Au-Dessus - End Of Chapter
Chronique
Au-Dessus End Of Chapter
Si on parle régulièrement de la scène Scandinave ou d’Europe de l’Est on évoque plus rarement celle des pays Baltes (qui depuis chez nous semble être assez mystérieuse tant on peut croire qu’il ne s’y passe pas grand-chose là-bas), alors que celle-ci recèle bien des secrets et des beautés. Si on connait la Lituanie principalement grâce à sa grande équipe de basket (régulièrement médaillée dans les grandes compétitions), on a en revanche moins de choses à dire sur ses artistes qui nous sont pratiquement inconnus, hormis la chanteuse humoristique Giedré (qui sera d’ailleurs présente au Motocultor en août). Aujourd’hui cela va probablement changer avec ce quatuor qui signe une des plus belles surprises de ce printemps (et peut-être même de l’année en cours), et qui confirme encore une fois que les Acteurs de l’Ombre ont le nez creux pour découvrir et signer des formations venues de nulle part mais au talent remarquable, à l’instar de PENITENCE ONIRIQUE et DELUGE, et dont AU-DESSUS est le prolongement inné au sein du label. Formé en 2014 il avait déjà fait parler de lui dès l’année suivante avec un EP éponyme racé et terriblement prometteur qui a servi de base à ce premier opus, celui-ci reprenant les choses où elles en étaient restées mais en y ajoutant plus de puissance et de maturité artistique, malgré le jeune âge de ses membres. Ceux-ci possèdent en effet déjà une musicalité impressionnante et un sens de l’écriture incroyable, surtout dans un style comme le leur où il est très facile de se louper, mais réduire le groupe à du Post-Black serait une erreur car ils n’hésitent pas à y introduire plein d’éléments différents, afin que le voyage soit riche en surprise et en rebondissements.
On se retrouve dès le début de « VI » plongé dans un univers froid, brumeux et dépouillé qui est totalement en accord avec la pochette marquante signée du très demandé Metastazis, et l’artwork central qui sent bon la magnifique Islande, ses mystères et son incitation au voyage. Car ici cela démarre par un riff froid avant que la batterie légèrement tribale ne se mette en mouvement, tout comme la seconde guitare qui crée une ambiance planante, mise en avant par des chœurs superbes et envoûtants qui servent de longue introduction comme pour dire que le départ vers l’inconnu est imminent. Puis le décollage intervient via l’arrivée du chant et de blasts pour pousser plus haut la machine et la cohésion qui se fait toujours avec une densité incroyable, avant qu’une fois sur orbite l’ensemble ne se refasse plus lourd et posé via un frappeur tout en finesse et technique, et des effets nombreux joués par la paire de guitaristes. Après un peu plus de six minutes on est déjà totalement conquis et on s’aperçoit que les passages plus énervés s’accordent totalement avec ceux plus harmonieux, le tout étant mis en lumière par une production organique et puissante mais qui n’en fait pas trop, ce qui permet de conserver ce mur sonore légèrement brumeux, et de bien distinguer tout l’ensemble (notamment le boulot fournir par le frappeur dont on distingue chaque coup de charley et de cymbale) ainsi que la voix dont on va s’apercevoir par la suite de l’énorme boulot effectué, et du plus qu’elle amène à l’album. L’aérée « VII » nous montre une formation qui hausse encore son niveau de jeu (qui ne cessera de grimper jusqu’à la dernière seconde) et qui n’hésite pas à intégrer des cassures de rythmes afin de surprendre et d’éprouver les esprits les plus résistants, tout en ajoutant des moments plus lourds et presque remuants où l’on est surpris à vouloir remuer la tête, via un léger côté Sludge qui étonne de prime abord mais qui lui aussi trouve toute sa place dans ce maelstrom sonore. Celui-ci se pare de ses plus beaux atouts durant « VIII » qui met en valeur les deux extrêmes de ses créateurs, en commençant assez énergiquement avec un chant hurlé et des blasts furieux au milieu de parties plus lourdes, avant qu’ensuite la priorité ne soit portée sur les ambiances, du coup tout devient plus lent et écrasant, porté par un riffing glacial et coupant qui offre un rendu absolument incroyable et presque Post-Punk.
Pourtant ce n’est que le début des réjouissances car le lancinant, hypnotique et majestueux « IX » va nous faire découvrir un autre visage du combo, à savoir plus gras et remuant avec un léger côté dansant, cependant ceci n’est qu’une partie infime de ce titre car après cela tout se calme et se fait doux au niveau des instruments, avant de remettre une dernière couche de son massif et plus frontal, qui sert de rampe de lancement à la pièce-maîtresse qui arrive. En effet « X » et ces quasiment dix minutes laisse plus de place aux passages instrumentaux, et le chant se fait plus discret, mais ça n’est pas tout car malgré sa durée il n’est jamais redondant ni linéaire, grâce encore une fois à un amalgame parfait entre les diverses influences. Débutant par des notes sombres et morbides, il bénéficie d’une introduction assez longue qui permet d’intégrer un côté spirituel assez envoûtant où la vitesse est majoritairement bridée (quelques courts blasts sont présents ici et là pour donner un petit coup de jus), et où la musique sait aussi se faire tendre et cotonneuse quand il le faut et emmener l’auditeur encore très loin. Celui-ci va découvrir avec « XI » quelquechose de plus Doom tant le riff principal y est lent et sombre, à tel point qu’on se croirait à proximité d’un trou noir ne sachant plus à quel saint se vouer, tant ici l’ambiance y est apocalyptique et grandiloquente, mais d’un pessimisme ambiant où seuls quelques brusques et courtes accélérations peuvent croire que l’on va sortir de la torpeur générale. Bref là-encore un petit bijou incroyablement prenant et pénétrant, qui laisse la voie libre à « XII (End Of Chapter) » qui fait office de best-of tant il mixe avec brio toute la géniale palette artistique de ses géniteurs, en y incluant un soupçon de Progressif intéressant qui démontre s’il le fallait encore leur incroyable talent.
Car pendant un peu plus de trois-quarts d’heure les gars réussissent à nous tenir en haleine de la première à la dernière seconde sans déperdition ou ennui, ce qui est une vraie prouesse. Quand on sait qu’ils ont composé tout cela assez spontanément et que les arrangements sont venus rapidement dans la foulée, on se dit qu’ils en ont encore énormément sous le pied, et que cela est plus que prometteur pour la suite. A la fois noir et lumineux, spirituel et épuré, la force de cette galette est de ne jamais tomber dans le trop plein ni le surplus technique, alors que pourtant ce qui la compose provient d’horizons nombreux et différents. Privilégiant le feeling et la finesse, sans jamais être mollasson, le Post-Black des Baltes est incroyablement riche et confirme toute la vitalité d’un genre en pleine ascension et qui compte de plus en plus d’adeptes et pratiquants, nul doute en tout cas qu’on est en présence d’un des disques de l’année qui fera quasiment l’unanimité. Du très grand art qui s’apprécie d’un seul trait et sur lequel on reviendra régulièrement et où l’on découvrira à chaque fois des sensations nouvelles et de plénitude, dont on a déjà hâte d’écouter son successeur … chapeau bas !
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