Vous croyez toujours que le Thrash se limite à la Bay Area et au bassin de la Ruhr ? Pauvres fous... Il fût un temps, pas si éloigné que ça, où la Belgique avait encore le droit de cité. Formé en 1986, Target aura eu malheureusement une carrière de courte durée puisqu’après deux albums sortis respectivement en 1987 et 1988, le groupe choisira de tirer sa révérence dans un anonymat assourdissant. Aujourd’hui encore, le nom de Target est loin d’être connu, même parmi les amateurs de Thrash. Et c’est bien dommage car les Belges figurent en bonne place dans la liste des plus belles pépites oubliées que le genre ait porté.
Originaire de Aalst, petite ville située entre Gand et Bruxelles, Target sort sa première démo quelques mois seulement après sa formation. Très vite, celle-ci va atterrir sur les bureaux de Aaarrg Records, jeune label allemand tout juste fondé par Bjorn Eklund (du groupe Mekong Delta) qui va s’empressé de les signer au côté d’autres groupes tels que Living Death ou Holy Moses. C’est ainsi que durant l’été 1987 Target entrera au Phoenix Studio (Kreator, Protector, Mekong Delta...) afin d’enregistrer son premier album intitulé
Mission Executed. Trente ans plus tard, face à l’indécence des prix pratiqués sur le marché de la revente et toujours animé par cette noble idée de répandre la bonne parole (en amassant quand même quelques euros au passage), High Roller Records propose enfin la réédition des deux seuls albums de Target. Du putain de pain béni pour tous les amateurs de Thrash (technique).
Car vous pourrez bien vous moquer de l’artwork autant que vous voudrez, une fois lancée dans l’écoute de ce petit bijou, vous comprendrez probablement très vite que Target n’est pas là pour enfiler des perles. Alors rangez moi le petit sourire satisfait du gars qui a déjà enterré l’album sur la simple vue de cette irrésistible œuvre d’art et venez plutôt prendre votre raclée car je vous assure, vous allez dérouiller. Remasterisé par l’infatigable Patrick W. Engel (responsable d’un paquet de remastering dont certains pour Agent Steel, Asphyx, Cirith Ungol, Destruction, Exumer…), cette réédition bénéficie d’une production remise quelque peu au goût du jour. Travaillant toujours avec en ligne de mire le respect de l’œuvre originale, l’Allemand a naturellement pris soin de conserver ce qui fait de nos jours le charme de ces sorties d’antan à commencer par un grain probablement hérité des bandes de l’époque. Grâce à ce léger lifting et même si l’on devine encore aisément que les morceaux présents sur
Mission Executed n’ont pas été enregistrés ces derniers jours, l’album bénéficie tout de même d’une production qui a particulièrement bien vieillit. Un atout évident pour le genre de Thrash que pratique ici Target.
S’il est moins abouti que son successeur, l’excellent et plus technique
Master Project Genesis,
Mission Executed n’en demeure pas moins un album de très grande qualité. Comme dans la majorité des cas, ce qui permet à Target de tirer son épingle du jeu, c’est en grande partie la qualité de son riffing. Assuré par la paire Lex Vogelaar/Franky Van Aerde, les deux hommes vont livrer ici un festival de riffs tous plus incisifs les uns que les autres. Les Belges n’ont pas la prétention de révolutionner quoi que ce soit, même à l’époque, mais ils ont au moins pour eux le sens du riff et de l’efficacité (les premières mesures de "Mission To The Andes" et "Hordes Of Insanaity", "They Walk In Front" à 0:56, les débuts de "Warriors Of The Holy One", "Under Dominion (Of Death)" ou bien "Death Blow", titre instrumental en guise de conclusion) ainsi qu’un certain niveau technique qui donne d’emblée une couleur bien particulière à l’ensemble notamment à travers une rythmique bien marquée . Enfin, pour ne rien gâcher à la fête, les solos qu’ils dispensent sont tous particulièrement bien exécutés ("Mission To The Andes" à 2:00, "Hordes Of Insanity" à 1:50, "They Walk In Front" à 0:40 et 3:22, "Warriors Of The Holy One" à 2:28, "Nuclear Waste" à 1:59...) avec en prime un petit côté mélodique pas désagréable pour un sou.
Qui dit riffs nerveux et affûtés dit également batterie bien en jambes. Et pour le coup, si le Thrash de Target n’est pas le plus véloce qu’il m’ait été donné d’écouter, cela n’empêche pas Christ Braems de cavaler à en perdre haleine le temps de séances de tchouka-tchouka menées pied au plancher. Bien sûr, celui-ci n’est pas sans ralentir la cadence de temps à autres histoire de caler quelques breaks bien sentis mais dans l’ensemble, Target est quand même plutôt du genre à foncer dans le tas tête baissée qu’à philosopher sur la qualité de ses gammes et de ses patterns dans des élans démonstratifs sans intérêts (même si encore une fois, on sent indiscutablement cette grande qualité technique chez le groupe belge).
Plus nuancé et beaucoup moins foutraque et intense que d’autres disques sortis avant lui (je pense notamment aux premiers Kreator, Sodom et autre Destruction),
Mission Executed est un album qui adopte un penchant un peu plus technique et mélodique que ses contemporains. Pour autant, Target délivre ici un Thrash de haute volée, efficace d’un bout à l’autre et particulièrement inspiré. Bien sûr, il faudra s’accommoder du chant relativement haut perché et donc un poil moins agressif de Guy Degrave (ce n’est pas Bobby Ellsworth non plus mais on y trouve tout de même quelques similitudes) mais celui-ci donne un charme tout à fait particulier à l’album (ce Thrash hérité du Speed et du Heavy Metal) qui, en ce qui me concerne, est loin de me déplaire. Si on lui préférera son grand frère sorti l’année d’après,
Mission Executed reste un premier de très grande qualité qui mérite que l’on y jette une oreille attentive si l’on se dit amateur de Thrash.
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09/04/2018 14:53
09/04/2018 14:25
06/04/2018 21:18
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06/04/2018 17:07