en soit. Toutefois, et même si d’autres groupes ont déjà réalisé ce genre d’exercice compliqué par le passé (impossible de ne pas évoquer le fameux Live At Pompeii de Pink Floyd dans cette chronique), cette sortie s’inscrit à un moment où le monde de la musique (entre autre) se retrouve sévèrement chamboulé, une parenthèse forcée et désenchantée dans laquelle artistes et gens du spectacles n’ont pas d’autres choix que de prendre leur mal en patience. Face à cette situation compliquée et exaspérante, Yawning Man a décidé de ne pas se laisser démonter et de reprendre les choses là où elles avaient commencées : en plein désert californien. Avec le support du label italien Heavy Psych Sounds Records (Big Scenic Nowhere, Nebula, Brant Bjork, Nick Oliveri, Fatso Jetson...) et d’une équipe technique réduite (un ingénieur du son, une ou deux caméras, un drone et un générateur en souvenir du bon vieux temps), Gary Arce, Mario Lalli et Bill Stinson sont partis brancher leurs instruments au pied de Giant Rock, une bizarrerie géologique aussi mystérieuse que fascinante située en plein désert Mojave, pour y enregistrer à l’ère de la distanciation sociale un album live composé de titres inédits ou qui n’avait jusque-là jamais été enregistrés sur un quelconque support. Un lieu qui bien évidemment n'a rien d'anodin puisque c'est dans ce genre d'endroits chargés d'une énergie spirituelle et d'une véritable force magnétique que se nourrit la musique aérienne et contemplative de Yawning Man.
Matérialisé sous plusieurs formes (CD, DVD, vinyle), ce live enregistré à la fraîche en mai dernier devant un parterre évidemment aux abonnés absents (à l’exception bien entendu de cette équipe technique et de ces quelques badauds occupés à escalader Giant Rock, là bas au fond) s’impose dès les premières notes de "Tumbleweeds In The Snow" comme une invitation au voyage et aux trips méditatoires. Il suffit de fermer les yeux (et encore cela n’est même pas nécessaire) pour se laisser happer par la basse vibrante de Mario Lalli ou par cette guitare psychédélique (rappelant celles d’un certain "Echoes") et alors sentir nos poils se hérisser et notre conscience s’évanouir pour s’échapper vers d’autres horizons. Un voyage qui ne prendra fin que quarante-huit minutes plus tard (enfin seulement pour la version CD qui compte un titre supplémentaire) et qui laissera à l’auditeur l’impression tangible d’avoir pu quitter durant un court instant ces quelques mètres carrés qui sont les siens depuis déjà trop longtemps. Aussi est-il vain de rentrer dans l’exercice de la description détaillée en cherchant à mettre la lumière sur telle ou telle séquence puisque tout ici n’est que l’expression libérée d’une vision artistique en constante évolution. Une "jam session" à ciel ouvert avec pour seuls témoins cette nature incroyable et heureusement pour nous pauvres mortels quelques capteurs afin de nous permettre de vivre et revivre ces instants de grâce faits musique. Car non, il n’y a absolument rien à jeter tout au long de ces quarante-huit minutes instrumentales. De "Tumbleweeds In The Snow" à "The Last Summer Eye" en passant par "Nazi Synthesizer", "Blowhole Sunrise" ou "Space Finger", pas une seconde ne passe sans que l’on s’émerveille de ce qui arrive dans nos oreilles et de cette faculté qu’à Yawning Man à nous transporter ailleurs, loin de tout ce cirque ambiant à coups de compositions impeccables de bout en bout (groove, atmosphère, énergie, exécution...).
Débarqué ainsi sans crier gare, Live At Giant Rock s’insinue tranquillement comme l’un des plus beaux disques de 2020, année particulièrement moisie que l’on aimerait tous pouvoir oublier au plus vite. Malheureusement les choses ne sont jamais aussi faciles et évidentes. Alors en attendant l’arrivée de jours meilleurs, on se rassure et on se libère du poids du quotidien comme on peut, notamment avec ce genre d’album dont les écoutes répétées et souvent successives n’entachent en rien ses capacités évocatrices. Rédigée dans l’enthousiasme et l’euphorie de sa récente découverte cette chronique n’est probablement pas la plus objective qui soit. Finalement, il reste à voir si ces quelques titres réussiront à passer l’épreuve du temps même si étant donné les sensations procurées à chaque nouvelle écoute, j’ai bon espoir que Live At Giant Rock soit le genre d’albums à faire date, au moins dans l’histoire du Stoner Rock / Desert Rock. Un disque absolument merveilleux en somme...
| AxGxB 3 Novembre 2020 - 1566 lectures |
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