Infernal Coil - Within a World Forgotten
Chronique
Infernal Coil Within a World Forgotten
Durant toute son existence, le metal s’est attelé à repousser toujours plus loin la manifestation musicale de la violence « physique » en musique, en termes de décibels, de masse sonore, d’agression, de vitesse… Mais depuis Napalm Death et son radical Scum en 1987, l’enjeu de la surenchère est-il toujours là ? Peut-être bien, mais d’une autre façon. Certains cherchent ailleurs en plus de cela, dans le psychologique, pour bousculer encore plus brutalement et profondément l’auditeur. Infernal Coil est de ceux-là. Attention, monstre en mouvement.
Après une première démo en 2016, et un EP l’année dernière, ce trio américain venant de l’Idaho présente son premier longue durée nommé Within a World Forgotten, chez la respectable écurie Profound Lore Records. Et on préfère vous prévenir : voilà bien le genre d’album à ne pas attaquer le ventre vide. Dans un premier temps, on pense avoir affaire à un groupe dans la lignée des Portal ou autre Impetuous Ritual, à savoir un death aussi étouffant et cauchemardesque que violent. Cependant on se rend compte assez vite qu’Infernal Coil vise quelque chose d’un peu plus climatique, plus descriptif et massif, où il est question ici de fasciner plutôt que d’horrifier sans se cacher, dans un esprit plus proche d’un Tchornobog par exemple. Mais sur une base death metal imposante, Infernal Coil ajoute à sa mixture le grind le plus virulent et le black metal le plus opaque. La production est cryptique, mais surprenamment lisible, jamais aride ou terne, s’autorisant un réel jeu de textures et de couleurs avec ses mélodies souterraines. La batterie est assez haute dans le mix, accentuant encore son aspect punitif et chaotique. Les vocaux, assez terrifiants, ont le bon goût d’éviter toute sonorité porcine afin de rester crédibles et maintenir l’auditeur sous la pression de ce mur sonore totalitaire.
Sans laisser une seule seconde de préliminaires, les quatre premières minutes, avec « Wounds Never Close » et « Continuum Cruciatus », présentent un monstre de brutalité et de noirceur, aussi foudroyant que tumultueux (les influences grind ne sont pas là pour rien). « Crusher of the Seed » semble continuer sur le chemin tracé par les deux pistes précédentes avec un format plus long, mais c’est là qu’Infernal Coil commence à jouer son atout maître évoqué plus haut : les atmosphères. Angoissantes, menaçantes, oppressantes, elles se fondent naturellement dans ces compositions rasant tout sur leur passage, trouvant une ambivalence permettant à des titres comme « Reflection of Waldeinsamkeit » ou « Bodies Set in Ashen Death » de s’affranchir de la simple laideur dans laquelle ils pourraient s’enfermer. Le colossal « 49 Suns », du haut de ses dix minutes, s’impose comme le sommet de l’album, avec ses riffs de fin du monde dévastateurs lorgnant vers le black et l’ambiance mystique de sa deuxième moitié apaisée, rappelant le Times of Grace de Neurosis. Le titre conclusif, « In Silent Vengeance », avec ses huit minutes en ascension (même si tout est relatif), fait partie des réussites du disque, et n’est pas loin de se voir accoler le préfixe « post » en passant. Comme quoi, paradoxalement, les formats longs semblent bien réussir aux Américains, quand les deux premiers morceaux, bien plus courts et agressifs, en viennent à trancher un peu avec le reste de l’album. On arriverait presque à s’approcher, dans le feeling, d’un champ lexical parfois conspué par certains, mais qui fait pourtant tout l’intérêt de cette sortie : « abstrait », « cérébral », « intellectuel » même. Autre atout : la jolie pochette d’Adam Burke, qui crée un contraste intéressant avec le contenu, avec ce style impressionniste qui colle finalement assez bien avec la musique de Within a World Forgotten, même si évidemment on aurait imaginé quelque chose de bien plus apocalyptique à son écoute.
En soit Infernal Coil n’apporte rien de totalement inédit dans la scène extrême récente, mais se réapproprie plutôt ses influences de manière très habile, et sort ainsi du lot avec un travail consciencieux, bien plus fin que ce à quoi on pourrait s’attendre. Ce genre de disque est en quelque sorte essentiel, car il fait partie de ceux qui cherchent à repousser un extrême, demande une certaine forme de confrontation à l’auditeur pour passer une frontière derrière laquelle il pourra découvrir de nouvelles terres. Cette limite, le groupe ne nous invite clairement pas à la franchir avec sa musique jusqu'au-boutiste qui ne fait aucune concession, il nous le propose seulement. Un premier opus d’ores et déjà très impressionnant, addictif avec les écoutes, et nous avons hâte de voir comment les Américains sauront développer leurs idées dans le futur.
| Neuro 5 Décembre 2018 - 2311 lectures |
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