Il y’a à peine plus d’un an le combo lituanien marquait les esprits avec son premier opus
« End Of Chapter » particulièrement abouti et tourmenté, confirmant ainsi la vivacité et la qualité de la scène Post-Black en général. Si pour beaucoup de monde le quatuor déboulait de nulle-part il n’en était pourtant pas à son coup d’essai car en 2015 il avait sorti un EP éponyme qui préfigurait son orientation artistique future. Pourtant s’il contenait déjà les bases que l’on allait retrouver quelques temps plus tard, la musique présente à l’intérieur était cependant plus abrupte et sombre, sans pour autant être totalement éloignée de celle pratiquée aujourd’hui. Si à l’époque peu de gens l’avait remarqué (à cause notamment d’une sortie relativement confidentielle sur Witching Hour Productions), le voilà aujourd’hui remis en valeur via une réédition et un remastering (aussi bien au niveau du packaging que de la production) signés des Acteurs de l’Ombre, et agrémenté d’interludes qui n’existaient pas sur l’original.
Si ceux-ci n’apportent qu’un intérêt très limité en revanche le fait d’avoir retravaillé le son est une excellente chose, car même si à l’origine il était de qualité on se rend mieux compte aujourd’hui du boulot fourni par les guitaristes, dont le contenu était un peu trop noyé dans un océan de brume. Cependant celui-ci reste toujours aussi épais mais relâche quelque peu son étreinte permettant ainsi d’y gagner en densité et profondeur, tout en étant plus audible, permettant ainsi de comprendre l’univers sonore des Baltes et son voyage vers des horizons lointains. Car après une introduction où l’ambiance est propice au brouillard et à l’humidité place à « II » angoissant et mélancolique, où la vitesse est mise de côté pour laisser la liberté aux ambiances et à la froideur. A la fois glaciale et aérienne cette composition nous emmène loin vers des contrées inconnues, où la rigueur des hivers du pays natal de ses géniteurs se mêle aux contrées spatiales, le tout avec un riffing à la fois agressif et clair comme pour jouer le grand-écart. D’ailleurs si la lourdeur est de mise les blasts eux ne sont pas absents, ils se font juste discrets et apparaissent quand il le faut histoire d’ajouter un peu de folie et d’éviter la monotonie, pour un rendu impeccable et une accroche totale. D’ailleurs cette dernière ne va jamais se réduire au fil du temps puisqu’une fois cette compo terminée on a droit à une série de bruitages qui ne sont pas sans rappeler le combat spatial, vu qu’on entend furtivement ce qui ressemble à la respiration de Dark Vador, avant que n’arrive « III » plus posé mais tout aussi envoûtant. En effet ici l’ensemble propose moins de variations et reste majoritairement calé sur un tempo plus massif et écrasant, alors que musicalement ça se fait très éthéré donnant la sensation de partir vers les étoiles quelque part entre l’infini et au-delà. Particulièrement prenant ce titre contient des éléments plus personnels qui seront repris sur leur long-format, notamment via ses parties remuantes où le riffing se fait plus découpé, et où l’ensemble direct à souhait histoire donne envie de taper du pied et de remuer la tête.
Cependant la surprise va encore être présente avec le très obscur et hermétique « IV » où la sensation d’être happé par un trou noir ne désemplira pas tout du long, vu qu’ici les variations sont fort nombreuses et que ça secoue dans tous les sens, tel qu’on peut le ressentir lors d’un voyage agité. Plus technique qu’auparavant le batteur nous sort toute sa palette de jeu, n’hésitant pas y inclure un côté tribal très court lors d’un break, et poussant l’expérience à son paroxysme, où brutalité et apaisement sont de sortie. Le résultat comme pour les précédents titres est juste nickel, la bande ayant la bonne idée de ne pas en faire trop malgré la durée de chacun d’entre eux, et cela apparaîtra une ultime fois avec « V » qui est un peu le calme après la tempête. Si le précédent était difficile à appréhender et presque suffocant ici au contraire la lumière semble revenir et avec lui l’espoir qui est au bout du chemin, car la montée en pression se fait progressive et le tout varie entre optimisme retrouvé mais réaliste vu qu’on reste dans quelquechose de très gris et d’incertain.
Sans tomber dans la facilité et même si cette ultime pépite est moins noire que les autres, elle reste pénétrante tant on ne sait pas de quoi le futur sera fait, du moins c’est ce qu’on pouvait penser une fois arrivé au bout de cette demi-heure dense et sans faute de goûts. En effet pour un premier jet et malgré le jeune âge des gars ceux-ci faisaient déjà preuve d’une maturité artistique assez incroyable, couplé à une écriture efficace où la technicité n’est jamais dans l’excès et sert surtout la qualité collective et non pas individuelle. Que ce soit pour ceux qui les avaient découvert sur ce "court" format ou pour les autres qui ont attendu l’explosion
« End Of Chapter » le constat est le même, à savoir que tout était déjà-là et que la suite n’a fait que le confirmer. En attendant un successeur qui n’a pas été encore évoqué il est donc de bon ton de se (re)plonger dans cette phase originelle qui va enfin avoir la visibilité qu’elle mérite et qui permet donc de comprendre et d’appréhender l’œuvre et l’idée artistique des vilniusiens, dont on attend désormais monts et merveilles.
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