Si ce n’est pas la première fois que je me fais la réflexion, je continue cependant de rester particulièrement impressionné par cette capacité qu’avaient ces groupes des années 70 et 80 à pondre un album par an voir même davantage. Black Sabbath, Led Zeppelin, AC/DC, Iron Maiden, Judas Priest et bien d’autres encore comptent ainsi parmi ces formations à l’inspiration débordante. Et quand on voit ce que sont devenus ces albums, c’est-à-dire pour la plupart des standards incontournables du Rock’n’Roll, il y a de quoi être forcé au respect.
Si les Belges de Target n’ont jamais eu la renommée de ces quelques groupes, il n’empêche qu’un an seulement après un premier album particulièrement prometteur, le groupe embrayait déjà avec la sortie, toujours sur Aaarrg Records, de son deuxième album intitulé
Master Project Genesis. Un disque encore plus abouti que son prédécesseur qui pourtant faisait déjà preuve d’un certain talent en grande partie grâce à un sens particulièrement développé de l’efficacité. Pourtant, si une seule année sépare ces deux albums, cela n’a malheureusement pas empêché le groupe de faire face à un changement de taille avec le départ de son chanteur Guy Degrave. Vraisemblablement lassé de l’exercice, celui-ci sera rapidement remplacé par un certain Steve Gray. Un mal pour un bien puisque très franchement, ce dernier assure dans un registre Heavy/Speed identique une prestation tout à fait satisfaisante pour ne pas dire supérieure à celle de son prédécesseur.
Outre le chant, la première surprise vient de la production beaucoup plus affûtée que celle de
Mission Executed. Le remastering opéré par Patrick W. Engel dans le cadre de cette réédition y est sûrement un petit peu pour quelque chose mais en tout cas, le travail effectué à l’époque par Jörg Stegert (Living Death, Mekong Delta, Protector...) sonne aujourd’hui toujours d’actualité. Un rendu extrêmement moderne, surtout pour l’époque, qui va clairement permettre de mettre en avant l’orientation un brin plus technique de Target.
En effet, après un premier album qui sur ce plan n’avait pourtant déjà pas à rougir, les Belges empruntent désormais la voie d’un Thrash encore un peu plus technique les rapprochant ainsi de groupes tels que Voivod ou Mekong Delta. Un constat sans appel qui va s’imposer dès les premières secondes de l’excellent "The Coming Of Chaos" aux riffs extrêmement ciselés, aux nombreux changements de rythmes et à la basse délicieusement frétillante. Ce jeu bien plus marqué que sur
Mission Executed va apporter à ce deuxième album un côté forcément un peu moins direct mais surtout plus tortueux et complexe ("The Coming Of Chaos" à 1:54, le début de "Ultimate Unity" ainsi qu’à partir de 3:18, la longue introduction d’"Absolution By Termination" ainsi que ce break à 2:50 introduit par la basse de Johan Susant, "March Of The Machines", les premières secondes de "Secret Of The Dome", le break de "Master Project Genesis") qui risque de ne pas plaire à tout le monde à commencer par les amateurs de Thrash plus bas du front. Clairement, Target a haussé son niveau de jeu à travers des compositions bien plus élaborées et complexes (le travail rythmique et la complémentarité des guitares et de la basse sont assez bluffant) quitte à perdre un peu en efficacité immédiate. Mais cela n’a pas beaucoup d’importance tant chaque musicien donne le sentiment de se faire vraiment plaisir, exprimant le meilleur de leur jeu et de leur instrument à travers des compositions d’une véritable richesse.
Rassurez-vous néanmoins car le groupe ne sombre ni dans l’exercice de style ni dans la démonstration stérile pour autant. Car en dépit de la tournure plus technique des événements,
Master Project Genesis n’est finalement qu’une version un peu plus poussée et aboutie du déjà très réussi
Mission Executed. On retrouve ainsi tout ce qui faisait le charme de son prédécesseur, notamment ce riffing nerveux toujours très efficace que l’on doit une fois encore au duo Lex Vogelaar / Franky Van Aerde ("The Coming Of Chaos" à 0:53, "Ultimate Unity" à 1:07, "Digital Regency" à 1:01, "Absolution By Termination" à 1:49...), ces leads et autres solos mélodiques toujours aussi savamment exécutés ("The Coming Of Chaos" à 1:26, "Ultimate Unity" à 1:07, "Digital Regency" à 0:19 et à 1:36, "Absolution By Termination" à 3:15, "Dehumanization" à 0:13...) ainsi que cette batterie volontaire qui ne se fait jamais prier pour cavaler ("The Coming Of Chaos" à 1:03, "Ultimate Unity" à 1:07, "Digital Regency" à 1:01, le départ dans les starting-block sur "Dehumanization"). Aussi, lorsque Target fait le choix de séquences plus directes, on retrouve naturellement ce Thrash ultra incisif et efficace des débuts.
Ultime album pour ce groupe belge aujourd’hui encore trop méconnu parmi les amateurs de Thrash,
Master Project Genesis s’impose à mon sens comme la pièce maîtresse d’une discographie trop courte mais au moins sans aucune faute de goût. Ceux qui apprécient leur Thrash avec un (fort) supplément technique et une certaine personnalité (Coroner, Deathrow, Voivod, Realm, Mekong Delta...) ne devraient en tout cas pas faire l’impasse sur ces rééditions proposées par High Roller. En tout cas une chose est sûre à l’écoute de ces deux albums, il est dommage qu’un groupe de ce niveau-là n’est pas choisi de persister car ce deuxième album sorti en 1988 soutient largement la comparaison face aux noms de l’époque dont on se souvient aujourd’hui.
Master Project Genesis est un disque riche et intense, composé intelligemment par un groupe constitué de musiciens talentueux. Bref, une véritable petite pépite qui n’aura malheureusement pas marqué son temps mais saura réjouir les initiés et autres personnes qui aiment découvrir ce genre de vieilleries oubliées.
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