Asphodèle - Jours Pâles
Chronique
Asphodèle Jours Pâles
Si certains mettent du temps pour enregistrer et sortir leurs compositions ASPHODELE n’a pas été victime de ce syndrome, vu qu’après s’être formé cette année il a mis en boîte dans la foulée ce premier album original et envoûtant, qui confirme l’excellente santé et diversité de la scène hexagonale. Sous ce nom mystérieux on y retrouve des vieux briscards particulièrement expérimentés où se greffent notamment Stéphane Bayle (ex ANOREXIA NERVOSA, AU CHAMP DES MORTS), Spellbound (AORLHAC) et Christian Larsson (GLOSON, ex SHINING), du coup rien d’étonnant à ce que les choses se soient imbriquées si rapidement. Cependant attention à ne pas confondre vitesse et précipitation, mais vu le pedigree de chacun des membres on peut légitimement supposer qu’ils ne sont pas tombés dans ce piège, et c’est effectivement le cas, tant leur Post-Black spatial et mélodieux va montrer de très belles choses, à la fois apaisantes et accrocheuses. Car le quintet ne s’est donné aucune limite musicale et on va retrouver chez lui de nombreuses et diverses influences stylistiques tout au long de l’écoute, où la violence est mise de côté (et n’apparait qu’à quelques moments précis) pour laisser plus de place à la réflexion via un côté rétro délicieux et bien foutu.
Cela apparait dès l’introduction intitulée « Candide » où la tristesse est de sortie, à cause de notes de piano douces et mélancoliques propices au romantisme et à l’automne qui s’avance. Dès cela terminé « De Brèves Etreintes Nocturnes » continue d’emmener l’auditeur vers des rêveries tortueuses, liées notamment au chant doux et apaisant d’Audrey Sylvain (MALENUIT, ex PESTE NOIRE - et cofondatrice de ce projet) qui se mêle à celui tout aussi hanté de l’autre fondateur, qui change radicalement de registre par rapport à AORLHAC. Portés par une rythmique remuante où le mid-tempo côtoie des accélérations plus débridées ces deux parties vocales offrent ainsi une alternance entre calme et colère, proche du Dark Metal et du Gothique. Ce sentiment va se retrouver sur le long et atmosphérique « Jours Pâles » où la vocaliste s’en donne à cœur-joie afin de mettre en valeur la beauté et la tristesse, des antagonismes qui ne vont pas arrêter de se succéder durant l’avancée de cet opus. Pour l’instant on reste posé sur un tempo qui varie légèrement sans pour autant exploser complètement, et ainsi offrir suffisamment de subtilité et de puissance sans que cela ne nuise à l’ensemble, à l’instar de ce break acoustique qui ajoute un vrai sentiment d’apaisement, ajoutant ainsi un supplément de lumière au milieu de la nuit bien installée.
Si cette dernière offre un cadre idéal à l’écoute au fur et à mesure de l’avancée du voyage (vers des contrées lointaines comme dans un passé plus si proche) celle-ci va s’accentuer de façon plus affirmée, tout d’abord avec « Gueules Crasses » certes plus direct de prime abord, mais surtout plus éthéré et équilibré. Car ici la violence réapparaît de façon légère afin de mieux miser sur l’alternance (vu que des ambiances cotonneuses et les notes de piano y font leur retour), et cela amène un vrai surplus de diversité toujours mis en valeur par le duo au chant qui amène chacun son tour sa patte personnelle, histoire de produire sur l’auditeur une sorte d’introspection. Cette impression va se renforcer durant la seconde moitié de cette galette (pour l’instant réussie et misant énormément sur les harmonies vocales comme musicales), et pour démarrer celle-ci c’est « Nitide » qui ouvre les débats en amenant la lumière au milieu de cette obscurité. S’il semble plus provenir de la lune que du soleil le côté cosmique va être renforcé via de nombreux effets sonores où la dissonance et la réverb’ sont ici présents, le tout étant porté par un rythme global très faible qui amène les conditions nécessaires pour apaiser l’esprit et qu’il puisse rêver comme il faut. Si cet univers peut parfaitement être raccord avec les œuvres de Baudelaire ou Maupassant les ténèbres ne sont cependant jamais très loin, car « Refuge » nous renvoie vers le Black-Metal avec ses riffs coupants et gelés qui ne sont pas sans rappeler à la fois ceux de la formation de Niklas Kvarforth, et de l’entité principale du guitariste. On pourrait effectivement croire qu’on a affaire à la suite du magnifique « Dans La Joie » de par sa production et son dynamisme, d’où émerge un solo déchiré afin d’amener un peu de clarté au milieu de ce magma de noirceur et de froideur, où le tempo monte un peu en pression. Ce schéma se retrouvera à la fin avec « Décembre » brumeux au possible où rythmiquement ça joue le grand-écart (tout comme les voix) où la force et la douceur ne cesse d’alterner, confirmant que la fin de l’expérience est proche et qu’elle se maintient très haut en attractivité. Juste avant cela avec « Réminiscences » on avait même eu droit à un revival Post-Punk et New-Wave typiquement 80’s via une basse chaude bien présente d’où émergeait des notes de guitares venues de nulle part, et visiblement inspirées par les premières créations de THE CURE et le magnétique « Unknown Pleasures » de JOY DIVISION, où là-encore la nuit et le jour ne cessent de succéder.
Si la voix de la demoiselle pourra en désorienter certains de par son côté parfois en décalage avec la musique, il n’en reste pas moins que ce disque surprenant et étonnant ne laissera pas indifférent tant il est éloigné des standards auquel nous ont habitué chacun des musiciens ici présents. Misant beaucoup sur les ambiances sans jamais en faire trop et gardant une certaine retenue dans ses atmosphères et effets sonores les plus divers, ce long-format original et abouti d’obédience initiatique réussit surtout à ne pas tomber dans le ridicule et le mélo de bas-étage. Certes on pourra reprocher au binôme derrière le micro de parfois en faire un peu trop sur leurs tessitures basses mais il n’en reste pas moins que le boulot accompli est plus que convaincant, notamment par le fait que les parties énervées (fort discrètes) ne sont pas absentes, évitant ainsi de tomber dans quelquechose de plan-plan et sans intérêt. Alors oui ça ne marquera pas 2019 de son empreinte et il n’est pas sûr qu’on y revienne régulièrement, mais avec l’hiver qui arrive et la déprime saisonnière qui en découle ce petit plaisir auditif sera le parfait accompagnateur des longues soirées qui s’annoncent.
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