Profane Burial - The Rosewater Park Legend
Chronique
Profane Burial The Rosewater Park Legend
Si l’heure de gloire du Black symphonique est désormais derrière nous, le style en revanche continue d’inspirer et de survivre, même si les formations qui le pratiquent sont désormais plus rares qu’au début des années 2000 quand celui-ci était à son apogée. Si à l’époque la Grande-Bretagne et la Norvège étaient les leaders de cette tendance, chez ces derniers c’est désormais la soupe à la grimace car il ne reste plus personne ou presque de cet âge d’or : MÄCTÄTUS a rangé ses instruments depuis longtemps et DIMMU BORGIR pratique dorénavant une musique ressemblant plus à un NIGHTWISH avec une voix masculine, qu’à quelquechose d’extrême et de dérangeant. N’ayant rien à voir avec le carcan kitch dans lequel Shagrath et ses acolytes se sont désormais enfermés, PROFANE BURIAL va montrer une facette plus ambitieuse, progressive, grandiloquente et fantastique, tout en redonnant un second souffle à un genre qui a besoin d’un bon dépoussiérage. Formé en 2013 par les vétérans claviéristes Kjetil Ytterhus et André Aaslie (OMNIA MORITUR, FUNERAL, ABYSSIC), le binôme avait à l’époque pour ambition de mélanger un Metal noir froid et glacial à des orchestrations plus symphoniques proches des grandes sagas vues au cinéma. Rejoint par la suite par une belle brochette de vieux briscards comme Bjørn Dugstad Rønnow (TROLLFEST) et Ronny Thorsen (ex-TRAIL OF TEARS et BLOOD RED THRONE), la bande accompagnée du batteur de FRACTURE Jostein Thomassen a pris son temps pour développer sa musique, et y mélanger les influences de chacun d’entre eux, afin d’obtenir un résultat à la hauteur de leur expérience accumulée et de leur vécu.
Avec des morceaux particulièrement longs et fouillés la musique des norvégiens se mérite et va demander du temps et de la patience pour révéler toute sa palette et sa classe. Car pouvant paraître prétentieuse et pompeuse lors de la première écoute, elle va progressivement dévoiler sa subtilité et sa finesse, qui commence avec « The Tower Bell » qui va donner le ton d’entrée avec ces chœurs religieux et ses claviers grandioses qui vont se mêler avec intelligence aux déferlantes de vitesse du batteur (dont les blasts et hammerblast vont faire preuve tout au long de l’opus d’une précision chirurgicale), et aux riffs précis et efficaces. Démarrant tranquillement cette première compo est loin d’être la plus énergique, et met en avant la symphonie et les instruments classiques sans jamais trop en faire, et permettant des variations de rythmes bienvenus qui ne tombent pas à plat. Plus ambitieux « The Stench Of Dying Roses (The Children’s Song) » va pendant neuf minutes proposer deux parties bien séparées, comme pour différencier ses influences majeures, puisqu’après un démarrage plutôt électrique (où le tempo va énormément jouer les montagnes russes), la suite va mettre en exergue les cordes en avant permettant ainsi une superposition des couches et de la cohérence de l’écriture. Et même si quelques longueurs se font sentir sur la fin (qui aurait pu être raccourcie) ce mixage ne perd pas de sa force ni de son attrait, comme pour le plus lourd « The Soldier’s Song » qui arrive dans la foulée. Si elle se fait plus écrasante au départ cette compo va ensuite accélérer doucement mais sûrement, pour mieux ralentir après coup, tout en offrant un riffing typique de Silenoz (qui permet ainsi de montrer l’attrait qu’a eu son groupe sur le jeune quintet) avant d’y intégrer un court solo et une ambiance plus éthérée forte agréable, où là-encore l’ensemble passe comme une lettre à la poste, pour un résultat toujours aussi excellent.
Après un interlude aux accents cinématographiques, la seconde partie va s’ouvrir et offrir une direction plus directe et brutale, sans pour autant être dépouillée et primaire, car « An Interlude (Or How The Curse Of Rosewater Park Began) » va laisser plus de place à la double rapide et aux blasts furibards, permettant ainsi d’admirer une nouvelle fois le boulot effectué par le frappeur derrière son kit, qui outre un jeu léché et technique tout en sobriété, montre qu’il est aussi convaincant quand il tape fort et vite que quand il ralentit l’allure. Plus spontané ce titre n’en oublie cependant pas les claviers qui se font cependant plus discrets, sans pour autant être absents des débats, tout en se retrouvant en parfait équilibre au niveau de la production. Celle-ci d’ailleurs contribue grandement à la qualité de cet opus, car bien que prenant parfois beaucoup (voire légèrement trop ?) d’espace elle ne relègue pas les autres instruments au second plan, qui sont eux parfaitement équilibrés, et offrent ainsi un rendu optimal. Cela va sauter aux oreilles sur « The Letters » particulièrement entrainant et presque épique à certains instants, qui font ressortir les émotions via une série d’accélérations et décélérations bien troussées où le guitariste montre tout son doigté, à l’instar du magnifique « The Tale The Witches Wrote » qui conclut de la meilleure des manières cet album. Car ici ça va tabasser fortement et longtemps, vu que pendant plus de neuf minutes c’est un déluge de vitesse qui va s’abattre la majeure partie du temps, sans que ne soit oublié des breaks plus doux et aériens qui permettent de reprendre sa respiration avant que la foudre ne retentisse une ultime fois. Avec des passages tribaux intéressants, un solo tout en toucher et des cordes discrètes mais présentes juste ce qu’il faut, cette pépite permet à l’album d’offrir une ultime touche de dynamisme où s’est intégrée avec brio le classicisme de ses fondateurs et l’énergie du reste de ses membres.
Quasiment sans fautes (hormis quelques redondances et répétitions ici et là) cette œuvre fait directement entrer le quintet dans la cour des grands tant il réussit à proposer une certaine nouveauté dans un style ultra-balisé et casse-gueule, où il est très facile de tomber dans le kitch et dans le son bontempi. Il montre en tout cas que le genre a encore un avenir, à condition de peaufiner chaque note au maximum afin d’éviter le trop-plein d’orchestre qui sonnera pompeux et indigeste, qui se fera forcément au détriment du rugissement des guitares (comme pour un certain « Abrahadabra »). On ne peut donc que saluer la prise de risque des gars, et surtout la manière dont ils ont réussi à faire sonner l’ensemble, qui paraîtra un peu lourd la première fois mais qui s’appréciera de mieux en mieux par la suite … bref du temps et de la patience c’est tout ce qu’il faut lui donner, car le disque le mérite vu qu’il est surprenant et réussi à plus d’un titre.
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