Profane Burial - My Plateau
Chronique
Profane Burial My Plateau
Si on voit souvent revenir des formations avec de nouvelles livraisons à l’intérêt franchement limité, en revanche on attendait avec impatience le retour du combo de Kråkstad qui avait frappé très fort il y’a six ans avec un
« The Rosewater Park Legend » particulièrement attractif, et qui prouvait que le Black symphonique avait encore des choses à dire aussi bien au sein de son pays natal que vers l’international. Si depuis tout ce temps l’entité a connu bien des remous en interne avec les départs du chanteur Ronny Thorsen et du guitariste Jostein Thomassen... ainsi que du frappeur Bjørn Dugstad Rønnow (qui est cependant revenu depuis au bercail après une longue pause – et qui a depuis intégré BORKNAGAR en plus de TROLLFEST), tout ceci n’a pas eu d’impact sur le désormais trio qui se montre particulièrement en forme et motivé pour en découdre. En seulement six morceaux celui-ci livre une prestation impeccable qui nous envoie instantanément vers les fjords enneigés, les longues nuits hivernales et un froid intense et pénétrant propices à l’imagination et au voyage... et qui n’aura rien à envier aux productions antérieures de ces célèbres compatriotes, même si tout ça arrive avec environ trente ans de retard.
Car c’est finalement le seul véritable défaut à reprocher à ce disque impeccable et homogène de bout en bout, qui sans forcément atteindre le summum réalisé par ses glorieux aînés et proposer des titres réellement marquants a quand même des arguments à mettre à son crédit. En effet si le groupe flirte parfois avec un côté légèrement pompeux et trop technique ça reste néanmoins fluide et sans fautes de goût, tel que « My Plateau » va le montrer d’entrée en sortant toute la traditionnelle panoplie technique. Ici blasts ravageurs, accélérations diaboliques et ralentissements pachydermiques se mêlent à des riffs affûtés et des claviers grandiloquents à la fois fantastiques, horrifiques et cinématographiques. Accentué par des ambiances tribales percutantes ce voyage nocturne tumultueux où l’orage gronde au loin nous offre un vrai bain de jouvence très agréable, où l’on se surprend à entendre ici et là quelques passages et plans inspirés autant par DIMMU BORGIR qu'EMPEROR. Exaltant tous les sens de l’auditeur cette première plage très efficace va mettre les gars sur des bons rails avant l’arrivée de « Moribund », pas dégueulasse en soi mais à la violence moins présente et surtout une durée un peu excessive, qui donne la sensation que ça ne veut jamais se terminer. Montrant ici un piano plus proéminent et des passages inspirés du classique se faire plus entendre que d’habitude, l’alternance entre rapidité et lenteur passe cependant assez bien à défaut de véritablement marquer les esprits… ce qui sera au final le seul moment où l’attention va baisser un peu.
En effet dès que « Fragments Of Dirge » apparaît les choses vont redevenir attrayantes vu qu’ici on a droit à des plans épiques à souhait et parfaits pour captiver l’auditoire au milieu de guitares plus tristes et plaintives et à l’écriture plus simple et directe, comme pour vouloir revenir à certains fondamentaux. Tout y est effectivement plus virulent et frontal sans pour autant oublier de proposer des moments éthérés idéals pour densifier un peu plus une musique qui n’en oublie pas d’être accessible, malgré sa technicité et ses arrangements nombreux et travaillés. Ce point va d’ailleurs apparaître de manière plus conséquente encore sur le grandiloquent mais jamais bourratif « Righteous Indoctrination », qui fait presque penser à une bande originale de film de par ces accents grandioses et inspirés visiblement par la science-fiction… un ressenti partagé dans la foulée sur « Disambiguate Eradication », où ça part dans tous les sens sans jamais être indigeste. Autant dire que cette doublette a vraiment de l’allure et prouve que les trois acolytes ont un sacré niveau et savent jouer sur tous les tableaux avec leur écriture glaciale, venteuse et mortifère où le souffle du Malin comme de la grande faucheuse se fait sentir et ne sont ainsi jamais très loin de venir nous emporter dans les tréfonds des abîmes infernaux. D’ailleurs la conclusion intitulée « Horror Code » (où c’est orageux au possible) ne va jamais nous ennuyer en y allant frontalement et de manière débridée la plupart du temps, seulement alourdie par la présence de nombreux ralentisseurs pour donner de l’épaisseur à l’ensemble, et ainsi terminer un long-format attrayant et qui ne s’éternise jamais inutilement.
Alors certes c’est sans doute trop calibré pour espérer mieux que la deuxième division locale notamment à cause d’un manque flagrant d’hymnes reconnaissables immédiatement, mais néanmoins il faut donner sa chance aux mecs qui offrent un sacré boulot d’écriture comme dans l’exécution et qui ont ce qu’il faut pour embarquer les courageux vers des tréfonds inconnus. Pas indispensable certes... mais ça n’est pas une raison pour le laisser prendre la poussière, car même si ça ne reviendra pas aussi souvent que les compositions signées Shagrath ou Ihsahn on appréciera néanmoins l’effort fourni qui montre une authenticité à toute épreuve, et surtout une sincérité qui fait plaisir à entendre. Car à l’heure où tout n’est que superflu, narcissisme et effets plastiques infâmes sur des productions boostées aux amphétamines mais sans âme, il est toujours agréable de revenir vers les fondamentaux comme c’est le cas ici, et dont on espère entendre une suite avant 2030.
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