Soulrot - Nameless Hideous Manifestations
Chronique
Soulrot Nameless Hideous Manifestations
Vous ne l’avez peut-être pas remarqué mais Keyser et moi-même sommes embarqués depuis quelques années déjà dans une mission d’utilité publique consistant à défricher la scène underground chilienne et à vous la restituer à travers quelques écrits qui, bien souvent, ne manquent pas d’enthousiasme. Car si tout n’est pas forcément bon à prendre, l’essentiel des sorties étiquetées Death Metal en provenance du Chili restent tout de même particulièrement recommandables.
C’est le cas du premier album de Soulrot paru l’année dernière sur le label espagnol Memento Mori Records. Formé en 2013 à Valparaíso, le trio s’acquitte de quelques sorties quasi-obligatoires pour un groupe de sa stature (une démo puis un EP) avant de s’atteler à la composition de Nameless Hideous Manifestations, premier album illustré par le talentueux Juanjo Castellano. Un coup de pinceaux qui forcément me fera me pencher sur le cas de ces trois Chiliens qui, à ma grande surprise, pratiquent un Death Metal largement influencé par la scène suédoise de la fin des années 80/début des années 90, Carnage et Dismember en tête.
Plutôt habitué aux productions de type Black/Death bestial (Perversor, Wrathprayer, Slaughtbbath…), Death sombre et blasphématoire (Cenotafio, Magnanimvs, Totten Korps…) voir Thrash (Ripper, Invincible Force, Hellish…), je ne m’attendais pas à trouver de la part d’un groupe chilien ce genre d’influences typiquement suédoises. Une bonne surprise même si effectivement le spectre de la bande à Matti Kärki plane fortement sur les dix titres de ce premier album. Mais puisque Smothered a tiré sa révérence l’année dernière et que Brutally Deceased a perdu le peu d’inspiration qu’il avait au profit d’une production over the top encore plus abusée que sur ces deux premiers albums, peu nombreux sont à mes yeux les formations dignes d’intérêt marchant aujourd’hui dans les pas du célèbre groupe de Stockholm. Alors forcément, ce premier album de Soulrot, s’il ne brille ni par son originalité ni par ses prises de risques, demeure malgré tout du pain béni pour tous les amateurs du son gras et rugueux de Dismember.
Enregistré par le groupe lui-même et masterisé par Jack Conrow aux Enormous Door Studios (Antichrist, Darkthrone, Insurgency, Mammoth Grinder, ZOM…), ce premier album bénéficie d’une production évidemment très typée Sunlight Studios. Un son rugueux et abrasif qui d’emblée confère à Nameless Hideous Manifestations une couleur bien particulière et facilement identifiable. De toute façon, il fallait bien ce genre de production pour coller aux compositions imaginées par Soulrot. Si les riffs tronçonneuses se taillent évidemment la part du lion, ils sont également accompagnés par une section rythmique particulièrement musclée qui ne faiblit qu’en de rares occasions. Des moments choisis avec soin pour rompre avec ces accélérations Punk toujours aussi jouissives (je n’ai jamais pu résister à une bonne séance de tchouka-tchouka) et autres séquences de blasts punitifs (allez, semi-blasts pour faire plaisir à l’ami Keyser). Car du haut de ses trente-six minutes, ce premier album se concentre bien évidemment sur l‘essentiel, frappez vite et fort comme seul et unique modèle. Une approche frontale, sans grande originalité mais encore une fois terriblement efficace pour peu que vous soyez client de ce genre de Death Metal scandinave mené la rage au ventre.
Soulrot porte également une certaine attention à la place des mélodies dans les compositions qu’il propose. Si les riffs ne font certainement pas dans la finesse à charcuter comme ils le font, cela n’empêche pas le guitariste Jose Olmos de livrer d’excellents leads et autres soli tout au long de l’album (ce lead à vous coller des frissons sur le début de l’excellent "Those Who Dwell In The Abyss" mais aussi "Infertile Anti-Womb" à 2:38 ou bien encore "Incorporeal Autopsy" à 3:01). Exactement ce qu’il faut pour renforcer cette atmosphère sombre et inquiétante déjà distillée par ces riffs menaçants. Dommage que Soulrot ne n’en serve pas davantage, cela aurait sûrement été un plus pour les Chiliens. Mais ne boudons pas notre plaisir pour autant, Nameless Hideous Manifestations est un premier album rondement mené dont le seul défaut est probablement le risque éventuel d’essoufflement passé un certain nombre d’écoutes. Personnellement je n’en suis pas encore là mais c’est clairement le genre de disque duquel il faut parfois se méfier de ses premières bonnes impressions, tout simplement parce que personne ne fera jamais mieux qu’Entombed et Dismember en la matière.
Amateurs de Death Metal rugueux typique de ce que la Suède pouvait produire aux débuts des années 90, ce premier album de Soulrot devrait combler sans mal toutes vos attentes. On y trouve à peu près tout ce qui faisait le charme des productions de l’époque même si, en effet, j’aurai apprécié entendre davantage de leads et de soli tout au long de ces trente-six minutes. Quoi qu’il en soit, si pour vous l’efficacité prime sur tout le reste et notamment l’originalité, alors ce Nameless Hideous Manifestations devrait figurer en bonne place de vos listes d’écoutes. Ce n’est certes pas le disque de l’année (ou plutôt celui de l’année dernière) mais il fait largement son office dans le genre.
| AxGxB 29 Octobre 2018 - 868 lectures |
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